Le patrimoine, une richesse franco-ontarienne

Le patrimoine revêt de multiples formes: industriel, religieux, naturel, bâti. Ici l'église Saint-Charles-Borromée (Ottawa), la rivière des Français et la Maison Labatte (Tiny).
Industriel, religieux, naturel, bâti... Le patrimoine revêt de multiples formes. Ici l'église Saint-Charles-Borromée (Ottawa), la rivière des Français (Nord) et la Maison Labatte (Tiny). Montage ONFR+

Chaque samedi, ONFR+ propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste de patrimoine Diego Elizondo.

[CHRONIQUE]

Il existe une richesse collective qui se transmet de génération en génération et qui est aussi diverse que multiple pour la communauté franco-ontarienne. Pourtant, cet unique legs inestimable de celles et ceux qui nous ont précédés demeure souvent méconnu, oublié ou en péril.

Trop souvent, lorsque le patrimoine fait les manchettes c’est en temps de crise alors qu’un bâtiment tombe sous le pic des démolisseurs. Incompris, il peut être aussi perçu comme mystérieux et qu’il ne concerne que quelques initiés. Aussi, faut-il saluer l’initiative d’ONFR+ d’accorder une tribune médiatique au patrimoine franco-ontarien par delà les crises passées ou à venir.

« Comme Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes, que nous soyons nés en Ontario ou que nous ayons choisi d’y vivre, nous sommes toutes et tous porteurs d’expérience, de savoirs et de mémoires qui composent et recomposent, avec le temps, un patrimoine à raconter, à partager, à valoriser et à transmettre dans nos espaces de vie communautaire », écrivait en 1997 la regrettée Paule Doucet (1943- 2016), directrice générale du Regroupement des organismes franco-ontariens (ROPFO) dans un énoncé qui n’a pas pris une ride 25 ans plus tard.

Dans le cadre de cette chronique inauguratrice, je vous invite à mieux apprivoiser le patrimoine franco-
ontarien, de ses acteurs et d’où il tire sa légitimité.

Qu’est-ce qu’est le patrimoine franco-ontarien?

Véritable témoin et symbole d’enrichissement profond et durable, le patrimoine franco-ontarien est multiple et émane de différents secteurs d’activité. Patrimoine bâti, patrimoine religieux, patrimoine scolaire, patrimoine archivistique, patrimoine architectural, patrimoine naturel et même patrimoine immatériel sont autant d’exemples des nombreuses déclinaisons du patrimoine franco-ontarien.

Si certains patrimoines sont partagés par les francophones de partout sur le territoire ontarien (pensons au patrimoine religieux ou au patrimoine scolaire), certaines régions de l’Ontario se distinguent dans une composante précise du patrimoine. L’Est ontarien (surnommée « le grenier franco-ontarien ») regorge de patrimoine agricole alors que le Nord de l’Ontario se particularise par son important patrimoine industriel. Indéniablement, le territoire façonne le patrimoine au même titre que l’activité humaine.

Si l’histoire se définit par l’étude du passé, le patrimoine se réfère au présent. Composante intégrante de l’expérience franco-ontarienne, le patrimoine doit être compris comme un élément intrinsèque de la culture de l’Ontario français.

Les acteurs en présence

Les principaux acteurs de défense et de valorisation du patrimoine franco-ontarien se trouvent dans le milieu associatif de la communauté et s’intéressent tout autant au patrimoine qu’à l’histoire. Un organisme provincial, nommé le Réseau du patrimoine franco-ontarien (RPFO) a un mandat provincial qui favorise la transmission de la connaissance historique, facilite la concertation entre les partenaires et appuie les efforts de préservation et de mise en valeur du patrimoine.

Né de la fusion en 2011 de deux organismes patrimoniaux provinciaux franco-ontariens fondés dans les dernières décennies du 20e siècle (la Société franco-ontarienne d’histoire et de généalogie et du Regroupement des organismes du patrimoine franco-ontarien), le RPFO continue de publier trois fois par année la revue Le Chaînon qui est consacrée à l’histoire, au patrimoine et à la généalogie de l’Ontario français.

L’organisme provincial décerne également des prix de reconnaissance en patrimoine aux plus méritants chaque mois de février dans le cadre du Mois du patrimoine de l’Ontario français en plus de s’être doté récemment d’un comité bénévole et provincial sur le patrimoine bâti et religieux.

Localement, des sociétés d’histoire se trouvent partout sur le territoire ontarien et déploient leurs actions à l’échelle régionale. À L’Orignal, l’association Patrimoine L’Orignal-Longueuil (incorporée en 2005) a pour mission de reconnaître, de protéger, de sauvegarder et de promouvoir le patrimoine de ce village situé sur les rives de la rivière des Outaouais.

Depuis maintenant plus de dix ans, la Société franco-ontarienne du patrimoine et de l’histoire d’Orléans (SFOPHO) se donne pour mission de diffuser l’histoire de ce secteur urbanisé de l’Est d’Ottawa, qui fut jadis un petit village agricole typiquement franco-ontarien.

La Société d’histoire de Toronto (1976) met en lumière l’histoire des Franco-Ontariens dans la capitale ontarienne, tandis que le Nord de l’Ontario n’est pas en reste avec la Société historique de Nipissing Ouest (2007) et la doyenne de toutes les sociétés d’histoire franco-ontariennes, la Société historique du Nouvel-Ontario. Cette dernière, fondée en 1945 au Collège du Sacré-Cœur à Sudbury s’est fait connaître par ses « documents historiques », des fascicules d’études consacrées à l’histoire franco-ontarienne.

Enfin, toujours dans le Nord de la province, le Centre franco-ontarien de folklore célèbre ses 50 ans d’existence cette année et perpétue la mémoire et les travaux de son fondateur, le père jésuite Germain Lemieux.

Quelques musées mettent en valeur l’histoire franco-ontarienne et perpétuent des traditions tel que le Muséoparc Vanier et sa cabane à sucre à Ottawa, depuis 2006. L’Écomusée de Hearst détient pour sa part un inventaire du patrimoine religieux de son diocèse.

Côté archives, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa de même que le Centre d’archives de la Grande Zone argileuse nord-ontarienne de l’Université de Hearst sauvegardent le patrimoine archivistique franco-ontarien.

Si les organismes provinciaux, les musées communautaires et les centres d’archives comptent généralement sur quelques employés, les sociétés d’histoire s’appuient surtout sur des bénévoles, quasiment toujours retraités.

Légitimité du patrimoine franco-ontarien

Si la communauté franco-ontarienne tire à juste titre une grande légitimité dans sa longue présence dans le temps (plus de quatre fois centenaire) sur le territoire dans la défense de ses revendications, son patrimoine sert de témoin tangible et irréfutable d’un enracinement de pionniers.

En péril, oublié ou encore peu valorisé, le patrimoine franco-ontarien est néanmoins fragile et ne peut être pris pour acquis, malgré la richesse inestimable qu’il recèle. Sans trace concrète (sans un patrimoine préservé et valorisé, donc) la mémoire franco-ontarienne, voire son identité, risque de disparaître. Pour une communauté en situation linguistique minoritaire pour qui l’avenir est à ceux qui luttent, le patrimoine représente une pierre angulaire de sa pérennité.

De par sa nature collective, l’engament citoyen est fondamental dans la protection du patrimoine franco-ontarien. La communauté, première concernée, est la mieux placée pour connaître les lieux, édifices ou traditions qui relèvent d’une importance à conserver par transmission générationnelle. C’est à elle que lui revient le devoir de veiller à sa valorisation, à lutter pour sa sauvegarde et ne pas hésiter à monter aux barricades aux moments critiques.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR+ et du Groupe Média TFO.