Le rapport de Graham Fraser décevant pour les francophones
OTTAWA – Le cri d’alarme tant attendu sur l’immigration francophone hors Québec n’est finalement pas venu dans le rapport annuel présenté par le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, le jeudi 7 mai.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz
Promis à faire la part belle à l’immigration, le document de M. Fraser a plutôt insisté longuement sur l’immigration anglophone au Québec. Le commissaire a souligné entre autres que celle-ci n’est pas « reconnue à sa juste valeur », particulièrement en dehors de Montréal.
« C’est un sujet qui n’est pas vraiment étudié. Si j’engage dans ce rapport cette discussion, c’est parce que j’estime qu’elle est basée sur des faits et non sur des impressions. »
Le commissaire souligne malgré tout que la cible des 4,4 % d’immigration francophone en région minoritaire d’ici 2023 fixée par le gouvernement fédéral en 2003 n’est toujours pas atteinte.
« La réalité est tout autre, seulement 2 % des immigrants francophones viennent s’installer hors Québec, c’est insuffisant », a constaté M. Fraser.
« Le chiffre est épeurant », reconnait-il, « mais la majorité vit toujours à un rythme différent de la minorité ». Le commissaire cite par ailleurs la Loi S-205 proposée par la sénatrice Maria Chaput privilégiant « plus les indices de vitalité que les pourcentages ».
Solutions proposées en tout cas pour dynamiser l’immigration : des « partenariats étroits » avec les employeurs pour les inciter à l’embauche d’immigrants francophones, les foires d’emplois, ou encore cibler les étudiants étrangers.
Impatience
« Les recommandations du rapport Fraser remontent à son dernier rapport au mois d’octobre », a déploré la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Marie-France Kenny. « On se serait attendu à plus effectivement. On aurait aimé des mesures réparatrices et un véritable coup de barre. Le cri d’alarme n’a pas été déclenché. »
Un son de cloche quelque peu identique du côté du porte-parole de l’opposition officielle en matière de langues officielles, le député NPD Claude Gravel : « C’est assez choquant de voir que ce sont les mêmes recommandations qui figuraient déjà dans le rapport de l’an passé. La communauté francophone n’est pas prise au sérieux. »
Force est de reconnaitre que la FCFA perd également patience depuis quelque temps. Le jeudi 26 mars, devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, Mme Kenny avait laissé éclater sa déception : « On voudrait tuer la francophonie à petit feu, éliminer nos communautés par attrition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. »
Source en partie de la colère de la présidente, le programme électronique Entrée express, censée améliorer les demandes de résidence permanente présentées au titre de certains programmes d’immigration économique, ne comporte toujours pas le succès escompté pour les francophones. Seulement 1% des immigrants hors Québec l’ayant utilisé se seraient ainsi déclarés de langue française.
« Il est encore trop tôt pour analyser les résultats », a fait savoir Graham Fraser prudent, au sujet du programme lancé par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en janvier 2015.
Plaintes en hausse
Autre enseignant du rapport : la hausse du nombre de plaintes reçues par le bureau du commissaire. De 476 pour le rapport 2013-2014, celles-ci ont grimpé à 550 cette année. C’est même le chiffre le plus élevé en la matière des quatre dernières années.
Parmi elles, quelque 320 concernent les services offerts au public et 126 la langue au travail. Un total de 45 plaintes ont trait aux exigences linguistiques des postes. « Je n’ai pas d’explications à cette augmentation », a reconnu Graham Fraser.
Le rapport a par ailleurs fait état d’une vérification entreprise dès 2010 sur Air Canada pour l’offre des passagers de services de qualité égale, en français et en anglais. Sur les 12 recommandations émises par le commissaire, seule une a été pour l’instant suivie.