Le rire, malgré tout, avec Evelyne Roy-Molgat

Evelyne Roy-Molgat Humour franco-ontarien
Evelyne Roy-Molgat sur la scène du spectacle "Étoile montante". Crédit image: Ariane Famelart

[LA RENCONTRE D’ONFR+] 

L’ORIGNAL – Evelyne Roy-Molgat a seulement 14 ans lorsqu’elle annonce à ses parents qu’elle deviendra humoriste, après avoir présenté son premier sketch dans le cadre du Concours LOL. La native de L’Original fera le bond à Montréal en 2019, un peu avant la pandémie, qui la forcera à développer sa carrière sur Tik Tok. À 21 ans, elle gagne sa vie avec l’humour. Fierté franco-ontarienne, place des femmes en humour, imprévus sur scène et santé mentale, l’animatrice de l’open mic du Bordel Comédie Club à Montréal s’ouvre sans filtre, mais toujours aussi souriante, sur son étonnant parcours en humour.

« Vous êtes originaire de L’Orignal en Ontario. S’il y avait un seul mot pour décrire cet endroit, queendurl serait-il?

Trèsbeaupetitvillagemaisilyarienquisepasse.

Comment décririez-vous votre humour?

J’aime ça taquiner! J’adore parler au public, faire du crowd work. C’est là que je peux sortir mon sens de la répartie puis improviser. Le monde me dit des choses puis je rebondis là-dessus. Sinon, dans mes stand-up écrits, je parle beaucoup de moi et d’où je viens. C’est vraiment une fierté pour moi d’être Franco-Ontarienne. C’est pour ça que je parle beaucoup de l’Ontario et le fait d’avoir grandi dans une ferme. Je trouve que mon humour est très familial, rassembleur. Le but est que le monde soit heureux. 

Vous parlez beaucoup du fait que vous êtes franco-ontarienne dans vos sketchs d’humour. Qu’est-ce qui vous motive à mettre autant de l’avant cette partie de votre identité?

Être Franco-Ontarienne est ma plus grande fierté! Je trouve ça tellement badass! Je me sens comme obligé de le dire. Il faut que ça sorte, il faut que je le dise. Je suis juste trop fière. En étant à Montréal, je réalise qu’il y a tellement de gens qui ne savent même pas qu’on existe ou qui assument tout de suite que je parle anglais si je viens de l’Ontario. C’est ma façon d’un peu éduquer le monde. 

L’autre raison, c’est que ça m’aide à me faire comprendre. Ça m’est arrivé pendant des shows de ne pas dire que je suis Franco-Ontarienne et d’entendre du monde chuchoter puis rire parce qu’ils ne comprennent pas toutes mes expressions.

Est-ce qu’il y a des moments où vous avez « taquiné » un membre du public et que vous avez regretté de le faire?

J’ai un numéro où je parle du fait que je ne crois pas au mariage. Ça m’est arrivé qu’une madame en avant de la foule me montre ses mains. Confusion. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce qu’il y a? ». Elle me dit : « Je n’ai pas de bagues. C’est parce que je suis veuve! ». Je ne savais pas quoi faire, je ne comprenais pas pourquoi elle me parlait de son mari mort avec autant d’entrain.

Pour Évelyne Roy-Molgat, tout a commencé avec le Concours LOL. Crédit image : Emilie Lapointe 

Comment avez-vous développé votre carrière en humour?

J’ai commencé avec le Concours Lol puis j’ai switché sur des shows hors-concours vers 16 ans. J’allais jouer dans des bars, même si je n’avais pas l’âge. J’étais courageuse! J’écrivais à des producteurs de soirées et à des bars : « J’aimerais ça venir jouer. Je sais que je n’ai pas l’âge mais je vous promets que je ne vais pas consommer d’alcool! Je vais juste faire des blagues puis après ça je vais partir ». Je n’avais même pas mon permis de conduire : je partais de L’Orignal avec mon père vers Ottawa pour faire mes shows illégaux.

Je me suis déjà fait kick out d’un bar parce que j’ai commencé mon show en disant; « J’ai 16 ans, je ne suis pas supposée d’être ici ». J’ai fini mon numéro, puis le gérant est venu me voir pour me dire : « Tu sors d’ici, je ne veux plus jamais te voir. »

En quoi la scène humoristique se distingue-t-elle en Ontario et au Québec, d’après vous?

J’adore faire des shows en Ontario, c’est la meilleure chose! J’ai réalisé qu’ici je n’ai pas besoin de réfléchir en présentant mes sketchs, car les gens vont comprendre mes références. Je peux faire des jokes sur Brian St-Pierre puis sur Improtéine! C’est aussi plus facile pour faire du crowd work, quand je dis que je suis Franco-Ontarienne. Le monde capote puis applaudit!

Au Québec, quand je dis je suis Franco-Ontarienne, les gens vont parfois me huer. C’est triste à dire, mais en région ça arrive souvent. Par contre, c’est sûr qu’à Montréal, la différence, c’est que tu peux plus souvent jouer et c’est compétitif. Il y a beaucoup d’humoristes, il faut que tu sois bon!

Vous voyez-vous comme un modèle pour les jeunes franco-ontariens qui souhaitent devenir humoristes?

Je ne sais pas encore! Peut-être dans une couple d’années. Pour l’instant,  il y a une petite fille qui avait aussi fait le Concours LOL et qui m’écrivait souvent. Elle me posait des questions puis on s’est rencontré une couple de fois. Je trouvais ça cute parce qu’elle voulait faire exactement comme moi : être une humoriste qui vient de l’Ontario. Il y a quelques modèles, mais je trouve qu’il y en a beaucoup moins de filles. En grandissant, moi, je n’en connaissais pas beaucoup. C’est une autre des raisons pour lesquelles je fais de l’humour : je veux être un modèle pour ces jeunes filles-là.

Evelyne Roy-Molgat sur la scène du spectacle Étoile montante. Crédit image : Ariane Famelart

Remarquez-vous une évolution quant à la présence des femmes en humour?

Ça s’améliore mais il y a encore beaucoup de travail à faire! Maintenant, on sait que c’est un problème. Dans la plupart des shows auxquels je participe, je suis souvent la seule fille. Par contre, je trouve que la discussion est plus ouverte. Je me sens vraiment comme si j’étais dans une des rares générations où nous sommes plusieurs filles en humour. C’est powerfull!

Dans quel endroit avez-vous préféré faire de l’humour en Ontario?

Il y en a trop! Dernièrement, j’ai fait un show à Sudbury, à la nouvelle Place des Arts. C’était incroyable! Ç’a toujours été important pour moi de faire de l’humour en Ontario et ça m’a confirmé pourquoi. Les gens étaient contents d’assister à ça dans leur région. Pas beaucoup d’humoristes se rendent jusqu’à Sudbury! C’est sûr et certain que, le jour où j’aurai ma propre tournée, j’irai partout en Ontario et dans le Canada francophone. Ces gens-là ont besoin de rire aussi! 

Admirez-vous un ou une humoriste franco-ontarien(ne) en particulier?

J’adore Jonathan Dion. C’est un de mes bons amis. Il m’impressionne parce que lui est resté en Ontario! Parfois, je me sens un peu mal parce que je suis partie, même si j’essaye de revenir le plus souvent possible. Lui, son but c’est de développer l’humour ici. Il fait tellement de projets dans l’Est et dans les écoles, c’est un artiste à découvrir! 

Evelyne Roy-Molgat : « C’est grâce à mon cerveau anxieux que je suis une humoriste. » Crédit image : Yass 

Vous parlez beaucoup du fait que vous êtes anxieuse dans vos sketchs. Comment gérez-vous cette anxiété dans votre quotidien et votre travail?

Avant, je ne savais pas que j’étais anxieuse. Par contre, tout était toujours plus compliqué pour moi que pour les autres. J’ai commencé à voir une psychologue et je me suis rendu compte que c’était évident que je faisais de l’anxiété. J’en parle beaucoup sur scène et sur Tik Tok parce que j’ai compris que beaucoup de gens sont touchés par ça. 

Je me dis : mieux vaut en parler puis en rire! Souvent, je me fais rire. Quand je fais une crise de panique, je trouve ça drôle en tabarouette le lendemain parce que je me dis : « Voyons donc! J’overreact. J’overthink! ».

C’est sûr que l’humour c’est un peu comme de l’essence sur l’anxiété parce que c’est stressant comme métier. Tu te compares et tu te deviens vulnérable sur scène. Par contre, en même temps, ça m’aide. Je fais de l’humour parce que c’est ce que mon cerveau a besoin de faire. J’ai besoin de ce rush d’adrénaline-là, de ce stress-là, parce que je suis faite pour ça. C’est grâce à mon cerveau anxieux que je suis une humoriste. Le fait d’overthink m’aide à trouver des idées!

Qu’est-ce que les gens ne savent pas sur vous et qui pourrait les surprendre?

Je suis vraiment introvertie. J’ai l’air de la personne énervée qui veut se socialiser puis aller dans des partys, mais pas du tout! J’aime tellement mieux rester chez moi, lire un livre puis boire du thé. Ma batterie sociale est petite. J’ai souvent besoin d’être seule, faire du yoga. Je suis comme une vieille madame! Ça surprend les gens parfois.

De quel exploit en humour êtes-vous particulièrement fière?

L’année passée, j’ai participé au ZooFest, un gros festival d’humour à Montréal. Je ne pensais pas pouvoir faire ce festival aussitôt dans ma vie. J’en suis vraiment fière! J’ai été invité pour la série Les étoiles montantes. C’est après que je me suis dit que toutes les épreuves, tous les shows dans les parcs, la pandémie, tout, ça m’a servi parce que là, je me sentais prête pour une expérience comme celle-là. »


LES DATES-CLÉS D’EVELYNE ROY-MOLGAT :

2001 : Naissance à Hawkesbury

2015 : Première expérience d’humour au Concours Lol et début de carrière

2019 : Déménagement à Montréal et participation à l’émission Le Jury avec TFO

2020 : Participation à l’émission Flippons sur TFO

2022 : Participation au Festival d’humour émergent d’Abitibi, au Zoofest à Montréal et à La Veillée des éveillés à la Place des arts de Sudbury.

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.