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« Le taux de protection contre la rougeole a fortement diminué », selon le Dr Roumeliotis

En Ontario, les cas de rougeole concernent principalement des enfants non vaccinés. Photo : Tatiana Lanzieri, MD, MPH

Le Dr Paul Roumeliotis est pédiatre et le médecin hygiéniste du Bureau de santé de l’est de l’Ontario (BSEO).

Du 28 octobre 2024 au 2 avril, l’Ontario a enregistré 661 cas de rougeole, une recrudescence inhabituelle constatée principalement chez des enfants non vaccinés.

La baisse de la couverture vaccinale et l’hésitation face aux vaccins augmentent le risque de propagation rapide dans les communautés non protégées.

« Pouvez-vous nous dresser un portrait de la situation actuelle de la rougeole en Ontario?

En Ontario, les cas de rougeole concernent principalement des enfants non vaccinés. Environ 53 d’entre eux ont été hospitalisés, donc assez malades pour nécessiter des soins hospitaliers. La majorité des cas ne se trouvent pas dans l’Est de l’Ontario, mais plutôt dans le Sud-Ouest. Les flambées surviennent surtout dans des communautés qui ne se font pas vacciner, pour diverses raisons. 

Cette semaine, environ 60 nouveaux cas ont été ajoutés. La semaine précédente, c’était une centaine, et encore avant, 150 cas étaient enregistrés. Donc, on constate une diminution, ce qui est encourageant.  

Dans quelle mesure ces chiffres sont-ils inhabituels?

D’habitude, on voit à peine quelques cas par année en Ontario. Cette hausse est due au fait que pendant la pandémie de COVID-19, les vaccins de routine pour enfants ont été négligés. Le taux de protection a donc fortement diminué, ce qui a ouvert une fenêtre de propagation pour le virus. Et c’est un virus extrêmement contagieux.

Pour vous donner une idée, une personne atteinte de la grippe peut en infecter deux autour d’elle. Une personne atteinte de la rougeole peut en contaminer jusqu’à 18. Dans une communauté non vaccinée, très liée socialement – école, église, réunions familiales – une seule personne infectée peut facilement transmettre le virus à de nombreuses autres, d’où la propagation rapide.

Le taux d’augmentation hebdomadaire diminue. Je pense qu’on verra encore quelques cas, mais la tendance va vers la stabilisation. Cela dit, on continue de rappeler à la communauté l’importance de la vaccination. Deux doses, administrées à 12 mois et à 5 ans, assurent une immunité à vie.

Le Dr Paul Roumeliotis alerte sur l’importance de la vaccination pour freiner la propagation de la rougeole. Gracieuseté

Le taux de vaccination a donc chuté pendant la pandémie?

Dans notre région, nous étions à 92-93 %, et c’est tombé à 45 % pendant la pandémie. À l’instar des autres bureaux de santé publique, nous avons travaillé avec les écoles – suspensions, rappels, campagnes – et nous sommes remontés à 92 %, ce qui est très bien. Mon objectif est d’atteindre 95 %, seuil qui permet une immunité communautaire. Cela protège même ceux qui ne peuvent pas être vaccinés.

Vous avez mentionné certaines communautés spécifiques qui ne se vaccinent pas. Pouvez-vous préciser?

Je ne veux stigmatiser personne, mais certaines communautés dans le sud-est de l’Ontario, comme les mennonites, ne croient pas aux vaccins pour des raisons religieuses. Ce n’est pas dans ma région, donc je ne suis pas expert sur le sujet. Mais c’est un fait observé ailleurs dans la province. 

Qu’est-ce que cette flambée révèle du système de santé publique?

Il faut préciser que ce n’est ni une pandémie ni une épidémie. Nous parlons de flambées localisées. Dans l’Est de l’Ontario, y compris Ottawa, Belleville, Kingston, Brockville, il n’y a actuellement aucun cas. Cela dit, la santé publique a deux rôles clés : d’abord, assurer que les enfants soient vaccinés, en travaillant avec les écoles et les médecins. 

Ensuite, lorsqu’un cas est signalé, faire du traçage, offrir des vaccins ou mesures préventives aux contacts, et assurer l’isolement des personnes infectées. Un seul cas demande beaucoup d’efforts pour contenir la propagation. Si l’on en a vingt ou trente cas, le travail devient très lourd pour les bureaux de santé publique.

Cette situation révèle-t-elle une faiblesse du système?

Ce n’est pas un signal d’alarme comme avec la COVID-19, mais c’est préoccupant. Cela révèle que le taux de vaccination n’est pas suffisant à l’échelle de la province pour empêcher la propagation. Il faut augmenter la couverture vaccinale et informer les parents hésitants. 

La rougeole n’est pas un virus bénin, ce n’est pas comme un petit rhume qui va disparaître. Comme je vous l’ai dit, parmi les 600 cas, environ 10 % ont été hospitalisés. Ce n’est pas seulement une maladie virale avec des tâches : elle peut affecter le cerveau et entraîner de graves complications. C’est pourquoi notre rôle est de sensibiliser surtout les parents hésitants. 

Peut-on parler d’une perte de confiance envers la santé publique?

Ce n’est pas une perte de confiance, mais une hésitation envers les vaccins, renforcée pendant la pandémie. Il y a aussi une fatigue vaccinale. Avec les multiples doses de vaccin contre la COVID, certaines personnes sont épuisées. Et comme on avait interrompu les vaccins de routine pendant cette période, cela a aggravé la situation.

Notre défi est de leur faire comprendre que la rougeole peut être très dangereuse, mais que la bonne nouvelle, c’est que le vaccin permet de l’éviter. »