Le traçage, une arme essentielle pour prévenir les cas ontariens
Amorcé il y a une dizaine de jours, le déconfinement se poursuit en Ontario. Mais les résultats dépendront surtout de la capacité des agences de santé publique à remonter la chaîne de contamination des personnes infectées. Un travail laborieux, mais inévitable.
Sur le terrain, des employés ont déjà leur téléphone en main, à chaque annonce d’un nouveau cas.
« Nous avons une équipe dédiée de plusieurs infirmières. Nous passons plus de 400 appels par jour pour remonter la chaîne de contamination », explique Paul Roumeliotis, médecin hygiéniste en chef du Bureau de santé de l’est de l’Ontario (BSEO).
« Après une entrevue avec la personne infectée, nous ciblons toutes les personnes qui ont été en contact avec la personne contaminée, et nous tentons de les joindre en 24 heures. »
Un son de cloche semblable du côté du bureau de santé de Kingston, Frontenac, Lennox, et Addington. « Nous réussissons à faire quasiment tout le retraçage dans cette période de 24 heures », souligne Azim Kasmani, médecin résident pour l’agence de santé.
« À partir des différentes entrevues, nous évaluons le niveau de risques, à savoir si la personne doit être testée, ou être mise en quarantaine pendant 14 jours, ou s’il n’y a pas de risques majeurs. »
Proximité en mètres avec la personne contaminée, durée d’un éventuel contact, caractéristiques physiques de l’espace de contact, tout est scrupuleusement noté par les équipes des agences de santé. Autant de questions capables de déterminer la recommandation donnée à la personne interrogée.
Vendredi dernier, le premier ministre ontarien, Doug Ford, avait évalué à 2 000 le nombre d’agents chargés de tracer les personnes, acceptant par ailleurs l’offre de la part du gouvernement fédéral de 224 agents détachés.
« Avec le nombre de tests déployés, on voit la partie submersible de l’iceberg, mais on ne voit pas encore la partie immergée », explique le virologue Hugues Loemba. « Cette partie immergée, c’est justement de retrouver des foyers de contamination, et les casser immédiatement. On a réussi à éteindre l’incendie en large, maintenant on doit chercher les feux lesquels sont cachés dans les buissons. »
Et de poursuivre : « Nous sommes en plein déconfinement, et il y a beaucoup de choses qui vont avec le déconfinement, en premier lieu, le besoin de traçage et de tester les personnes. »
Des limites au traçage
Suivant le credo d’un dépistage massif défendu par l’Organisation mondiale de Santé (OMS) dès le début de la crise, M. Loemba voit néanmoins quelques limites à la méthode utilisée pour le traçage.
« Souvent, ils (les gouvernements et bureaux de santé publique) ne veulent pas donner une réponse difficile pour le commun des mortels. La période d’incubation de la COVID-19 se situe entre deux et 14 jours. La moyenne d’incubation est au cinquième au sixième jour. Si une personne se fait tester le premier ou le deuxième jour après avoir été en contact avec une personne contaminée, elle a toutes les chances d’être négative. On lui donne donc une fausse sécurité. L’idéal serait d’attendre le troisième jour. »
Autre inconvénient selon le virologue : l’absence d’une application mobile pour géolocaliser le coronavirus.
« En Asie, dans des pays comme la Corée du Sud ou Singapour, ça a fonctionné. Dans d’autres pays, comme le Canada, il y a une plus grande résistance du fait que cela peut être considéré comme une atteinte à la liberté. Pourtant, un traçage à la fois humain et électronique pourrait être complémentaire. Il ne faut pas oublier que le traçage humain a souvent du retard. »
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a promis que son gouvernement recommanderait prochainement une application. La semaine dernière, la ministre de la Santé de l’Ontario, Christine Elliott, était restée évasive sur un outil du genre.
Tester les asymptomatiques, une bonne idée
Toujours est-il que les dernières annonces gouvernementales réjouissent M. Loemba. Dimanche, M. Ford a fait savoir que les Ontariens asymptomatiques pouvaient se faire tester contre la COVID-19.
« Nous avons les capacités en Ontario de tester 20 000 personnes, mais nous n’en testons que 10 000 », insiste M. Loemba.
« Mon impression, c’est que sur le terrain, les restrictions étaient trop fortes. Beaucoup de personnes, atteintes de symptômes jugés mineurs, ne pouvaient pas se faire tester. »
Autant de mesures qui faciliteront, selon lui, un meilleur traçage.