Les compressions contre les Franco-Ontariens s’invitent au premier débat en français

Le premier débat en français de la campagne électorale fédérale sur TVA. Source: Capture d'écran

MONTRÉAL – Le dossier de l’Université de l’Ontario français et les coupures qui ont touché les Franco-Ontariens à l’automne 2018 ont fait l’objet d’une question lors du premier débat en français de la campagne électorale fédérale, proposé ce mercredi par le réseau québécois TVA.

Les attentes étaient nombreuses de la part de la communauté francophone vivant en situation minoritaire. Dès le début de journée, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada sonnait la mobilisation sur les médias sociaux.

« On vous invite à interpeller nos amis à TVA avec le mot-clic #faceafacetva pour leur rappeler gentiment qu’il y a des francophones ailleurs au pays qui regarderont également le débat ce soir », gazouillait l’organisme porte-parole des francophones vivant en situation minoritaire.

Et finalement, TVA les a entendus, réservant une question sur les compressions du gouvernement ontarien à l’automne 2018. Quelques instants auparavant, le premier ministre Justin Trudeau n’avait pas manqué l’occasion de rappeler la solidarité des Québécois envers les Franco-Ontariens, rappelant ainsi les compressions du Parti progressiste-conservateur de Doug Ford envers les francophones.

« Et voilà. Les Franco-Ontariens font leur entrée dans le débat… comme victimes des coupures de Doug Ford. Instrumentalisation 101 », ironisait alors la politologue au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, sur Twitter.

La contre-attaque d’Andrew Scheer

Depuis la crise en Ontario français et tout au long de la campagne, M. Trudeau n’a eu de cesse d’associer le premier ministre ontarien à son adversaire fédéral, Andrew Scheer. Mais ce mercredi, le chef conservateur a contre-attaqué.

« J’ai été le premier à avoir eu une réunion avec M. Ford pour adresser cet enjeu. C’est moi qui ai demandé une réunion avec tous les chefs [des partis fédéraux]. Et j’ai proposé l’idée de céder un terrain fédéral pour que l’Université de l’Ontario français puisse se faire. »

Alors que le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a demandé que le Canada traite aussi bien ses minorités francophones que le Québec traite sa minorité anglophone, regrettant le temps nécessaire pour faire avancer le dossier de l’université, M. Scheer a enchaîné une deuxième flèche contre le gouvernement libéral.

« Je me suis engagé à ce que l’Université de l’Ontario français se réalise. Le gouvernement libéral a attendu juste avant les élections pour me suivre. »

Singh et Scheer s’en sortent en français

Avant cet échange, les mentions des francophones vivant à l’extérieur du Québec avaient été plutôt rares.

Le premier ministre Justin Trudeau y avait toutefois fait allusion en réponse à une question sur une éventuelle contestation judiciaire du fédéral contre la Loi québécoise sur la laïcité. Le chef libéral a alors indiqué que le gouvernement doit être prêt à envisager de tels recours pour « défendre les droits de certaines personnes contre les discriminations, comme par exemple les droits des francophones hors Québec ».

Même s’il a souvent adressé ses messages aux Québécoises et aux Québécois, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a rappelé son amour de la langue française, apprise en écoutant Roch Voisine et Patrick Bruel, et sa volonté de financer davantage la francisation, notamment des nouveaux arrivants, afin de protéger la langue française « au Québec et au Canada ».

Moins à l’aise que M. Singh dans la langue de Molière, le chef conservateur, Andrew Scheer, a relevé le défi de débattre dans l’autre langue officielle, louant au passage les programmes d’immersion qu’il a suivis, étant jeune, à Ottawa.

Un débat pour le Québec

Les quatre chefs des principaux partis fédéraux s’affrontaient sur des questions de société, d’économie, d’environnement ou de politique internationale. Leurs échanges ont surtout ciblé le Québec.

« Loi 21, francisation, test des valeurs, intégration. C’est un débat pour être premier ministre du Québec ou du Canada? », s’interrogeait sur Twitter André Morneault.

Un avis partagé par Vanelle, sut Twitter : « J’exige (et je ne suis pas la seule) un débat électoral en français dans une communauté autre que québécoise. Il y a des communautés francophones et acadiennes qui existent, qui voudraient qu’on parle d’elles. Merci. »

Philosophe, le journaliste franco-ontarien Philippe Orfali préfère voir le bon côté des choses.

« Well, on vient de parler davantage des francophones hors Québec à TVA/LCN qu’au cours des 4-5 derniers débats électoraux à Radio-Canada réunis », a-t-il gazouillé.

Le directeur des communications de la FCFA, Serge Quinty, parle d’une bonne surprise.

« Mon bilan : un débat très québécois, mais avec une heureuse surprise vers la fin. Les francophones en milieu minoritaire ont eu droit à une question, à une place qui leur revient. »

Mais pour le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand, les mots de la fin des différents chefs montrent qu’il y a encore du chemin à faire.

« Scheer et Trudeau visent explicitement les Québécois dans leur conclusion. Une autre occasion ratée… Espérons que leurs équipes ajusteront le tir pour le débat du consortium. »

Réponse lors du débat en français le jeudi 10 octobre, de 20h à 22h.