Les élections au Québec vues depuis l’Ontario
[TÉMOIGNAGES]
Après l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, ce sera au tour du Québec de voter le lundi 1er octobre pour choisir son gouvernement provincial. #ONfr a interrogé plusieurs Québécois, installés aux quatre coins de l’Ontario, pour savoir comment ils vivent et analysent ce qui se passe dans leur province d’origine.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Étienne Camirand, Ottawa : le passionné
Étienne Camirand vit en Ontario depuis plus de 17 ans. Enseignant à l’école secondaire publique Gisèle Lalonde, à Ottawa, il a quitté sa province d’origine, non loin de Drummondville, « pour découvrir autre chose », explique-t-il.
Malgré l’exil, il n’a jamais perdu son intérêt pour la politique québécoise.
« Je la suis même plus que la politique ontarienne, je dois avouer! Je reste très attaché au Québec où j’ai encore ma famille et des amis. Et la politique, c’est un sujet dont on parle beaucoup entre nous. »
Et même si pour la première fois, il a raté le débat des chefs de Radio-Canada, il s’est arrangé pour le regarder ensuite, en différé.
« Le fait que l’Ontario ait plusieurs fois été cité a piqué ma curiosité. Je m’explique mal la fascination des chefs pour notre province. On fait de belles choses ici, c’est sûr, mais le Québec aussi. C’est une stratégie étonnante! »
Le fait de vivre en Ontario permet à M. Camirand de comparer plus facilement les deux provinces.
« Je trouve très intéressante la relation qu’entretiennent les Québécois avec leur gouvernement. En Ontario, et plus particulièrement à Ottawa, on s’intéresse davantage au gouvernement fédéral. Au Québec, le gouvernement provincial est vu comme un agent de développement, avec un rôle dans la protection du français. C’est peut-être à cause du côté minoritaire en Amérique du Nord? »
Passionné de politique, l’enseignant regrette le temps où les partis et leurs chefs portaient de véritables projets de société.
« Aujourd’hui, ils font du magasinage électoral. Ils proposent des micromesures destinées à tel ou tel groupe. Ce n’est pas uniquement au Québec, mais j’avoue que ça m’ennuie un peu. »
« Je préférerais qu’on parle davantage d’environnement! » -Étienne Camirand
Il s’explique mal le débat identitaire et la place prise par l’immigration durant cette campagne.
« La Coalition Avenir Québec insiste beaucoup sur cet enjeu. Je ne comprends pas cette obsession. Ici, c’est beaucoup plus fluide, ça importe peu d’où tu viens. »
Maryse Baillairgé, Windsor : l’intéressée
Après 28 ans passés à Windsor, Maryse Baillairgé s’apprête à plier bagage, direction la Belle province. Bientôt retraitée de l’éducation, elle retournera vivre à Terrebonne, au nord de Montréal. Elle suit donc avec beaucoup d’intérêt ce qui se décidera le 1er octobre prochain.
Cet intérêt n’est toutefois pas nouveau, explique-t-elle. Depuis les années 90 et le dernier référendum, en 1995, elle n’a jamais lâché la politique.
« Je connais mieux les ministres québécois qu’ontariens! En Ontario, en tant que francophone, ce n’est pas facile de suivre ce qui se passe au niveau de la politique provinciale et encore moins municipale. Il faut lire les médias anglais, car les médias de langue française se concentrent principalement sur Toronto et Ottawa. »
Son déménagement en Ontario l’a toutefois fait changer comme électrice et elle compare volontiers les deux systèmes.
« En Ontario, nous sommes bien mieux lotis en santé que ce soit en termes d’accès que de services. Ça me donnerait presque envie de rester! Vivre ici a également changé ma vision du séparatisme. Plus jeune, j’y étais sensible, mais aujourd’hui, des partis comme le Parti Québécois ou Québec solidaire ne m’ont pas avec cet argument, même si je peux comprendre la volonté de vouloir défendre et conserver le français. Quand on vit en Ontario, on sait ce que ça veut dire de se battre pour sa langue! »
Pour Mme Baillairgé, l’Ontario et le Québec partagent toutefois bien des enjeux en commun, même si les solutions préconisées diffèrent. Celles faites durant la campagne ne la convainquent pas.
« Je trouve que cette campagne tourne en rond. Ce sont toujours les mêmes solutions, les mêmes promesses faites par des partis qui pensent que c’est ce qu’on veut entendre… »
« Si j’étais au Québec en ce moment, je serais bien embêtée! » – Maryse Baillairgé
Elle avoue toutefois une petite préférence pour le Parti québécois.
« C’est le parti qui me semble faire les promesses les plus réalistes et Jean-François Lisée a dit qu’il mettrait de côté la question de la souveraineté dans son premier mandat. Après tant d’années de gouvernement libéral, je pense que ce serait bien de changer. »
Alain Hamel, Ottawa : la politique de côté
Il y a 21 ans qu’Alain Hamel est venu s’installer en Ontario. Entre Ottawa et Toronto, il a construit sa carrière dans la province voisine, après être né à Québec et avoir grandi à Rimouski.
« Je suis venu en Ontario pour apprendre l’anglais et depuis, je n’ai jamais été tenté de repartir! »
En revanche, son amour de la politique québécoise, lui, a quasiment disparu.
« En fait, c’est toute la politique que j’ai arrêté de suivre dernièrement. Je suis dégoûté de voir des intimidateurs comme Donald Trump ou un désastre comme Doug Ford être élus. Au Québec, je trouve que François Legault leur ressemble. »
S’il s’intéresse moins à la politique aujourd’hui, M. Hamel a toutefois lui aussi été marqué politiquement par son déménageant.
« Quand on voit ce qui se passe avec les négociations autour de l’ALÉNA, on se dit que jamais le Québec ne pourrait s’en sortir seul. »
« Le Québec ne survivrait pas en dehors du Canada » – Alain Hamel
L’omniprésence des médias sociaux garde M. Hamel informé, celui qui lui permet d’analyser la campagne.
« Il y a un peu le même phénomène qu’en Ontario avec un gouvernement fatigué, présent depuis trop longtemps et que les gens ne veulent plus. Je pense que c’est aussi ce qui crée cette désillusion pour la politique. Je m’ennuie de Jean Chrétien et de sa politique socialement libérale et fiscalement plus conservatrice qui correspondait bien, selon moi, à ce que la majorité des Canadiens attendent. »
Marie-Josée Dion, Thunder Bay : priorité à l’éducation
Installée depuis un peu plus de deux ans à Thunder Bay, Marie-Josée Dion n’a pas encore eu le temps de perdre ses réflexes. Alors que la campagne électorale québécoise bat son plein, cette enseignante originaire de Sherbrooke partage sa lecture entre Radio-Canada et La Presse.
« Je ne suis pas très politisée, mais je m’intéresse beaucoup à ce qui se dit en matière d’éducation. En vivant en Ontario, je vois la différence. Ici, le métier est valorisé, les conditions de travail sont bien meilleures… Cela dit, je pense qu’il y a des choses qui se font au Québec dont l’Ontario pourrait aussi s’inspirer », glisse celle qui était impliquée au sein de son syndicat enseignant quand elle demeurait encore au Québec. Elle cite notamment le faible coût de l’éducation dans sa province d’origine.
Pour elle, aucun doute, le premier ministre sortant Philippe Couillard doit être remplacé.
« Je n’ai pas oublié les coupures qu’il a faites en éducation. »
Si elle accorde à Québec solidaire le bénéfice de « très bonnes idées » et salue un « vent de fraîcheur », elle juge que le parti de gauche manque d’expérience au pouvoir pour réaliser à quel point il aurait les mains liées. Quant au Parti québécois ou à la CAQ, ils ne trouvent pas vraiment grâce à ses yeux.
« Le Parti québécois est un parti vieux et je trouve que Jean-François Lisée passe mal, il n’est pas authentique. Quant à la CAQ, je m’interroge sur son éthique. »
Pas question pour autant de ne pas voter, insiste-t-elle.
« Je crois en l’exercice démocratique et j’ai toujours voté! Quand je vivais au Québec, je prenais même un jour de congé pour aider dans un bureau de vote. Je pense que cette fois, il faut envoyer un message fort au gouvernement et faire un vote de protestation. Ça me fait de la peine de ne pouvoir voter cette année, mais je l’ai fait un peu plus tôt dans ma province d’adoption. »