Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet se lève lors de la période des questions à la Chambre des communes, sur la colline du Parlement à Ottawa, le mercredi 8 mai. 2024. Crédit image: THE CANADIAN PRESS/Spencer Colby

Dans une longue lettre ouverte adressée au chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, l’organisme porte-parole des francophones de l’Alberta dénonce certains de ses propos tenus « qui nous ont profondément blessés ».

La présidente de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Nathalie Lachance, a répondu à des affirmations qu’avait tenues le chef de la formation souverainiste lors de la saga du « plein de marde » du député Francis Drouin.

La semaine dernière, Yves-François Blanchet avait critiqué des propos du ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault. Questionné sur le lien entre les études postsecondaires et l’anglicisation au Québec, le ministre franco-albertain avait affirmé que « si on regarde le nombre d’étudiants qu’on a au Québec, ça n’anglicise pas la province ».

« Quand on a des francophones qui étudient en Alberta, comme moi, j’ai fait au campus Saint-Jean, ça n’a pas francisé la province de l’Alberta », avait-il dressé comme parallèle.

Cette affirmation du politicien libéral avait fait bondir Yves-François Blanchet qualifiant le propos de « bêtise ».

« Personne ne pense qu’étudier en français en Alberta va faire en sorte que les gens qui vont sortir de l’université vont travailler en français. Il n’y a personne qui travaille en français en Alberta, à part les profs de français », avait-il dit en conférence de presse.

Cette dernière phrase avait fait réagir la directrice générale adjointe de l’ACFA, Amy Vachon-Chabot, qui soulignait que nous sommes « 25 440 à travailler en français en Alberta dans divers milieux selon le recensement de 2021 ».

« Moi-même, je travaille en français et je ne suis pas dans le domaine de l’éducation. Révisez vos faits », soulignait-elle sur X (ancien Twitter).

Le lendemain, toujours sur X, le chef du Bloc québécois s’était défendu, soulignant que son propos était « une image » avant d’approfondir ses réflexions dans un autre tweet.

« Qu’une personne engagée dans une institution qui promeut le français en Alberta – ce qui est très souhaitable – suggère que tout va bien pour le français hors Québec a quelque chose de naïf. Le français va mal en dehors du Québec », écrivait-il.

« Vos efforts restent nécessaires et je préfère vous y encourager avec lucidité », ajoutait le leader de la formation souverainiste à la fin.

Dans sa lettre, la présidente de l’ACFA affirme qu’au nom de son organisme, « je me dois de répondre à certains propos qui ont circulé au cours de la dernière semaine et auxquels vous avez renchéri en traitant notamment une employée brillante et prometteuse de notre organisation de ‘naïve’, ce qui nous a profondément blessés ».

« Vivre en situation francophone minoritaire, c’est notre réalité au quotidien. Nous ne sommes pas naïfs et nous sommes bien au fait des limites de cette réalité. Je ne vous dirai donc pas que c’est toujours facile et automatique, loin de là », écrit Mme Lachance.

« Nous ne sommes pas naïfs. En fait, je crois plutôt que nous osons rêver. Rêver, c’est se donner l’opportunité de co-créer la francophonie albertaine d’aujourd’hui et de demain », renchérit-elle.

Le chef du Bloc a vivement dénoncé les propos du premier ministre Justin Trudeau qui soutenait que les bloquistes s’attaquaient à Francis Drouin, car « ils n’aiment pas les francophones qui parlent français hors du Québec », affirmait-il en chambre. Le chef souverainiste répondant que le premier ministre « essaie de mettre de la division entre les francophones du Québec et du Canada ».

« Je voudrais lui rappeler que, lors du débat en anglais à la dernière élection, j’ai voulu parler de francophones hors Québec, et on m’a dit que ce n’était pas la place et qu’on ne parlait pas de français dans le débat anglais de son Canada », illustrait-il.

Il avait aussi souligné sur X que sa formation politique était la seule qui a « soutenu les changements demandés par les francophones hors Québec dans la nouvelle loi sur les langues officielles », un appui pour lequel « nous sommes d’ailleurs très reconnaissants », écrit la présidente de l’ACFA dans sa lettre ouverte.

Si elle convient que sur les 25 440 personnes à travailler en français en Alberta, « une large part d’entre eux sont des enseignants », elle précise dans sa missive au politicien québécois que les Franco-Albertains, « nous sommes conscients qu’il faut être vigilants, car l’assimilation guette ».

« Les craintes concernant l’anglicisation du Québec et l’assimilation au sein de nos communautés francophones en situation minoritaire sont légitimes et doivent nous interpeller nationalement », estime-t-elle en invitant le chef du Bloc à « venir nous visiter » pour « découvrir un vaste réseau d’Albertains et d’Albertaines d’expression française passionnés ».

« La situation sera largement différente de celle que vous vivez au Québec, mais elle n’en est pas moins réelle et valide. »

Selon Statistique Canada, en 2021, 1,1 % des travailleurs de l’Alberta utilisait le français au moins régulièrement au travail. Une proportion importante de ces personnes travaillait dans les services d’enseignement (30,6 %) ou dans l’administration publique (11,9 %). Les travailleurs qui utilisaient le français le plus souvent au travail en 2021, de façon prédominante ou à égalité avec d’autres langues étaient d’une proportion de 0,4 %.