Les francophones hors Québec face à la crise constitutionnelle

La photo représente les drapeaux du Canada et du Québec.
Les drapeaux du Canada et du Québec. Archives, #ONfr

[CANADA 150]

OTTAWA – Certains francophones en contexte minoritaire sont de nouveau inquiets à la fin des années 1980. Malgré d’importants jalons (Loi sur les services en français en 1969 et Charte canadienne des droits et liberté en 1982), la crise constitutionnelle entre Ottawa et le Québec oblige à repenser la définition de la nation canadienne-française.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les événements s’enchainent rapidement : l’Accord du Lac Meech qui doit permettre la reconnaissance du Québec en tant que « société distincte » se solde par un échec en 1990. Deux ans plus tard, la notion de nouveau de « société distincte » comprise dans le projet de réforme avorté de la constitution canadienne (Accord de Charlottetown) précède la campagne du Référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec.

La défaite des souverainistes pour quelques milliers de voix réjouit-elle vraiment les francophones hors Québec? « La relation entre le Québec et les francophones battait de l’aile depuis plusieurs années », analyse l’universitaire Benoit Pelletier, lui-même ancien ministre québécois responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, et de la Francophonie canadienne (2003-2008). « Le concept de la société distincte au Québec a été vu comme une négation des francophones en milieu minoritaire. »

Le politologue de l’Université d’Ottawa, François Charbonneau, se montre même plus spécifique : « La compréhension du Canada par les francophones vivant à l’extérieur du Québec s’est progressivement transformée des années 1960, jusqu’au début des années 1990, mais on ne la voit pas. Le concept de multiculturalisme qui était jusque-là en rupture avec les francophones hors Québec commence à être accepté. »

 

L’influence du multiculturalisme visible dans les années 1990

Pour l’universitaire, la période post-référendaire marque même une réconciliation « intégrale » des francophones en milieu minoritaire avec le multiculturalisme canadien.

« On remarque alors que le mot assimilation n’existe plus dans les colloques. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) s’est faite naturellement à cette vision du multiculutralisme. »

Cette réconciliation est même aidée selon lui par les propos du premier ministre québécois, Jacques Parizeau, le soir de la défaite du fameux 30 octobre 1995 : « C’est vrai qu’on a été battu (…) par l’argent et des votes ethniques. »

D’un point de vue plus « administratif », la crise constitutionnelle s’apparente à un véritable tournant pour Gilles LeVasseur.

« On peut parler d’un grand tournant, car le gouvernement fédéral comprend alors qu’il doit s’immiscer plus dans le dossier des langues officielles. Il faut bien comprendre que l’accord de Charlottetown en 1992 proposait en substance de reconnaître les minorités dans les provinces. Beaucoup de provinces anglophones avaient peur d’une reconnaissance trop large des minorités francophones. »

 

Le financement du gouvernement fédéral

Les réponses données par le gouvernement fédéral à cette « nouvelle dualité linguistique » sont de revaloriser sensiblement La Feuille de route pour les Langues officielles du Canada en 2003 (alors le Plan Dion). On parle alors d’une enveloppe de 1,1 milliard de dollars destinée à financer la dualité linguistique en milieu minoritaire.

En gros, cela ramène le financement à peu près au niveau où il était en 1993, avant les coupures du gouvernement fédéral pour atteindre l’objectif de l’équilibre budgétaire. Pendant quelque dix ans, les dépenses pour ces mêmes francophones en contexte minoritaire étaient moribondes.

« La période a limité les investissements, sans compter que ceux-ci, même sous le Plan Dion, sont dirigés souvent vers les communautés ethnoculturelles, ce qui limite la part pour les francophones », analyse M. LeVasseur.

Plus de 25 ans après les dernières crises constitutionnelles, ni le gouvernement de M. Harper pour qui, « le Québec constitue une nation au sein d’un Canada uni », ni celui de M. Trudeau n’ont accordé de privilèges à la Belle-Province. L’asymétrie avec le Québec continue de se limiter à quelques compétences comme l’immigration.

 

Chaud et froid entre le Québec et les francophones depuis 1995

Pour le reste et depuis 1995, le Québec souffle le chaud et le froid avec les francophones en contexte minoritaire. Un « renouveau francophone » se situe à partir de 2003 et l’arrivée des libéraux de Jean Charest au pouvoir au Québec.

Le Québec participe alors à la création du Centre de la francophonie des Amériques, ou rénove le programme du gouvernement libéral en matière de relations avec les autres provinces et le gouvernement fédéral. « La nouvelle politique visait à améliorer les relations entre le Québec et les autres provinces », estime M. Pelletier.

« Entre le Québec et le reste des francophones hors Québec, il y a eu une rupture symbolique, mais en aucun cas, une rupture institutionnelle après 1995. Le dialogue n’a jamais été interrompu », conclut M. Charbonneau.

 

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