Les francophones minoritaires veulent être mieux représentés à Radio-Canada
OTTAWA – D’ici le 28 janvier, les organismes de la francophonie canadienne défileront devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en vue du renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada. Et à l’image de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada, tous demandent au diffuseur public d’en faire plus pour refléter leurs réalités.
« Nous allons répéter ce que nous disons depuis toujours et que Radio-Canada ne semble pas vouloir comprendre : ils ne reflètent nos communautés d’aucune façon! », lance le président de l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire, Jean Johnson.
La FCFA clôturera les comparutions du CRTC, le 28 janvier, afin d’exprimer ses attentes en vue du renouvellement des licences radio et télé de CBC/Radio-Canada.
« Ce que nous recommandons, c’est de créer un centre de production à l’extérieur du Québec qui proposera du contenu de toute la francophonie canadienne à Montréal afin que nos communautés soient reflétées dans les programmes nationaux. Les équipes sont là, il y a des gens compétents qui font un excellent travail… On a besoin de se voir et de se reconnaître à l’antenne », insiste le président de la FCFA, sans toutefois dire où ce centre de production devrait être installé.
L’organisme souhaite un quota minimum de 15 % hors Québec dans le contenu national de Radio-Canada.
« Par rapport à notre bassin de population, ça ne nous semble pas excessif. Radio-Canada doit présenter la réalité de nos communautés pour qu’on arrête de voir des gens s’étonner, encore et encore, qu’il y ait des francophones en Alberta, en Ontario, dans les provinces atlantiques et ailleurs… Quand Justin Trudeau et Mélanie Joly [ministre des Langues officielles] parlent de renforcer la place du français, on pense que le diffuseur public a un rôle à jouer. »
M. Johnson en appelle aussi à CBC : « On veut établir un dialogue citoyen et CBC est bien placée pour le faire. Ils doivent avoir du contenu franco-canadien pour que la majorité anglophone nous connaisse », dit-il, persuadé que l’intérêt de l’auditoire sera là.
L’AFO demande un changement de gouvernance
Le président de la FCFA déplore que cette couverture n’existe qu’en temps de crise, comme lors de la crise de 2018 en Ontario. Un avis que partage l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui comparaîtra mardi prochain.
« On a apprécié le travail fait pendant la résistance, mais on voudrait qu’on ne parle pas uniquement de nous pour dépeindre un Canada hostile aux francophones », regrette Carol Jolin.
L’AFO a mené un sondage auprès de ses membres, auquel 270 personnes ont répondu. Résultat : le travail des stations régionales est plébiscité, mais le bât blesse au niveau national, surtout en matière de nouvelles.
« Il y a trop de contenu du Québec, et plus particulièrement de Montréal. On l’a d’autant plus vu pendant la COVID-19. Nous avions demandé que soient diffusés les points presse du gouvernement ontarien, même en différé ou directement sur les antennes régionales, mais Radio-Canada a raté l’occasion de remplir son mandat », déplore le président de l’AFO.
Pour répondre à ces critiques, l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens propose un changement de gouvernance avec la création d’entités autonomes à travers le pays, divisées entre l’Atlantique, le Québec, le Centre et l’Ouest.
« Chacune serait responsable de son budget et de sa programmation et cela permettrait de mieux représenter les communautés », pense M. Jolin qui précise qu’à Ottawa, cela supposerait de diviser le bureau de Radio-Canada Ottawa-Gatineau.
Un rôle contre l’insécurité linguistique
Malgré son mandat national, la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) garde elle aussi à l’œil les antennes plus locales, parmi les dix recommandations qu’elle présentera le 20 janvier.
« Actuellement, il y a beaucoup de roulement et c’est dur pour les journalistes de tisser des liens et de bien comprendre la réalité des communautés. On veut donc voir une représentation de nos communautés à l’embauche et s’assurer d’avoir des journalistes à long terme dans nos régions », demande Sue Duguay.
Pour l’organisme qui a fait de cet enjeu une priorité, il en va aussi de la lutte contre l’insécurité linguistique.
« On veut se voir et s’entendre. On comprend qu’il y a des normes par rapport au français, mais avoir différents accents ne l’empêche pas. »
Pour la présidente de la FJCF, cela contribuera à intéresser la jeunesse qui, elle le reconnaît, se tourne facilement vers les productions américaines.
« On est conscient que la jeunesse francophone consomme beaucoup de produits médiatiques venus des États-Unis qui ont des moyens colossaux. Mais je pense que c’est justement la raison pour laquelle il faut consacrer des ressources pour proposer du contenu jeunesse accessible en français. »
La présidente de la FJCF en veut pour preuve le succès du laboratoire de contenus journalistiques de Radio-Canada, Rad, qui, sur les réseaux sociaux, traite d’actualité et d’enjeux de société, principalement pour les 18-34 ans.
« C’est un bel exemple de succès, mais là encore il y a des progrès à faire pour avoir des gens venus de partout au pays et une diversité d’accents. »
Encadrer le virage numérique
Rad représente bien le virage numérique que souhaite faire CBC/Radio-Canada qui, devant le CRTC, plaide pour plus de flexibilité afin de s’adapter aux nouvelles réalités médiatiques. Une volonté que la FCFA est prête à appuyer, sous condition.
« On ne veut pas leur donner un chèque en blanc. Il faut que ce soit réglementé, avec des objectifs clairs et une imputabilité pour ne pas se retrouver dans la même situation de devoir encore, en 2021, se battre avec Montréal pour que nos communautés soient reflétées. »
Le président de l’AFO y va de son exemple.
« Le contenu numérique de Radio-Canada est excellent, notamment pendant la pandémie. Le problème, c’est que l’accès à internet n’est pas le même partout en Ontario. On l’a vu pour les points presse du gouvernement. Certains n’y ont pas eu accès, car la radio et la télé étaient leurs seuls moyens fiables de s’informer. »
Joint par ONFR+, CBC/Radio-Canada n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue au moment de publier cet article.