Les institutions postsecondaires francophones lancent un cri du cœur
OTTAWA – L’image est assez rare. Les recteurs de l’Université d’Ottawa, de la Laurentienne, de celles de Hearst et Sudbury, mais aussi la présidente du collège La Cité, côte à côte, lundi matin, pour une conférence de presse. Un seul mot d’ordre pour tous les représentants de la Table postsecondaire de l’Ontario français : obtenir une hausse de l’enveloppe pour les institutions postsecondaires. Une somme gelée depuis 2009.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Moins d’argent pour les universités et les collèges, c’est bien sûr un manque à gagner pour ces institutions francophones. D’autant que, selon les calculs de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), la somme allouée de 34,4 millions de dollars annuels est la même depuis 2009.
« Les deux dernières années, ça a été difficile », fait part la présidente de La Cité, Lise Bourgeois au micro d’#ONfr. « Quand la population étudiante augmente de 33 % sur sept ou huit ans, il faut bien qu’on la soutienne. On était à la fin de notre capacité pour augmenter l’offre. »
Les mots suppression et mise à pied ne sont pas cités, mais les propos de Mme Bourgeois sont lourds de sens : « Il a donc fallu prendre des décisions difficiles pour nous permettre de maintenir les programmes. »
Les programmes francophones fragilisés
Luc Bussières, recteur de l’Université de Hearst, abonde dans le même sens. « Dans ces conditions, on peut moins embaucher, et on doit travailler un peu plus avec des professeurs à temps partiel, par exemple. Il faut réorganiser notre offre de programmes, avec des cours pas seulement sur une année, mais sur un cycle de deux ans. »
L’analyse est aussi partagée par Pierre Zundel. Le recteur de l’Université Laurentienne, la seule bilingue en Ontario avec Ottawa, attribue une partie de la difficulté à recruter des francophones par le gel du financement.
« On est gelé depuis dix ans. Il y a beaucoup plus de pression pour réduire l’offre de cours, donc ça fragilise plus les programmes francophones. Ces programmes ont déjà de plus faibles inscriptions que les programmes anglophones (…) C’est de plus en plus difficile de soutenir cette offre avec le financement gelé. »
L’Université Laurentienne compterait entre 15 et 20 % d’étudiants francophones, selon les estimations régulières.
Si l’initiative de la conférence de presse est à mettre au crédit de l’AFO, c’est aussi son président, Carol Jolin, qui trouve pour #ONfr le meilleur résumé de la situation. « Pour les programmes anglophones, ils n’ont pas la même difficulté à maintenir ces programmes-là, car quand on a 60 ou 70 élèves dans une salle de classe, c’est beaucoup plus facile de maintenir le financement et de continuer à offrir ce programme-là, versus un programme où il y a une vingtaine d’élèves. »
L’enjeu des élections provinciales
Mais pourquoi attendre au juste la campagne électorale pour cette sortie? « Avant, ce qui se passait, c’est que chaque institution faisait son propre démarchage », analyse M. Bussières. « La campagne électorale est un moment pour soulever des débats, des questions. La création de l’Université de l’Ontario français a amené les gens à réfléchir sur l’offre un peu partout en Ontario. On en profite pour revendiquer cette fois-ci, collectivement. »
Pour Pierre Zundel, il y a tout de même l’espoir « que les trois partis soient prêts à augmenter les octrois en appui à la programmation en français. »
Si les réponses des différents partis ne sont incluses dans leur plateforme électorale concernant les différents budgets, les trois formations avaient dévoilé leurs plans dans le questionnaire envoyé à l’AFO, la semaine dernière.
« Nous mettrons fin aux compressions financières qui sont en train d’étouffer nos collèges et nos universités : nous lèverons le gel budgétaire et nous nous assurerons que le financement est toujours à la hauteur des besoins. Nous ferons augmenter le nombre de cours et de programmes offerts par l’Université de l’Ontario français, afin de répondre de manière optimale aux aspirations de la communauté franco-ontarienne », peut-on lire dans les réponses du Nouveau Parti démocratique (NPD).
« Notre plan est d’investir dans l’éducation postsecondaire en français en soutenant la croissance des institutions postsecondaires bilingues et francophones, mais aussi en allant de l’avant avec l’université de l’Ontario français », ont pour leur part répondu les libéraux.
Quant aux progressistes-conservateurs, la réponse a été plus sobre : « Nous allons investir pour la création de l’Université de l’Ontario français ainsi que dans les programmes dont dépendent les gens. »