Les élèves encore privés de Jeux franco-ontariens en 2023
Depuis 1994, la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) organise les Jeux franco-ontariens. C’est le point de rencontre de centaines de jeunes élèves des écoles secondaires francophones en Ontario. Bien plus qu’un simple rassemblement, c’est la croisée des francophonies, diverses et plurielles. En 2023, la FESFO a pris la décision de mettre en pause le retour des Jeux franco-ontariens pour la quatrième année consécutive. À la place a lieu une tournée provinciale dans les écoles durant l’hiver et au printemps.
Les Jeux franco-ontariens sont la promesse de retrouvailles, surtout après trois années de pandémie. C’est aussi la rencontre de cette francophonie ontarienne qui se parle et se comprend. Mais en 2023, ils n’auront, une fois de plus, pas lieu. La FESFO en a fait part dans sa programmation 2022-2023, expliquant que « suite au processus de consultation, les membres ont le souhait que la FESFO soit plus présente au niveau local ».
Les tournées prévues dans les écoles permettraient à la FESFO « d’animer directement dans les écoles et, surtout, d’offrir une animation par et pour les jeunes ».
Mélina Leroux, directrice générale de la FESFO, rappelle que l’absence des Jeux n’est que temporaire. « Pour notre première année de retour en présentiel, faire des jeux, ça n’avait pas beaucoup de sens. On a préféré miser sur une tournée provinciale. »
« On a réalisé qu’il fallait qu’on reconnecte avec les jeunes, puisque la pandémie nous a éloignés. C’est ce que la tournée devrait nous apporter dans les écoles », pense la directrice.
Christine Dallaire, chercheure en développement communautaire et identitaire à travers le sport et les jeux à l’Université d’Ottawa, soutient l’organisme jeunesse. « Il vaut mieux que la FESFO révise ce rassemblement et qu’il revienne avec un succès retentissant », croit-elle.
« Les Jeux sont une super belle formule, le sport reste une activité populaire. Il faut appuyer les talents en les valorisant : ça, c’est original. »
Les derniers Jeux franco-ontariens avaient eu lieu en 2019. Comme le palier secondaire va de la 9e à la 12e année, la dernière vague de participants est entrée à l’université en 2023, il n’y a donc aucun élève au sein des écoles secondaires qui a une expérience dans ces jeux.
Un grand rassemblement de la jeunesse
« C’était quelque chose d’unique », se rappelle Lydia Philippe, ancienne élève du Collège catholique Mer bleue à Orléans et présidente de la FESFO en 2018.
« La première fois où j’ai participé aux Jeux, j’étais éblouie par le nombre d’accents que nous pouvions avoir en tant que Franco-Ontariens. »
La jeune adulte se remémore l’impact de cet événement sur elle. Elle explique notamment qu’avant de participer aux Jeux, elle n’avait pas pleinement conscience de la diversité de la francophonie en Ontario. « J’ai formé des amitiés avec des personnes hors de mon école et j’ai appris de leurs réalités. »
« Je comprends et je respecte que la FESFO ne relance pas les Jeux cette année. C’était un gros événement. J’espère que l’année prochaine, ils pourront aller chercher plus de gens. Ce qui faisait aussi la beauté de ces jeux, c’était qu’il y avait beaucoup de partage de savoirs et d’expériences. »
« Nous ne sommes pas juste francophones parce que nous sommes dans des écoles francophones » – Fiona Labonté
Karelle Sikapi, présidente de la FESFO en 2019 et ancienne de l’École secondaire Ronald-Marion, à Pickering, a participé aux derniers Jeux franco-ontariens.
D’après la jeune fille, pour certains, c’était la seule opportunité de parler français hors de l’école. « C’est un événement majeur et si on demande aux élèves, ils diront que c’était l’événement de l’année. »
Fiona Labonté, ancienne élève de l’École secondaire publique L’Héritage à Cornwall et présidente de la FESFO en 2020, se rappelle que c’est durant sa première participation aux Jeux en 2019, que l’envie de s’impliquer à la FESFO est apparue.
« Je pense que les Jeux sont importants pour les jeunes qui veulent s’engager dans la francophonie. Ils ne sont pas poussés à le faire. »
« C’est aussi important, parce que c’est là qu’on se rend compte que le français n’est pas juste une langue d’instruction. Nous ne sommes pas juste francophones parce que nous sommes dans des écoles francophones. »
Pour l’ancienne présidente qui a pris son poste en plein cœur de la pandémie, les Jeux franco-ontariens étaient une opportunité de pratiquer la langue dans un milieu extrascolaire. « C’est encourageant quand on comprend que c’est une langue qui nous appartient. »
Une occasion de revoir le format
« C’est clair que ce week-end est un moment d’émotion important et qui a une portée à long terme pour les jeunes », admet la professeure Christine Dallaire, « mais au bout du compte, il y a très peu de gens qui y participent. Ça ne va pas chercher la proportion de jeunes que les Jeux de l’Acadie vont chercher ».
« Quand on pense au renforcement de l’identité franco-ontarienne, ce n’est pas seulement un week-end qui fait la différence », ajoute-t-elle.
Et de nuancer tout de même, que « les Jeux franco-ontariens ont un impact chez les jeunes qui n’ont pas d’occasion de parler en français au quotidien. »
« On fait du développement sportif, mais surtout du développement personnel » – Christine Dallaire
Pour l’experte, cette pause prolongée serait une opportunité pour la FESFO de revoir la formule des Jeux. Celle qui a assisté en février aux Jeux d’hiver de l’Arctique en Alberta explique que les jeunes ont démontré un vif intérêt au fait de se rassembler.
« Les Jeux franco-ontariens, les Jeux de l’Acadie, les Jeux de l’Arctique sont avant tout des rassemblements. Le sport dans ces activités-là, c’est aussi une excuse. On fait du développement sportif, mais surtout du développement personnel. »
Karelle Sikapi pense que les Jeux franco-ontariens doivent être cohérents avec l’époque. « C’est sûr que les jeunes sont différents depuis la pandémie. L’ambiance, l’atmosphère a changé au secondaire. Il y a un avant et un après pandémie, c’est pourquoi c’est toujours important de se rassembler. »
Ce que soutient Fiona Labonté : « Avec la pandémie, l’expérience secondaire est totalement changée. La FESFO va devoir peut-être changer le déroulement des Jeux. Les jeunes ne sont plus les mêmes, ils ont vécu quelque chose de traumatisant. »
Enfin, la directrice générale de la FESFO, Mélina Leroux, admet que l’organisme se replace « tranquillement pas vite » dans la sphère publique, depuis la fin de la pandémie.
« Cela nous a permis de faire une planification stratégique et de constater qu’avec l’augmentation des frais, une réflexion supplémentaire s’impose, notamment avec ce qui doit être virtuel ou en présentiel. »
Entre 500 et 700 élèves participaient chaque année à cet événement.
Pour Mme Dallaire, « les organismes qui travaillent avec les jeunes ont de la difficulté après la pandémie. On n’a pas de jeunes qui connaissent nos activités et on n’a pas la relève non plus. »
« Il faut recommencer à zéro. »