Les libéraux en ont ras-le-bol de Sudbury

TORONTO – Les libéraux à Queen’s Park commencent à en avoir ras-le-bol des questions de l’opposition sur l’affaire Olivier à Sudbury. Mais le parti au pouvoir n’est pas prêt à poser le seul geste qui pourrait faire débloquer l’impasse: limoger deux organisateurs visés par une enquête pour corruption dans cette histoire.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Si la troupe de Kathleen Wynne avait su plutôt bien résister aux bombardements constants de l’opposition depuis la rentrée parlementaire d’hiver, elle a montré ses premiers signes d’exaspération, le mercredi 4 mars.
«Nous n’entendons pas parler des enjeux importants qui touchent l’ensemble de la province», a pesté Deb Matthews, présidente du conseil du Trésor, à sa sortie de la période de questions à Queen’s Park. «C’est (aux partis d’opposition) de choisir leurs questions. Je comprends ça. Mais je mets en doute leur jugement.»
Quelques minutes plus tôt, Mme Matthews esquivait plusieurs questions sur cette affaire alléguée de corruption à Sudbury.
«C’est comme si nous vivions dans un monde parallèle», s’est étonnée la députée libérale de London. «Nous n’avons pas eu une seule question sur l’itinérance, sur la pauvreté, sur l’économie ou sur l’emploi.»
Au coeur du litige: une offre d’«emploi ou une nomination» qu’auraient fait miroiter deux organisateurs libéraux à un ex-candidat libéral, Andrew Olivier, pour qu’il cède le passage à un candidat plus connu, Glenn Thibeault, lors d’une récente élection partielle dans la circonscription de Sudbury, dans le nord-est de l’Ontario.
Ces deux organisateurs libéraux, Gerry Lougheed et Patricia Sorbara, ont clairement indiqué dans des conversations qu’ils ont eues avec Andrew Olivier, et enregistrées à leur insu, qu’ils démarchaient au nom de la première ministre.
Le Directeur général des élections (DGE) et la Police provinciale de l’Ontario (PPO) ont tous deux conclu qu’il y avait là des «contraventions apparentes» à la loi électorale de la province. Aucune accusation n’avait encore été déposée, le 4 mars.
M. Thibeault a été élu député de Sudbury, le 5 février.
Mme Wynne soutient, pour sa part, qu’elle a rencontré M. Thibeault à la fin novembre – alors que le transfuge était toujours député néo-démocrate à Ottawa – et qu’elle a dès lors fait son choix de le nommer candidat libéral dans Sudbury. Toutefois, les enregistrements de M. Olivier donnent à penser que ce choix s’est fait beaucoup plus tard.
À plus d’une centaine d’occasions depuis la rentrée d’hiver à Queen’s Park, la première ministre a refusé de répondre directement à des questions sur les allégations de corruption dont fait l’objet sa formation, se limitant à dire que l’affaire est entre les mains de la police. Tout comme elle a refusé de démettre M. Lougheed de la présidence qu’il occupe avec la bénédiction de la province à la commission de police de Sudbury, et de larguer Mme Sorbara, qui est sa chef de cabinet adjointe.
L’opposition tient son bout
Sur les banquettes de l’opposition, toutefois, il n’y a aucune intention de lâcher le morceau.
«Il y a beaucoup d’incohérences dans la version des choses de la première ministre. Nous allons continuer à poser des questions jusqu’à ce qu’elle y réponde», a défié le chef progressiste-conservateur Jim Wilson, réclamant avec plusieurs de ses collègues le limogeage des Gerry Lougheed et Patricia Sorbara, le 4 mars.
Le progressiste-conservateur Randy Hillier, lui, a comparé sans détour les gestes de Kathleen Wynne dans l’affaire Olivier à ceux de l’ex-président américain Richard Nixon dans le scandale de Watergate.
«Arrêtons de prétendre que la première ministre a pris sa décision (de nommer Glenn Thibeault) avant d’avoir essayé d’écarter Andrew Olivier de la course. C’est tellement évident. C’est gênant», a fustigé la chef néo-démocrate Andrea Horwath. «L’affaire est bien documentée. Il y a des enregistrements. Il y a un rapport d’Élections Ontario.»
Mme Horwath a réclamé à son tour le limogeage des organisateurs libéraux visés par une enquête policière. «Ensuite, nous pourrons passer à autre chose».