Les Manitobains élisent un premier ministre autochtone et francophone
WINNIPEG – La situation est inédite au Canada : Wab Kinew devient le premier autochtone issu d’une Première Nation à gouverner une province. Ainsi en ont décidé les électeurs manitobains appelés aux urnes ce mardi. La première ministre sortante a quant à elle échoué à reconduire au pouvoir le camp progressiste-conservateur pour un troisième mandat consécutif.
Après sept ans d’absence aux commandes de la province, le Nouveau Parti démocratique (NPD) revient aux affaires au Manitoba et formera un gouvernement majoritaire. Son chef, Wab Kinew, a fait tomber la sortante progressiste-conservatrice Heather Stefanson.
Selon les résultats non officiels, à l’heure où nous écrivions ces lignes, le NPD s’adjugeait 33 sièges (contre 18 avant la dissolution) à l’Assemblée législative du Manitoba, les progressistes-conservateurs 23 sièges (contre 35), les libéraux se contentant d’un député (contre 3), pour un total de 57 sièges en jeu au Parlement.
« Regardez ce que notre petite province a fait de grand! » a réagi Wab Kinew dans son discours de victoire. Il s’est ensuite adressé en premier lieu aux travailleurs de la santé, à la jeunesse et au monde des affaires.
« Vous qui travaillez dans la santé, on a besoin de vous pour construire quelque chose de spécial ici au Manitoba. Aux jeunes, je vous dis qu’on m’a donné une deuxième chance dans la vie et je veux croire que vous pourrez faire pareil. Ma vie est devenue meilleure quand j’ai cherché des raisons. Il y a une condition pour que ça marche : vous devez vouloir le faire. »
Et de conclure : « Il n’y a pas de défis que nous ne puissions surmonter quand on se présente unis, comme un seul Manitoba. »
Le NPD n’avait pas dirigé le Manitoba depuis la période 1999-2016 sous les gouvernements Gary Doer et Greg Selinger, un règne auquel Brian Pallister avait mis fin en 2016.
Originaire du Nord-Ouest de l’Ontario
M. Kinew s’est engagé à « rendre la vie des Manitobains plus abordable » et à « éparer les soins de santé » – un thème omniprésent durant les quatre semaines de campagne électorale -, notamment via une stratégie de dotation en personnel de santé de 500 millions de dollars. Il veut s’attaquer à la pénurie de médecins de famille et réembaucher les 300 infirmières supprimées sous le précédent gouvernement.
Il a promis d’investir dans les arts, le tourisme et la culture. Il a l’intention d’accroître le nombre des places en garderie et d’enseignants, y compris de langue française. Il compte par ailleurs rétablir le poste de sous-ministre adjoint à l’Éducation française. Il s’est en outre engagé à créer 10 000 nouveaux emplois et à lutter pour l’environnement, tout en visant l’équilibre budgétaire d’ici 2026.
Ontarien d’origine, le nouveau premier ministre élu a grandi dans la Première Nation ojibwée d’Onigaming, dans le Nord-Ouest de l’Ontario, avant de déménager à Winnipeg. Diplômé en sciences économiques de l’Université du Manitoba, il parle trois langues : ojibwé, anglais et français.
Avant d’embrasser une carrière politique, il a été rappeur, écrivain, journaliste et vice-recteur adjoint aux affaires autochtones de l’Université de Winnipeg. Il était chef de l’opposition officielle depuis 2017.
Les progressistes-conservateurs formeront l’opposition officielle
Cette soirée électorale s’est soldée par un échec du Parti progressiste-conservateur à se maintenir au pouvoir pour un troisième mandat d’affilée. Ayant fait élire le plus de députés après le NPD, les troupes d’Heather Stefanson constitueront l’opposition officielle. Réélue dans sa circonscription de Tudexo, Mme Stefanson a annoncé dans son discours de défaite qu’elle quittait la tête du Parti progressiste-conservateur.
« Le vote a parlé », a-t-elle réagi. « On n’a pas toujours été d’accord Wab Kinew et moi mais je lui souhaite le meilleur et ferai tous les efforts pour que cette transition du leadership soit sans anicroche. La nature historique de sa victoire doit être reconnue ici, ce soir. J’espère qu’elle suscitera l’engagement citoyen des jeunes partout au pays. »
Arrivée au pouvoir en octobre 2021, la députée de Tuxedo et ancienne vice-première ministre avait succédé à Brian Pallister, démissionnaire avant le terme de son mandat – après avoir remporté la course à la chefferie de son parti. Elle était alors devenue la première femme première ministre de la province.
Défait dans sa circonscription électorale de Saint-Boniface, le chef du Parti libéral a lui aussi démissionné de la tête de sa formation politique dans la foulée des résultats, en cours de soirée.
Doug Ford veut « travailler ensemble » avec son voisin
« Ce soir, le Manitoba est entré dans l’histoire en élisant son premier premier ministre anishnabe », a réagi , sur le réseau social X (ex-Twitter) Sol Mamakwa, unique député ontarien autochtone. « C’est un très grand jour pour le Manitoba et pour la représentation autochtone. »
Le premier ministre ontarien Doug Ford a lui aussi félicité son homologue. « Être premier ministre est l’honneur d’une vie. En tant que voisins, nous pouvons travailler ensemble sur de nombreux points, notamment bâtir des économies plus fortes pour nos deux provinces. »
« Ce soir est une soirée historique pour les Manitobains et tous les Canadiens », a renchéri Jagmeet Singh, chef du NPD canadien. « Vous avez inspiré des générations de jeunes autochtones à venir. »