Les nouveaux sénateurs francophones prennent leur place
OTTAWA – Nouveaux venus à la Chambre haute, les sénateurs francophones de l’extérieur du Québec, Raymonde Gagné, René Cormier et Lucie Moncion, découvrent progressivement leurs nouvelles fonctions et les nombreuses attentes placées en eux pour représenter et faire entendre les francophones en milieu minoritaire.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Voilà plus d’un an que Raymonde Gagné a été nommée au Sénat. L’ancienne rectrice de l’Université de Saint-Boniface, nommée en remplacement de Maria Chaput, a, selon ses dires, vécu une année de découverte, enrichissante aussi bien personnellement que professionnellement.
« C’est un travail très demandant, mais aussi passionnant », explique la sénatrice franco-manitobaine qui s’investit dans le comité sénatorial de l’agriculture et des forêts, le comité spécial sur la modernisation du Sénat et le comité des langues officielles.
« Les langues officielles sont au cœur de ce que je souhaite faire comme sénatrice. Il faut rester vigilant dans ce domaine car on a vite fait de perdre de vue cette valeur fondamentale pour notre pays. Je pense qu’il n’y a pas assez d’investissements qui sont faits, notamment, dans la promotion et l’apprentissage des deux langues officielles à travers le pays. »
Les trois nouveaux sénateurs francophones de l’extérieur du Québec nommés depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau ont tous naturellement choisi de siéger sur le comité des langues officielles.
« C’est un privilège de pouvoir représenter les Acadiens et de porter leurs aspirations. La seule chose que je veux, c’est être à la hauteur de leurs attentes et suivre les traces de mes prédécesseurs. Je veux donner sa place à l’Acadie dans la francophonie canadienne et internationale », explique René Cormier.
Nommé le 27 octobre, l’ancien président de la Société nationale de l’Acadie (SNA) se dit surpris par l’aspect très concret des travaux du Sénat, tout en soulignant les longues heures de travail que suppose cette fonction.
« On regarde vraiment l’impact concret de chaque projet de loi dans la vie des Canadiens, avec beaucoup de rigueur et une volonté d’approfondir les enjeux en se basant sur les faits. C’est un univers très différent pour moi, mais c’est passionnant! »
Même son de cloche du côté de la sénatrice franco-ontarienne, Lucie Moncion, nommée le 31 octobre dernier, et qui vient du monde des affaires.
« C’est un peu comme si j’étais retournée à l’école, on touche tellement de domaine! », sourit la sénatrice qui siège sur quatre comités en plus de celui des langues officielles. « En tant que seule Franco-Ontarienne au Sénat, il était impératif pour moi d’être à la table des discussions. »
Indépendance et promotion
La volonté déclarée de progressivement dépolitiser le Sénat comporte ses défis pour les trois nouveaux sénateurs qui ne sont officiellement affiliés à aucun parti politique.
« Cela suppose de revoir les règlements et les procédures. On sent qu’il y a encore une certaine résistance. Ça va prendre du temps », explique Mme Gagné.
Mme Moncion juge qu’actuellement, cela pose encore certains problèmes.
« Comme les règles n’ont pas été changées pour tenir compte des sénateurs indépendants, les conservateurs ont encore la majorité du pouvoir. Les présidences des comités restent entre les mains des mêmes personnes qui ont donc le contrôle de l’agenda. On voit encore beaucoup de partisanerie, alors que ça ne devait plus être le cas. Cela m’a surprise! », explique la sénatrice franco-ontarienne qui assure que les sénateurs indépendants ne sont pas des « libéraux déguisés ».
« Le Sénat, c’est la voix des sans-voix » – René Cormier
Pour le sénateur Cormier, il est important que le Sénat se fasse mieux connaître.
« Le Sénat a façonné notre pays et notre responsabilité est de faire connaître son rôle et ce qu’il fait. Il faut rappeler que le Sénat est essentiel pour contrebalancer le pouvoir de la Chambre des communes et pour assurer une représentation des régions et des minorités. »
Prochaines nominations
Comme ses collègues issues de la francophonie en milieu minoritaire, la sénatrice Moncion sait que la communauté franco-ontarienne compte beaucoup sur elle pour la représenter. Alors qu’historiquement, la tradition accordait deux places aux Franco-Ontariens à la Chambre haute, elle en est la seule représentante.
« J’espère qu’il y aura d’autres nominations. Sur les 24 sièges de l’Ontario, je pense que c’est possible et souhaitable qu’il y ait d’autres Franco-Ontariens de différents milieux. »
La Chambre haute compte actuellement sept sièges vacants, dont deux pour l’Ontario. De quoi nourrir les espoirs de voir nommer un autre Franco-Ontarien pour siéger au Sénat.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) ne s’y est pas trompée qui a lancé une campagne sur les médias sociaux à l’attention du premier ministre Justin Trudeau pour lui demander de nommer « un sénateur ou une sénatrice francophone de l’Ontario. »
@MonAssemblee demande que le siège vacant au @SenatCA soit comblé par un ou une Fr-Ontarien-ne. On appuie à 100%. #nouscomptons #frcan https://t.co/dUtCz850jy
— FCFA du Canada (@fcfacanada) 10 mai 2017
« Avoir des francophones de l’extérieur du Québec au Sénat permet de ne pas prendre les langues officielles pour acquises. Nous avons un vécu qui nous aide à le comprendre », souligne Mme Gagné.