Les progressistes-conservateurs du Manitoba ont séduit les francophones
WINNIPEG – Il y a un an, le 19 avril, les progressistes-conservateurs de Brian Pallister remportaient les élections générales au Manitoba. Le tout après 17 ans de règne du Nouveau Parti démocratique (NPD). Un changement de couleur politique qui n’est pas sans déplaire aujourd’hui aux leaders franco-manitobains.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
« Il y a une amélioration assez nette », analyse la présidente de la Société franco-manitobaine (SFM), Jacqueline Blay pour #ONfr. « L’approche est différente avec celle des néo-démocrates. Le premier ministre Greg Selinger, aussi ministre responsable des Affaires francophones, était toujours occupé. La nouvelle ministre des Affaires francophones, Rochelle Squires, est beaucoup plus disponible. »
Les débuts en fonction de Mme Squires n’avaient pas été de tout repos. Son unilinguisme lui avait rapidement attiré une myriade de critiques. « Elle nous parle en français », assure Mme Blay. Lors de l’Assemblée générale annuelle de la SFM en octobre dernier, la ministre avait fait montre de quelques progrès en français.
Principal œuvre des progressiste-conservateurs pour les francophones en un an : la Loi sur les services en français (Loi 5), votée le 30 juin 2016. Un texte de loi qui enchâssait alors la politique déjà existante depuis 1989. Longtemps réfractaires à une loi, les néo-démocrates de M. Selinger s’y étaient seulement montrés favorables… quelques mois avant le scrutin d’avril 2016.
Après la loi, s’en est suivi la création d’un Conseil consultatif, autour de leader francophones, et chargé de revoir cette même politique et la prestation des services en français. « On attend les premières ébauches pour la prochaine réunion », précise Mme Blay.
L’opération séduction du parti du premier ministre Brian Pallister auprès des francophones ne s’arrête pas là. Lors du dépôt du budget il y a quelques jours, une enveloppe supplémentaire de 400 000 $ a été allouée au Secrétariat aux affaires francophones.
Un ajout qui contraste pourtant avec la décision du gouvernement de fermer la Clinique express de Saint-Boniface au cours de l’hiver. « Ils (les membres du gouvernement) nous ont rencontré immédiatement après, nous ont évoqué des solutions de rechange », avance Mme Blay.
Comment dès lors comprendre cette lune de miel entre les progressistes-conservateurs et les francophones? D’autant qu’à la fin des années 1980, le gouvernement conservateur de Gary Filmon s’opposait encore vigoureusement à l’idée que les francophones gèrent leur propres écoles. Un droit finalement arraché devant la Cour suprême du Canada en 1993.
« Il y a un changement dans l’opinion publique vis-à-vis du français », estime Raymond Hébert, professeur émérite de sciences politiques et d’études canadiennes à l’Université de Saint-Boniface. « Le français est aujourd’hui vu comme un atout économique. Au World Trade Centre (organisme œuvrant dans le développement du milieu des affaires au centre-ville), le personnel est maintenant bilingue. »
Pour le politologue, il y a même une raison subtile qui explique les hésitations du NPD pendant 17 ans envers les francophones, là où le parti de M. Pallister semble foncer. « Il y a une base conservatrice dans la population, méfiante du bilinguisme, qui faisait peur au NPD. À l’inverse, les membres du Parti PC du Manitoba, nouvellement élu, savaient que l’opposition (libéraux et NPD) était plutôt favorable aux francophones. Le nouveau gouvernement a fait voter la Loi rapidement, pour éviter toute opposition. »
Vent favorable
Toujours est-il que le gouvernement de M. Pallister garde un vent favorable. Les récents sondages montrent un taux d’approbation des électeurs pour sa politique variant entre 40 % et 50 %.
« Sa stratégie, c’est qu’il gouverne de façon modérée », analyse M. Hébert. « Le budget n’a pas comporté de coupures profondes. Il s’agit d’un gouvernement axé sur la bonne gestion, mais qui ne fait pas de coupures majeures. »
Pour le politologue, le prochain sérieux défi du gouvernement de M. Pallister pourrait être de trouver une entente avec le gouvernement fédéral sur le dossier des transferts de santé. Le Manitoba reste la seule province à n’avoir pas signé d’accords de la sorte avec le gouvernement.
À noter que Rochelle Squires n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.