Libéraux et progressistes-conservateurs à la conquête d’Ottawa

Patrick Brown
L'ancien chef du Parti progressite-conservateu r de l'Ontario, Patrick Brown. Crédit image: Maxime Delaquis

[ANALYSE]

OTTAWA – La fin de la session printanière à Queen’s Park aurait dû être tranquille. Il n’en fut rien. Deux événements ont pris tout le monde de court, et concernent directement les Franco-Ontariens.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le premier, c’est l’expulsion du député Jack MacLaren du Parti progressiste-conservateur (PC de l’Ontario) dimanche dernier. La raison? Dans une vidéo non datée, on y voit l’élu de Carleton-Mississippi Mills, dans la région d’Ottawa, remettre en cause les droits linguistiques des francophones dans l’Est de l’Ontario.

À l’ère du 2.0 et de la communication de masse, les petits mots ont bien souvent de grands effets. Jack MacLaren, issu de la frange des « landowners » (l’aile droite du parti), et rappelé à l’ordre plusieurs fois pour ses dérapages (accusations de faux témoignages et de propos misogynes, l’an passé), ne pourra donc défendre les couleurs du Parti PC dans son comté, pour les élections de 2018.

Manifestement plus habile, son homologue d’Ottawa-Vanier, Nathalie Des Rosiers, a, elle, fait lever les foules, ce mercredi. « Pas en avant », « jour historique », beaucoup de Franco-Ontariens ne freinaient pas leur optimiste après le dépôt du projet de loi privé de l’élue libérale. L’enjeu? Faire d’Ottawa une Ville officiellement bilingue… sans attendre une demande du conseil municipal.

À priori, ces deux événements pris indépendamment, n’ont aucun rapport. À y regarder de plus près, tous deux témoignent pourtant d’une volonté d’envoyer un message fort aux francophones d’Ottawa. À quasiment un an jour pour jour des élections provinciales, les promesses et bonnes intentions à l’endroit des 125 000 francophones de la Ville d’Ottawa, – répartis en tout sur huit circonscriptions – valent de l’or.

Si Ottawa-Vanier, terre de Nathalie Des Rosiers, demeure aussi acquise aux libéraux, que Carleton-Mississipi Mills ne l’est aux progressistes-conservateurs, les prévisions sont en revanche difficiles dans les autres comtés d’Ottawa. Une différence dès lors notable avec le centre-ville de Toronto moins perméable aux idées conservatrices.

Dans ce contexte, quatre circonscriptions de la capitale du Canada seront directement au cœur de la bataille que se livreront M. Brown et Mme Wynne (Le NPD restant à la traine dans les sondages) : Ottawa-Orléans, Glengarry-Prescott-Russell, Ottawa-Sud et Ottawa-Ouest-Nepean. Dans l’Ouest, on voit mal la conservatrice Lisa MacLeod perdre Nepean-Carleton. Mais ne dit-on pas que la francophonie à Ottawa se revigore à l’Ouest de la Ville?

Ça n’a donc pas été un hasard de voir la députée MacLeod être l’une des premières à condamner les propos de son collègue MacLaren. De même Marie-France Lalonde (députée d’Ottawa-Orléans), Bob Chiarelli (Ottawa-Ouest-Nepean) et John Fraser (Ottawa-Sud) réunis autour de Mme Des Rosiers pour la « photo de famille » au moment de la présentation du projet de loi.

Fin politicien, Patrick Brown a déjà lancé ses troupes sur le terrain en vue de 2018. Les candidats du parti dans ces comtés sont la plupart déjà déclarés. Il n’est pas surprenant de voir par exemple, Cameron Montgomery, bilingue et investi par le parti dans Ottawa-Orléans, être très présent dans les événements francophones.

À la différence de son prédécesseur Tim Hudak, M. Brown a clairement compris que les 611 500 Franco-Ontariens, d’Ottawa ou d’ailleurs, représentent un échantillon électoral à ne surtout pas négliger.

Et cette posture « inclusive » et centriste de M. Brown, aux antipodes de celle de Jack MacLaren, commence à porter ses fruits. En témoigne jeudi soir, la victoire du parti lors de l’élection partielle à Sault-Sainte-Marie, pourtant libérale depuis 2003.

Un nouvel avertissement pour Mme Wynne… qui n’aura peut-être d’autre choix que d’aller encore plus loin que le bilinguisme officiel à Ottawa pour satisfaire entièrement les francophones.

 

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 3 juin.