Loi 8 : casser le moule des désignations
[ANALYSE]
L’élection partielle dans Whitby-Oshawa jette un nouvel éclairage sur le dur combat que livrent les francophones de la région de Durham depuis sept ans déjà pour obtenir des services du gouvernement de l’Ontario dans leur langue. Un combat sans issue. À moins que la province n’accepte de modifier sa Loi sur les services en français.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Les francophones de Durham cherchent depuis 2009 à obtenir une désignation de Queen’s Park qui leur garantirait, à Oshawa du moins, des services provinciaux dans leur langue. Puisqu’ils ne satisfont pas aux critères quantitatifs d’une telle désignation, soit au moins 10% de la population d’une région ou 5000 dans un centre urbain, ils cherchent à obtenir une désignation « discrétionnaire ».
L’Ontario a accordé des désignations « discrétionnaires » à deux occasions déjà : à Kingston en 2009 et à Markham en 2015. Dans les deux cas, la revendication de la communauté francophone avait l’appui unanime des élus locaux et provinciaux.
Le gouvernement libéral à Queen’s Park, qui est à l’origine de ces désignations « discrétionnaires », est bien prêt à faire fi des critères démographiques de temps à autre. Mais il ne faut pas que la désignation soit contentieuse.
Et c’est là que le bât blesse à Oshawa. Les francophones de l’endroit ne parviennent pas à rallier tous leurs élus locaux à leur cause.
Le plus farouche opposant, Roger Anderson, le président du conseil régional de Durham, dit qu’il ne veut pas écoper de la facture des services en français que son administration pourrait devoir offrir au nom de la province, comme des services de garde d’enfants et des services sociaux. Et rien ni personne n’arrive à convaincre ce vieux routier de la politique municipale qu’embaucher du personnel bilingue ne coûterait pas plus cher.
Cul-de-sac
Les francophones de Durham ont réussi à obtenir le soutien des trois principaux candidats à l’élection partielle dans Whitby-Oshawa. Le clan libéral y a même dépêché la ministre responsable de la francophonie Madeleine Meilleur et son adjointe parlementaire Marie-France Lalonde pour réitérer son appui à une éventuelle désignation.
L’ennui, c’est qu’immédiatement après le scrutin du 11 février, la petite communauté francophone de la banlieue de Toronto risque de retomber dans le même cul-de-sac qu’avant. À essayer de convaincre un élu local qui, manifestement, ne veut pas être convaincu.
Environ 15% des Franco-Ontariens vivent à l’extérieur d’une région désignée en vertu de la Loi sur les services en français. Au rythme où vont les choses, aussi bien dire que ces francophones n’auront jamais accès à des services dans leur langue près de chez eux.
À moins, bien sûr, que les libéraux de Kathleen Wynne n’envisagent de dépoussiérer un peu la Loi 8 de 1986, qui aura 30 ans cette année. Sans déclarer l’Ontario bilingue officiellement, le gouvernement pourrait commencer par offrir des services en français à la grandeur de la province. Ou une signalisation routière entièrement bilingue.
Peu importe le résultat électoral dans Whitby-Oshawa, la vraie victoire pourrait être celle des Franco-Ontariens si la province se rend à l’évidence que l’actuelle Loi sur les services en français a atteint ses limites et qu’il est temps, comme le demande l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, de passer à la prochaine étape.
Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 6 février.