L’option du couvre-feu en Ontario arriverait trop tard, pour le Dr Loemba
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Le Dr Hugues Loemba est clinicien-chercheur et virologue. Il est professeur agrégé de médecine à l’Université d’Ottawa. Consultant pour l’Organisation mondiale de la Santé, il travaille également avec Santé Canada, où il participe à l’évaluation de médicaments, y compris des antiviraux.
LE CONTEXTE :
La situation se dégrade en Ontario. Ce lundi, la province a franchi la barre des 5 000 décès, pour un total de 3 328 nouveaux cas quotidiens. Vendredi dernier, plus de 4 000 nouvelles contaminations avaient même été enregistrées en une journée.
L’ENJEU :
Le gouvernement ontarien devrait annoncer, demain, de nouvelles restrictions. Selon des rumeurs, l’équipe Ford se refuse à la mise en place d’un couvre-feu comme il en va au Québec depuis samedi dernier.
« Comment avez-vous accueilli les mesures annoncées par le gouvernement Ford, jeudi dernier, à savoir la fermeture des écoles prolongée dans le Sud de l’Ontario au moins jusqu’au 25 janvier?
Il n’y avait pas d’autres choix. Beaucoup d’enfants ont des tests positifs, lesquels sont la conséquence des rassemblements familiaux à Noël. On ne veut pas qu’ils aillent infecter d’autres enfants. La mesure allait dans le bon sens.
À la différence du printemps dernier, les garderies ne sont désormais pas concernées par des fermetures. Pourquoi?
Au printemps dernier, on n’en savait pas beaucoup sur l’incidence de la maladie sur les plus jeunes. Là, on connaît plus l’épidémiologie. Beaucoup d’étudiants et d’adolescents transmettent le virus, mais cette contamination est moins évidente chez les plus petits.
En Ontario, la tendance est à une hausse de la courbe depuis l’automne. Rien ne semble aller pour l’instant vers un « aplatissement » de celle-ci. Pourquoi?
La tendance était à la hausse depuis le mois de novembre. On avait perdu le contact du retraçage. Du moment qu’on perd le contrôle de la moitié du retraçage des nouveaux cas, ça devient incontrôlable.
Par la suite, on aurait dû faire, dès l’automne, un confinement beaucoup plus restrictif. Je ne suis donc pas surpris de voir ces chiffres, en raison du magasinage en vue du temps des fêtes, et des fêtes privées. Un sondage de la firme Léger, publié début janvier, montrait que la moitié des Canadiens avaient participé à une fête privée familiale durant la période des fêtes.
On a tenu longtemps, pendant que la courbe montait. Un couvre-feu aurait alors empêché que les gens trichent.
Comment les personnes se contaminent-elles? Avons-nous plus de données?
Une bonne partie des contaminations sont inconnues, et ce beaucoup plus qu’au printemps. Je dirais que plus de la moitié des contaminations restent un mystère. Mais on peut supposer qu’elles sont dues aux rassemblements familiaux, aux fêtes privées. Dans la région de Toronto, on voit aussi beaucoup de cas dans les foyers de soins de longue durée.
Justement, vous parliez de couvre-feu. Des rumeurs révèlent que des experts en santé publique de l’Ontario recommandent au gouvernement de ne pas privilégier l’option d’un couvre-feu.
Je suis assez d’accord, car maintenant, le couvre-feu arriverait un peu tard. Il ne serait pas significatif si les autres mesures n’étaient pas respectées.
Cela passe tout d’abord par renforcer le retraçage des cas. Il faut aller à la source et briser la contamination. Ensuite, il faut mieux contrôler les déplacements des gens, et la distanciation sociale durant la journée. Le virus n’attend pas le jour ou le soir pour circuler. Par exemple, beaucoup de gens sont dans les rues et ne portent pas de masque. Troisième chose primordiale, il faut accélérer encore la campagne de vaccination.
Quelles mesures seront annoncées ce mardi, selon vous, par le gouvernement de l’Ontario?
Je ne suis malheureusement pas dans les secrets du gouvernement (rires). On peut seulement comprendre, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, pourquoi l’option d’un couvre-feu ne semble pas privilégiée. Par contre, le gouvernement dispose d’autres options, comme par exemple réduire le nombre de gens qui peuvent sortir, prolonger la fermeture des écoles ou encore, restreindre l’ouverture d’autres commerces. »