Maïssa Zemni : « Le simple fait de parler une langue différente nous prive de ressources »
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Maïssa Zemni, élève de 12ᵉ année à l’École secondaire publique Gisèle-Lalonde. Elle exerce en tant qu’élève-conseillère depuis deux ans et a précédemment été sénatrice au sénat des élèves. Elle occupe actuellement la présidence du Regroupement des élèves conseillers et conseillères francophones de l’Ontario (RECFO).
LE CONTEXTE :
Le Symposium sur l’éducation publique en Ontario s’est déroulé du 25 au 27 janvier à Toronto. Cette rencontre a réuni des conseillers scolaires, des directeurs de l’éducation, des élèves conseillers, ainsi que des invités et des experts en éducation. Les discussions ont couvert un large éventail de sujets, de la gouvernance à l’inclusion, en passant par le respect de la diversité et la vitalité de la francophonie.
L’ENJEU :
Ce rassemblement a regroupé plusieurs acteurs clés du secteur éducatif pour aborder les enjeux cruciaux et les possibilités émergentes dans l’éducation publique. Pour les jeunes francophones, ce symposium représentait une opportunité de partager leurs perspectives et des initiatives afin de renforcer l’éducation en langue française en Ontario. De plus, les jeunes ont pris la parole lors d’un atelier dédié, offrant ainsi leurs visions et leurs idées pour l’avenir de l’éducation publique.
« En tant qu’élève-conseillère d’un conseil scolaire public en Ontario, comment ce symposium sur l’éducation a-t-il pu vous être utile?
Je pense que c’était vraiment important d’y participer parce que cela nous permet, en tant que jeunes, de partager notre perspective sur des sujets qui nous touchent, comme la francophonie. Nous avons notamment participé à un panel où nous avons abordé cette question d’appartenance à la communauté francophone. Comment pouvons-nous motiver les élèves à ressentir ce sentiment d’appartenance?
Il a également été très utile d’entendre le discours de l’honorable Edith Dumont, la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, qui était définitivement inspirante. Elle a justement évoqué les jeunes femmes franco-ontariennes qui aspirent à se lancer en politique malgré leur statut de minorité.
Nous avons aussi eu la chance de rencontrer Roda Muse, la sous-ministre aux Affaires francophones de l’Ontario, et Yves-Gérard Méhou-Loko, le secrétaire général de la Commission canadienne pour l’UNESCO qui a parlé de discrimination et de l’importance de respecter les différentes cultures. C’était très enrichissant d’entendre Anne-Sophie Ruest-Paquette parler de l’inclusion et du respect de la diversité affective, sexuelle et de genre dans les écoles.
Un symposium qui attire tous les acteurs de l’éducation publique en Ontario, et la place des jeunes dans tout ça?
La perspective jeunesse était vraiment mise en avant. Nous sommes de plus en plus invités à prendre la parole et nos opinions sont sollicitées. Nous abordons des sujets qui vont au-delà de l’éducation, comme la santé mentale et le bien-être. Après tout, l’éducation concerne principalement la jeunesse.
Durant ces rencontres et conférences, plusieurs défis de l’éducation publique ont-ils été soulevés par les participants?
Nous avons beaucoup discuté des ressources pour les francophones, estimant qu’elles sont insuffisantes. Par exemple, dans les programmes de baccalauréat international, les exercices de mathématiques sont généralement en anglais plutôt qu’en français. Un autre exemple concerne la difficulté des conseils francophones à retenir les élèves dans nos écoles, notamment ceux qui pratiquent la natation. Ils se tournent vers des écoles anglophones qui disposent souvent de meilleures installations. Les conseils anglophones bénéficient de plus de ressources et d’argent.
Un autre enjeu soulevé lors du panel est la peur du marché du travail chez de nombreux jeunes. Ils craignent de ne pas trouver d’emploi en français. Beaucoup souhaitent étudier le droit, la finance ou devenir médecin, mais mis à part l’Hôpital Montfort et certaines firmes d’avocats francophones, il n’y a pas beaucoup d’opportunités professionnelles en français. La plaidoirie en français et en anglais n’est pas comparable. Lors du symposium, nous avons rencontré une élève-conseillère venant du Nord de l’Ontario. En quittant sa petite ville francophone, trouvera-t-elle sa place ailleurs? Ça aussi, c’est un défi.
C’est pourquoi, lorsque nous voyons des politiciens francophones présenter leurs projets, nous sommes immédiatement inspirés et nous retrouvons de l’espoir. Mme Dumont, Mme Muse et M. Méhou-Loko ont tous travaillé au sein du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), ce qui est très rassurant.
Pour vous, qu’est-ce qui a été le plus marquant durant ces quatre jours de conférences et de discussions?
Plusieurs choses, mais je dirais que le manque de ressources en français est un gros problème. Peut-être que je m’en rends compte étant donné que je viens d’Ottawa, mais les défis varient selon les régions de l’Ontario. À Ottawa, les élèves du Consortium Centre Jules-Léger pour les malentendants rencontrent des difficultés importantes, ce qui est regrettable puisque nous sommes tous Canadiens et de la même province. Le simple fait de parler une langue différente nous prive de ressources. »