
Marie-Claude Bisson : « Pour les jeunes, c’est le moment de s’exprimer »

[LA RENCONTRE D’ONFR]
À 16 ans, Marie-Claude Bisson est devenue la 50e présidente de la FESFO. Engagée, passionnée, cette élève de 11e année au Collège catholique Mer Bleue, dans la région d’Ottawa, milite pour que les jeunes aient voix au chapitre sur les enjeux d’éducation, de langue et d’égalité. Entre deux réunions et mobilisations, Marie-Claude, qui a d’abord été représentante régionale, puis vice-présidente de la FESFO, trouve aussi du temps pour le théâtre, l’improvisation et la robotique.
« Qu’est-ce que représente pour vous cette nomination à la présidence de la FESFO?
C’est un très grand accomplissement. J’ai travaillé fort pour accéder à la présidence. J’étais auparavant vice-présidente, et cette nomination est pour moi l’aboutissement de tout mon parcours au secondaire, qui m’a menée à ce poste. C’est comme une échelle que j’ai gravie graduellement. Maintenant, je peux mieux représenter les jeunes de toute la province, faire connaître la FESFO et montrer ce qu’elle peut leur apporter.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous impliquer au sein de la FESFO?
En 9e année, j’étais déjà très impliquée dans les activités de mon école. Mon frère, qui était engagé à la FESFO à ce moment-là, m’avait dit ‘Hey, on a un événement, est-ce que tu veux venir?’ J’ai découvert ce qu’était la FESFO. Ce qui m’a accrochée, c’est le fait que tout est fait par et pour les jeunes, ce qu’on ne retrouve pas toujours dans notre milieu scolaire. C’est ce qui m’a motivée à continuer.

Quelles sont vos priorités à la tête de la FESFO pour les prochains mois?
Ma grande priorité, c’est de combattre les injustices qui affectent directement les jeunes en Ontario. Il y a des inégalités dans la qualité de l’éducation. Certains jeunes pensent que fréquenter une école anglophone leur donnera plus de ressources, et même plus d’opportunités. Et plusieurs n’ont même pas accès à une école francophone, ce qui est vraiment une énorme inégalité. Il y a aussi l’enjeu de l’insécurité linguistique : plusieurs jeunes n’osent pas parler en français, de peur d’être jugés pour la qualité de leur français ou leur accent. On doit briser cette barrière et dire : ‘Ça ne nous dérange pas comment tu parles français, on va juste t’accepter peu importe c’est quoi ton accent, on veut vraiment que tu parles notre langue.’
J’insiste aussi sur le manque de possibilités de poursuivre ses études postsecondaires en français dans la province, que ce soit pour intégrer une université ou un collège. On est souvent obligé de déménager pour y avoir accès et certains n’ont même pas cette chance.
Un autre enjeu pour moi est qu’il faut renforcer l’accès aux services en français, notamment dans les zones désignées, et s’assurer que les jeunes savent qu’ils ont le droit de les demander parce qu’on vit dans une province où le français est une langue parlée par la minorité.
Quelle place occupent les jeunes dans les décisions liées à l’éducation et aux services en français, selon vous?
Trop souvent, on a l’impression que notre voix ne compte pas, mais elle est essentielle. La FESFO existe justement pour porter nos préoccupations aux décideurs. Si nous, les jeunes, ne parlons pas pour nous-mêmes, personne ne le fera. On connaît nos besoins. Il faut juste prouver ce qu’on avance – par des sondages, des rapports, des données concrètes – pour qu’on nous écoute vraiment.
C’est maintenant notre moment de nous exprimer, surtout dans la situation dans laquelle on vit, où la politique est très intéressante. Les gens veulent nous écouter, c’est juste que parfois c’est difficile d’aller chercher les jeunes parce qu’on vit tellement dans un âge numérique qui n’est pas très similaire à celui d’autres générations. Il faut aller chercher les jeunes.

Quelle réalisation récente vous inspire ou vous rend fière?
On travaille en ce moment sur un sondage sur l’état des écoles en Ontario. J’ai aimé contribuer à sa conception et j’ai hâte de travailler sur les rapports qui en découleront. J’ai aussi proposé de nouvelles idées d’activités et de rencontres virtuelles pour mieux mobiliser nos membres et aller chercher des nouveaux.
Qui est Marie-Claude en dehors de la FESFO?
Je suis une jeune leader très engagée dans ma communauté scolaire. Je fais du théâtre, de l’impro, et je suis passionnée de robotique. Je participe à des compétitions avec mon école. J’accorde aussi beaucoup d’importance à ma famille et à mes amis. J’essaie de bien gérer mon temps pour leur en consacrer aussi.
Est-ce qu’il vous reste du temps pour vous?
Évidemment, il faut toujours se garder un peu de temps pour être capable de prendre soin de sa santé mentale. Même si j’aime beaucoup être impliquée, parce que je suis encore un peu hyper active, je me consacre du temps, pour moi, ma famille et mes amis. C’est définitivement très important pour garder l’équilibre.
Y a-t-il une personne ou un moment qui vous a donné envie de vous engager pour la jeunesse francophone?
Oui. Lors de mon premier événement avec la FESFO, un membre de l’équipe d’animation nous a présenté les cinq principes de base de la fédération. Il a dit : ‘On fait ça pour vous et par vous.’ Cette idée m’a profondément marquée. Trop souvent, notamment dans notre milieu scolaire, on reçoit des activités, des programmes déjà faits. À la FESFO, on a la chance de les créer nous-mêmes.
Avez-vous rencontré des difficultés dans votre parcours?
Oui, comme tout le monde. Je viens d’une famille francophone, donc je parle français à la maison. Mais ce qui m’a marquée, c’est de rencontrer des jeunes qui ne parlaient pas français chez eux. Ça m’a fait réaliser la diversité des parcours dans la francophonie. Ce qui nous unit, c’est la langue, peu importe nos origines.
Que signifie pour vous être Franco-Ontarienne aujourd’hui?
Être Franco-Ontarienne aujourd’hui, ce n’est pas juste parler français, c’est se battre pour que la langue reste vivante pour les générations futures. Il faut assurer que nos enfants et les enfants après eux puissent aussi vivre en français ici.

S’il y avait une seule chose à changer pour les jeunes Franco-Ontariens, ce serait quoi?
Ce serait d’avoir plus d’occasions de parler français en dehors de l’école. Dans certaines villes, les jeunes n’ont pas ces opportunités. Il faut que le français soit aussi présent dans la vie de tous les jours, dans les loisirs, les activités sociales, pas juste en classe.
Dans dix ans, quelle trace voudriez-vous laisser à la FESFO?
J’aimerais laisser une fédération plus forte, plus diversifiée, mieux connue. Une FESFO respectée, dont la voix est entendue dans les grandes décisions, où les jeunes ont un vrai poids dans la balance politique.
Vous vous voyez faire de la politique plus tard?
Peut-être. C’est une option que je considère. Je n’ai pas encore décidé ce que je ferai après le secondaire, mais la politique m’intéresse. Parce que les gens qui sont en politique doivent être vraiment là pour écouter et changer les choses.
Quel message voudriez-vous transmettre aux jeunes de votre âge?
Impliquez-vous. En français. Dans les causes qui vous tiennent à cœur. Dénoncez les injustices. Vous avez du pouvoir.
Quel est votre coup de gueule?
Il y en a plusieurs. Mais le manque d’institutions postsecondaires en français, c’est un sujet qui me passionne. Il faut que les jeunes puissent étudier en français sans devoir déménager loin de chez eux.
Et votre coup de cœur?
Une égalité complète entre francophones et anglophones, ce serait mon rêve. Mais ça reste un objectif à atteindre. »
LES DATES-CLÉS DE MARIE-CLAUDE BISSON
2008 : naissance à l’hôpital Montfort à Ottawa
2023 : représentante de la région d’Ottawa à la FESFO
2024 : première ministre du Gouvernement des élèves de son école
2025 : élection à la présidence de la FESFO