Marinas, golfs, campings : une réouverture en rangs dispersés

Le golf de Kapuskasing a rouvert ses portes ce samedi avec des protocoles de sécurité adaptés pour éviter toute contamination. Gracieuseté

Le gouvernement a donné son feu vert aux loisirs de plein air à partir de ce week-end. Ce premier pas vers la reprise économique a provoqué un ouf de soulagement chez les responsables de marinas, golfs et autres campings, mais tous n’ont pas rouvert et les protocoles de sécurité divergent. L’objectif, lui, reste le même : sauver la saison, sans lésiner sur la sécurité. La COVID-19 ne doit pas passer.

« Ça fait quelques semaines qu’on se prépare : tout le monde est excité ».

Entouré de quelques bénévoles, André Robichaud ajuste les derniers couvercles sur son terrain de golf.

Ces petits dispositifs qui s’emboîtent dans les trous doivent permettre aux joueurs de sortir la balle avec trois doigts en évitant tout contact avec le drapeau et le sol.

Des idées astucieuses comme celle-là, le gérant du Club de golf de Kapuskasing en a tout un wagon. La COVID-19 n’est pas la bienvenue ici. Dès qu’il a su, jeudi dernier, qu’il pouvait rouvrir les portes, il a concrétisé un plan mûrement réfléchi.

« On a repensé comment les gens pourraient se divertir sans courir de risque. On a élaboré nos propres protocoles en s’appuyant sur les recommandations du gouvernement et de notre industrie », précise-t-il.

André Robichaud, gérant du Club de golf de Kapuskasing. Gracieuseté

Si la distanciation physique est une habitude dans la pratique du golf, il a tout de même veillé à allonger l’espace entre les temps de départ, instaurer une désinfection systématique des bâtons et voiturettes de location, supprimer les bancs et installer des stations de lavage des mains dans la boutique du club.

Sitôt disponibles en ligne, les réservations se sont envolées. La première journée de samedi a très vite affiché complet. Une situation bien loin d’être identique ailleurs en région, selon l’activité.

Tous les campings n’ont pas encore rouvert

À vingt minutes de route, le Camping Twin Lakes, à Moonbeam, est fermé. Ici, ce n’est pas la pandémie qui fait la loi, mais la neige. Les lacs sont encore gelés en plein mois de mai. Sa propriétaire, Joanne Guindon, prend les choses avec philosophie. Elle a fait son stock de masques et de désinfectant. Elle est prête. Mais pas la météorologie.

« Impossible d’ouvrir », affirme-t-elle. « Par endroits, il y a encore un pied de neige et plusieurs chemins sont encore inaccessibles. »

Un des lacs encore gelés du Camping Twin Lakes, à Moonbeam. Gracieuseté

Mais son inquiétude est ailleurs.

« On peut accueillir 50 voyageurs (contre 200 terrains réservés aux saisonniers), mais on ne peut pas garantir qu’on va les prendre. Si les restrictions continuent, ça va devenir une place pour les locaux. On ne sait pas à quoi va ressembler la phase 2 du déconfinement. Les voyages entre provinces seront-ils autorisés? On va devoir prendre bientôt une décision : est-ce qu’on garde le terrain pour ces voyageurs ou est-ce qu’on loue tout aux locaux? »

Le choix est d’autant plus délicat que la saison, encore plus courte que les autres années, doit impérativement fonctionner dès le départ. « On fait avec le peu qu’on a. »

Dans l’Est de la province, la dynamique est différente. Situé à Bourget, le Camping Paradis a ouvert ses portes, mais prévenu à l’avance sur son site web : piscines, aires de jeux et chapiteau sont fermés, la distanciation physique obligatoire et les événements annulés pour éviter tout rassemblement qui pourrait favoriser la propagation du virus.

À Bourget aussi, la saison sera courte. Chaque jour compte.

Marinas : « Quand ce n’est pas les inondations, c’est la pandémie »

Les saisons raccourcies, France Couture en connaît un rayon. Sa marina, toute proche de l’île Pétrie, à Orléans, a connu les inondations de 2017 et 2019. Ces épisodes de pluies diluviennes qui font sortir les eaux du lit de la rivière des Outaouais sont une catastrophe économique pour l’Est de l’Ontario.

« Depuis samedi, on autorise qu’une personne à la fois dans le magasin et les gens doivent nous avertir quand ils comptent utiliser la rampe d’accès à la rivière », prévient la gérante de la Marina Oziles. Ici, près de 160 bateaux attendent le retour de leur propriétaire.

La Marina Oziles, à Orléans, est gérée par France Couture. Gracieuseté

« Les gens appellent pour savoir si on est bien ouvert », explique Mme Couture. « Pour le moral, ça fait du bien à tout le monde de sortir sans se rassembler. En même temps, ils sont patients et très compréhensifs. On sait tous que ça va durer longtemps, et c’est correct : il faut bien prendre des précautions. »

Les locations de kayaks se sont enchaînées lors de cette première journée.

« On ne touche à rien lors de la mise à l’eau », poursuit-elle. « On a enlevé ces tâches aux employés pour ne pas prendre le risque d’être contaminé. Au retour des embarcations, on désinfecte tout. »

Elle s’interroge sur la suite de la saison. « Quand ce n’est pas les inondations, c’est la pandémie », résume-t-elle.

Étapes 1, 2, 3… saison abrégée et avenir incertain

Mme Guindon est tout aussi perplexe : « On ne sait pas à quoi ressembleront les prochaines étapes ni quand elles seront mises en place », confie la propriétaire du Camping Twin Lakes, dont l’accès à la plage risque de ne pas être autorisé et celui à la boutique étroitement contrôlé.

Le gouvernement a en effet opté pour un redémarrage progressif de l’économie en plusieurs étapes. La première étape actuelle doit s’accentuer mardi prochain avec, entre autres, l’ouverture des commerces de détail hors des centres commerciaux.

Joanne Guindon, propriétaire du Camping Twin Lakes. à Moonbeam. Gracieuseté

Dans cette première étape, « on n’a pas le droit d’ouvrir le bar et le restaurant », s’inquiète, pour sa part, M. Robichaud. « Ça représente 5 % de nos revenus nets annuels. C’est un bon 15 000 piastres en moins. Les vestiaires aussi sont fermés. C’est un autre 5 000 piastres. Ces revenus, on ne peut pas les trouver ailleurs. On doit couper. Il faut balancer nos choix constamment. »

Le patron du seul club de golf ouvert à deux heures de route à la ronde n’est pas certain d’attirer autant de membres que d’habitude (autour de 300).

« Le prochain mois sera critique pour voir où est-ce qu’on s’en va le restant de l’année », conclut-il.