Max Turmel est une élève non binaire. Iel a fait ses études au sein du CECCE maintenant étudiant à l'Université de Colombie-Britannique. Crédit image : Stéphane Bédard

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

OTTAWA – Aujourd’hui dans l’Ouest canadien, Max Turmel reste impliquée auprès de la communauté LGBTQ+ et francophone. Récipiendaire de plusieurs prix pour son leadership et son engagement, Max Turmel a proposé et a mis en place plusieurs projets au sein de son ancien conseil scolaire, le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE). Max Turmel s’est démarquée en proposant un nouveau code vestimentaire dans son école et en faisant avancer le dossier sur les salles de bain non binaires.

« Vous avez été récipiendaire du prix jeunesse durant les Prix Bernard Grandmaître cette année, quelles ont été vos réalisations pour en arriver là? 

Je ne sais pas trop, c’est vrai que je me suis impliquée comme élève conseillère au RECFO, le Regroupement des élèves conseiller et conseillères francophones de l’Ontario. Je suis devenue présidente en 2022 – 2023.

J’ai fait avancer quelques projets, par exemple la mise en place du drapeau progressif au lieu de celui arc-en-ciel. Je faisais partie du comité diversité queer et du comité d’éducation inclusive au conseil de mon école. J’aidais à planifier les événements, à organiser des panels, des discussions, portant sur l’expérience queer etc.

On avait aussi un projet de salles de bains non genrées dans toutes les écoles du CECCE. C’était vraiment un projet pour toutes les écoles de notre conseil parce que c’est un sujet dont on avait parlé à la table politique. Ça n’a pas non plus été hyper abordé parce que je peux comprendre que quand les gens ne viennent pas de cette communauté, ils n’ont pas l’expérience de la non-binarité. 

J’ai discuté avec certains élèves à travers les écoles pour voir lesquelles avaient des salles de bains non genrées et celles qui n’en avaient pas. Même si ce n’est pas encore en place, je sais que ce projet est toujours en cours.

Pour moi c’était important de pousser ce projet davantage et de représenter la voix des jeunes queers à l’école secondaire.

Max Turmel est récipiendaire du Prix Jeunesse de l’année, lors des récompenses des Prix Bernard Grandmaître, organisés par l’ACFO Ottawa. Crédit image : Stéphane Bédard

Depuis cette année je suis en Colombie-Britannique à l’université et je me suis engagée dans le Conseil francophone jeunesse de la Colombie-Britannique. C’est un peu comme la FESFO.

En quittant Ottawa, c’était important pour vous de ne pas lâcher les combats pour les minorités francophones? 

Mais complètement. Et c’est une situation qui est amplement différente. Ça vient avec des défis différents, c’est encore un autre niveau, encore plus minoritaire.

Vous avez aussi été à l’origine du nouveau code vestimentaire dans les écoles du CECCE, après le « blitz » de l’école secondaire catholique Béatrice-Desloges à Orléans?

Oui, j’étais élève dans cette école au moment de cet évènement. C’est le plus grand dossier auquel j’ai participé. Il y a eu de grandes tensions dans notre école les jours suivant la protestation et aussi même avant. Les gens étaient prêts à exploser concernant ce sujet. Il y avait beaucoup de colère dans les couloirs. J’ai donc aidé à l’établissement d’un code vestimentaire non genré dans le conseil. 

Max Turmel était l’instigatrice du changement de code vestimentaire au sein de son Conseil scolaire en 2022. Gracieuseté

J’étais déjà inconfortable avec le code vestimentaire, moi aussi. Je sais aussi que je n’étais pas seule. L’école visait beaucoup de gens qui s’identifiaient filles, mais il y avait beaucoup de laissez-passer pour les gens qui s’identifiaient comme des garçons. C’était quelque chose qui a été abordé à plusieurs reprises et c’était difficile pour les jeunes, mais encore plus pour les personnes trans et non-binaires. Le code était très binaire, en deux catégories, pour les filles et pour les garçons. Aujourd’hui, avoir un code non genré permet de s’exprimer comme on veut, avec le vêtement que l’on veut et en suivant un code. C’est l’expression de soi à travers un code vestimentaire qui respecte les jeunes dans leurs choix. 

Le conseil scolaire de votre ancienne école est un conseil scolaire catholique, avez-vous eu l’impression qu’il manquait d’ouverture sur ces sujets de diversité et d’inclusion?

On a beaucoup de préjugés comme quoi c’est trop traditionnel ou pas assez avancé parce que la société avance rapidement. Mais je peux voir qu’ils font vraiment de leur mieux. C’est beau à voir parce qu’ils ont un comité de diversité et inclusion qui est fait pour la communauté. La seule chose que je souhaite, c’est qu’il y ait plus de «  pour et par  », qu’on ait plus de représentation dans notre conseil. Ils sont super ouverts d’esprit, ils sont vraiment prêts à travailler, donc je suis sûre qu’ils sont prêts à écouter n’importe quel élève de la communauté. 

Pensez-vous que les écoles et les conseils scolaires sont quand même outillés en 2023 pour soutenir les communautés, qu’elles soient trans, non-binaires ou queers? 

Je pense qu’on pourrait toujours en faire plus. Surtout que nous avons des événements, on a des journées à thème, des ateliers, des panels, etcetera. Mais ce qui nous manque vraiment, je trouve, c’est le soutien en santé mentale. Quand il est question de dysphorie de genre, de crise d’identité. Nous avons des conseillers qui sont formés en santé mentale dans les écoles, mais ces dossiers-là sont beaucoup plus difficiles. Il faut vraiment avoir une certification pour travailler là-dedans. C’est aussi difficile de trouver des gens qui peuvent faire ça dans les écoles. 

Puis après, les enseignants ont beaucoup de travail, mais je trouve que de parler des pronoms, puis le mettre en avant pour les élèves, c’est un minimum. 

Max Turmel est à l’aise avec les questions sur son identité, et préfère un pronom non genré. Crédit image : CECCE

Parler de leurs noms, les noms qu’ils préfèrent, puis s’assurer de ne pas utiliser le mauvais nom. Toutes ces petites affaires-là, c’est le minimum pour chaque enseignant. Le but, c’est de rendre les élèves confortables en classe, parce que s’ils ne le sont pas, ils ne peuvent pas apprendre.

Comment sensibiliser la communauté au sens large aux réalités des communautés LGBTQ+ ? 

À notre école, pour sensibiliser un peu les parents et les élèves, on avait fait un projet de témoignage anonyme des élèves, selon leur expérience queer à l’école et à la maison. Des gens de la communauté, hétérosexuels ou alliés, lisaient ces messages à voix haute, puis on les a enregistrés pour voir leur réaction. On a passé cette vidéo au conseil et ça a été vraiment une expérience qui a ouvert les yeux de plusieurs personnes.

Je pense que pour les parents, ça pourrait être une idée de leur montrer la dure réalité des élèves. À la fin de la journée, peu importe le côté, les parents s’occupent de leurs enfants, c’est leur priorité. Je pense qu’ils pourraient mieux comprendre et savoir ce que leurs enfants traversent de cette manière. 

Comment voyez-vous la langue française dans l’affirmation de votre identité non binaire?

Oh my God ! Mon pronom préféré est «  iel  », mais le nombre de fois où les gens se posent la question de comment accorder au masculin ou au féminin ou les deux, ou encore le point médian (Rires).

Le français est une langue très, très, très traditionnelle. C’est beaucoup plus facile en anglais. Je constate de plus en plus de gens de la communauté qui parlent en anglais, plus qu’en français, justement parce que la langue est plus inclusive. Je vis ce problème-là.

En mars 2023, Max Turmel a participé au Sommet sur le climat positif à Ottawa. Avec le directeur de son école, Max a fait une présentation de l’Alliance Gay-Straight pour apporter une perspective étudiante. Gracieuseté

Pensez-vous que l’on va réussir à trouver des alternatives qui vont être fonctionnelles en français?

Oui. J’espère vraiment, oui. Parce que la société avance vite. C’est n’est même pas une question pour moi, le français va trouver un moyen de s’adapter à notre monde d’aujourd’hui.

Comment avez-vous fait votre coming out lorsque vous étiez au secondaire?

C’est sûr que j’ai eu des résistances. J’ai fait mon coming out officiel à la table politique du CECCE. Mon nom préféré est Max. Ce n’est pas le même nom que j’utilisais auparavant. Donc, c’était vraiment un gros changement, il y avait beaucoup de questions. Pas des questions méchantes ou rien. C’était juste maladroit. Moi, je suis ici pour expliquer aux autres. Pour moi, ça me fait vraiment plaisir. Mais c’est sûr qu’il y a eu beaucoup de commentaires auxquels j’ai eu à faire face à mon école, notamment beaucoup de micro-agressions.

Par exemple, à l’école, quelqu’un m’avait dit : «  Ok, donc tu veux vraiment attirer l’attention  ». 

Puis déjà que chaque personne se pose beaucoup de questions telles que «  est-ce que je suis vraiment trans?  », «  est-ce que je fais semblant?  », «  est-ce que je suis un imposteur ?  » etc.

Toutes ces pensées-là, on les vit déjà. Donc le fait d’être jugé par d’autres personnes, ça en rajoute. C’est ça qui arrive quand tu fais un coming out, c’est malheureux, mais il faut se préparer mentalement à recevoir des commentaires ou des résistances comme ça.

Dans son école, Max Turmel a appuyé le changement du drapeau Arc-en-ciel pour le drapeau progressif. Gracieuseté

À travers cette expérience, cette belle aventure, c’est sûr qu’il y a des personnes qui voulaient que j’aie une apparence non-binaire. J’ai souvent eu le feeling que je devais prouver aux gens qui j’étais et m’habiller le plus androgyne possible. Montrer que je ne suis pas homme et que je ne suis pas femme, je suis entre les deux. 

J’ai vraiment eu un soutien génial de la part de ma grande sœur et de ma mère, qui me disait : «  No matter what you’re doing, you’re doing your best. »

Que diriez-vous aux personnes cisgenres qui se posent des questions ou qui voudraient en apprendre un peu plus, mais qui sont gênées ?

La communication, c’est très important. Il ne faut pas avoir peur de poser des questions et de se reprendre si on se trompe de nom. Ce n’est pas grave. 

Aujourd’hui, vous êtes à l’université, vous avez 18 ans, vous cherchez-vous encore ? 

Je pense qu’il y a une façon de vivre avec le fait que je ne vais jamais être 100 % confortable avec mon identité ou 100 % définitive, mais je pense que je vais rester confortable avec qui je suis. C’est comme ça. 

En 2022-2023, Max Turmel était présidente du Regroupement des élèves conseiller.ère.s francophone de l’Ontario (RECFO). Gracieuseté

Je vais continuer à m’impliquer et, ici à Vancouver, il y a déjà un gros système de soutien pour la communauté queer, même à l’université. Je participe à des groupes de discussion thérapeutiques à propos de la communauté. Il y a plein d’autres initiatives à venir, mais je n’ai pas FrancoQueer, c’est plus difficile à trouver. »


LES DATES-CLÉS DE MAX TURMEL :

2005 : Naissance à Ottawa

2017 : Première parade de la Fierté à Ottawa

2021 : Coming out à la table politique du CECCE

2022 : Instauration du nouveau code vestimentaire au sein du CECCE

2023 : Prix Laurier Jeunesse Bernard Grandmaître

2023 : Présentation à l’Alliance Gay-Straight au Sommet du climat positif

2023 : Bourse Loran pour l’engagement et le leadership