Mélanie Danna, Giants of Africa et sa mission qui dépasse le cadre du basket

[LA RENCONTRE D’ONFR]
TORONTO – Mélanie Danna est Directrice principale, Stratégie et Opérations chez Giants of Africa (GOA), une organisation fondée par Masai Ujiri en 2003. GOA accompagne les jeunes de différents pays d’Afrique dans leur développement personnel en leur offrant des infrastructures, des camps et des ressources. À travers le basketball, l’organisation transmet des valeurs essentielles comme la discipline, l’esprit d’équipe et la résilience, formant ainsi de futurs leaders dans leur communauté.
Pour ONFR, elle revient sur son parcours, depuis la France jusqu’à Giants of Africa, en passant par les Raptors 905, et partage son engagement au sein de l’organisation. Elle évoque les actions menées par GOA, l’impact de ces initiatives sur les jeunes, ainsi que la manière dont son travail façonne son quotidien, entre passion, défis et engagement personnel.
Quel est votre rôle au sein de Giants of Africa?
« Mon rôle, c’est de superviser toute la construction de A à Z des terrains de basket. Je suis aussi responsable du programme du réseau des anciens. Depuis la création de l’organisation, on a une base de données des anciens participants aux programmes, on leur permet d’avoir du mentorat et des ressources pour réaliser leurs projets.
Les camps, les terrains et les anciens membres sont vraiment mes trois axes prioritaires, sachant que les terrains sont notre grand projet actuel. Le but est de construire 100 terrains de basket en Afrique. Il n’y a pas de date limite d’expiration, mais quand on y arrivera, on sera super content. Et si on peut toucher le plus de pays possible, tant mieux.
Dernièrement, un terrain a été construit à Toronto. Est-ce que vous avez mené d’autres actions au Canada notamment pendant le Mois de l’Histoire des Noirs qui vient de se terminer?
Au Canada, nos actions principales se font en partenariat avec MLSE. Nous avons construit des terrains à Edmonton, Toronto et prochainement à Halifax avec leur soutien. Pour ce qui est du Mois de l’Histoire des Noirs, nous avons travaillé avec les Raptors 905 sur le design de leur maillot, conçu par notre directeur artistique. C’est notre contribution, mais nous n’avons pas nécessairement mené d’actions spécifiques autour de ce mois. Pour nous, c’est un engagement quotidien, et il est essentiel d’éduquer en permanence.

Quel était votre rapport au sport dans votre jeunesse? A-t-il toujours fait partie de votre vie?
J’ai commencé l’athlétisme très jeune, probablement à l’école primaire. J’ai toujours adoré l’athlétisme ainsi que d’autres disciplines sportives. Regarder les Jeux olympiques était pour moi un événement incontournable, tout comme les championnats du monde. Je suis une véritable passionnée de sport. J’ai poursuivi des études avec l’objectif de devenir journaliste sportive.
Qu’est-ce qui vous a fait quitter cette idée de devenir journaliste?
Après mes études de commerce, j’ai poursuivi un master en journalisme. Toutefois, je me suis rendu compte que je préférais être au cœur de l’action et travailler dans les coulisses plutôt que de simplement rapporter les événements.
J’ai alors rejoint le club de basket de Lille, qui venait d’accéder au niveau professionnel et cherchait son premier employé pour structurer l’organisation. J’étais responsable des partenariats, des bénévoles, de la billetterie, du merchandising et de la communication, autrement dit, de la mise en place de toute l’organisation du club. J’ai adoré cette expérience.
Par la suite, j’ai été recrutée par la Ligue nationale de volley à Paris pour travailler sur la promotion, les partenariats et le développement du volley en France. Je collaborais avec 40 clubs professionnels pour favoriser la visibilité et la croissance de ce sport. J’ai beaucoup travaillé avec les sponsors et les médias.
Comment l’idée de venir au Canada et de quitter cette vie est arrivée?
Le volley n’était pas ma passion première. J’ai donc commencé à réfléchir à un changement de voie, et un ami m’a parlé du visa PVT (Programme Vacances-Travail) pour le Canada. J’ai saisi cette opportunité, et en trois mois, j’étais partie sans projet défini, simplement avec la volonté d’essayer quelque chose de nouveau.
Je pensais que mon expérience me permettrait de trouver un emploi rapidement, mais ce ne fut pas le cas. J’ai mis six mois avant d’intégrer la Fédération canadienne de volleyball, une expérience facilitée par mon passé à la Ligue nationale de volley en France. J’y ai travaillé sur l’organisation d’événements internationaux avec les équipes nationales masculines et féminines.

Comment avez-vous finalement rejoint les Raptors 905 puis Giants of Africa?
Lorsque j’étais à Ottawa, je voulais absolument retourner à Toronto et intégrer l’organisation des Raptors. Après mon retour, j’ai eu l’opportunité de rejoindre les Raptors 905, l’équipe affiliée des Toronto Raptors en G-League. Mon rôle était axé sur le développement communautaire, la visibilité de l’équipe et l’engagement des joueurs au-delà du basket. Nous travaillions avec des hôpitaux, des écoles et des associations caritatives pour renforcer notre impact.
Avec la pandémie, les actions communautaires sont devenues très difficiles. Pendant cette période, j’étais en congé maternité, ce qui m’a permis de prendre du recul. À mon retour, Masai Ujiri m’a proposé de rejoindre Giants of Africa pour travailler sur le développement des terrains de basket, un projet qui m’a immédiatement passionnée.
Quels sont les défis que vous rencontrez sur le terrain pour la construction de ces infrastructures?
Nous faisons face à plusieurs types de difficultés : culturelles, politiques, économiques et géographiques. Par exemple, au Burkina Faso, en raison de l’instabilité politique, nous avons dû repousser des événements à cause d’un coup d’État.
Sur le plan économique, certaines régions n’ont pas la main-d’œuvre qualifiée pour la construction des terrains. Dans d’autres pays, comme la Somalie, il existe des barrières culturelles, notamment concernant la participation des femmes au sport. Nous avons donc construit un terrain à l’écart des regards pour permettre aux jeunes filles de pratiquer sans crainte.
Enfin, certains terrains sont difficiles d’accès. Par exemple, dans le village des parents de Dikembe Mutombo, il a fallu transporter du ciment et d’autres matériaux de construction sur de longues distances.
Quelle était votre relation avec l’Afrique avant de travailler pour GOA?
Je pense que le rapport à l’Afrique est totalement différent au Canada par rapport à celui que nous avons en France. En raison des relations coloniales, nous avons une connaissance profonde de l’Afrique, un lien qui est ancré dans notre culture. J’y suis allée plusieurs fois en tant que touriste et j’ai étudiée dans un lycée européen public qui était très diversifié sur le plan culturel.
Étant Guadeloupéenne, j’ai toujours eu de nombreux amis venant de divers pays africains : Rwanda, Congo, Sénégal, entre autres. Cette diversité m’a permis d’avoir une bonne connaissance de l’Afrique avant même d’y travailler directement. Pouvoir rejoindre Giants of Africa a donc été un véritable rêve, car cela me permet d’explorer différentes cultures en étant directement au contact des communautés locales.
Contrairement aux voyages touristiques où l’on reste souvent dans les hôtels, ici, nous sommes immergés dans le quotidien des populations locales, ce qui m’a permis d’apprendre encore davantage.

Comment gérez-vous l’équilibre entre votre travail très prenant et votre vie de famille?
Je dirais que mon équilibre n’est pas parfaitement ajusté, car je ne considère pas mon travail comme un simple emploi. J’ai l’impression que cela fait partie intégrante de ma vie. Mon mari comprend parfaitement cela. Il n’y a pas de véritable séparation entre ma vie personnelle et mon travail, car tout est profondément lié à ce qui me motive au quotidien.
Certaines personnes pourraient voir cela comme un déséquilibre, mais pour moi, c’est simplement une continuité naturelle de mon engagement dans Giants of Africa.
Qu’est-ce que l’expérience avec les Raptors 905 et Giants of Africa vous a apporté?
Travailler pour une organisation professionnelle sous l’égide de la NBA et avoir Masai Ujiri comme leader pousse à l’excellence et au professionnalisme. Intégrer une telle structure m’a appris à être irréprochable en permanence et à toujours performer au plus haut niveau.
Masai a cette vision d’excellence qui m’a marquée dès mon passage aux Raptors 905 et que je continue à développer aujourd’hui avec Giants of Africa. Il y a un véritable lien entre les Raptors, les Raptors 905 et Giants of Africa.
J’ai également développé des relations avec plusieurs joueurs français impliqués dans Giants of Africa et la Basketball Africa League. Mon réseau s’est étendu considérablement grâce à mes expériences et à mes différentes collaborations, notamment avec mon mari, qui a aussi travaillé dans le monde du basket universitaire et professionnel en Afrique. »

LES DATES-CLÉS DE MÉLANIE DANNA :
1985 : Naissance le 9 juillet à Lille en France
2003 : Commence a travailler bénévolement lors de compétitions d’athlétisme en parallèle de son rôle de pigiste a La Voix du Nord
2009 : Elle devient la première salariée administrative du Lille Métropole Basket (Pro B)
2014 : Elle déménage au Canada et rejoint la Fédération canadienne de Volley
2017 : Elle renoue avec le basketball au sein des Raptors 905
2020 : Elle donne naissance a sa fille Nala
2021 : Obtention de la nationalité canadienne et débuts avec Giants of Africa