Justin Serresse, une philosophie inspirante sur et en dehors des terrains de basket-ball
[LA RENCONTRE D’ONFR]
WATERLOO – Entraîneur en chef et directeur général de l’équipe masculine de basket-ball de l’Université Wilfrid-Laurier depuis 2016, Justin Serresse n’était pas prédestiné à exercer ce métier. De ses débuts en tant que jeune basketteur en Normandie (France), en passant par ses années à Ottawa puis à Waterloo, ce Franco-Ontarien d’adoption nous raconte son parcours et sa philosophie de vie qu’il a développée au fil des ans et qui lui permet de gérer toutes les situations qui se présentent à lui, même les plus difficiles.
« D’où vous est venue la passion pour le basket?
Cela remonte à 1996, les finales NBA. J’avais un ami qui avait Canal +, la chaîne en France qui diffusait les matchs. Il m’a montré les affrontements entre les Bulls et les Supersonics. J’ai beaucoup accroché, surtout sur Scottie Pippen, qui était un joueur élégant et collectif. C’est aussi l’ambiance qui m’a fait aller au basket. J’avais essayé le foot et je n’avais pas du tout aimé. J’adore le foot, mais l’ambiance dans les deux clubs où j’ai essayé de jouer c’était une catastrophe.
J’ai trouvé de la bienveillance dans le basket. C’était encore un sport amateur, mais aussi un sport de passionnés, tu ressentais ça chez les gens. J’ai croisé des entraîneurs qui étaient de belles personnes et ont tous eu de belles carrières professionnelles ensuite. Ils m’ont transmis l’amour du basket.
Vous avez en plus grandi du côté de Rouen en Normandie, une vraie région de basket…
C’est vrai! À l’époque, Tony Parker et ses frères étaient dans mon club. J’ai joué avec Pierre, le petit frère de Tony. Il y a une vraie culture basket là-bas. Pierrick Poupet qui vient d’être nommé entraîneur de l’ASVEL (équipe historique de Lyon), c’est quelqu’un que je connais bien. Toutes ces personnes étaient nos « grands » et ils ont fait une carrière derrière. On peut voir qu’il y avait une grande passion pour le basket en Normandie, une vraie culture qui perdure aujourd’hui.
Comment êtes-vous arrivé à cette envie d’être entraîneur, l’aviez-vous très jeune?
C’est arrivé par hasard. Après, j’étais déjà un joueur plus tourné vers le collectif que dans l’individualisme. J’ai toujours été passionné par le travail de groupe, être au service du collectif, être en mission avec les gars. C’est mon côté famille et rassembleur. Je pense que ce sont des qualités qui font un entraîneur. Au fond de moi, il y avait une âme d’entraîneur mais je n’y avais jamais pensé.
C’est lorsque je suis parti faire mes études au Canada en management du sport, que je me suis un peu lancé dans le coaching avec l’Université d’Ottawa, où je faisais mon master. J’avais un rôle dans le développement des joueurs. Je faisais beaucoup cela parce que j’avais trouvé que c’était quelque chose qui m’avait manqué en France.
Vous avez dit que c’est venu par hasard, à quoi vous destiniez-vous avant cela?
Au départ, je voulais devenir agent, mais j’ai été un petit peu découragé par le métier. Devenir agent à 18 ans sans avoir de connexions et sans avoir vraiment d’argent pour se lancer, c’était difficile. J’avais besoin de vivre et de payer mes études. Le coaching était plus sûr pour moi car je me faisais payer.
Comment votre carrière a-t-elle décollé?
Après deux ans, j’ai été promu en tant qu’assistant principal. L’entraîneur en chef James Derouin m’aimait bien. Il a vu que j’étais passionné, que je me donnais à fond, que j’étais vraiment professionnel et, en plus, porté sur les détails. Il s’est vite rendu compte de mes qualités de leadership et qu’il pouvait compter sur moi.
On a fait quatre ans ensemble durant lesquelles on s’est qualifié pour quatre championnats nationaux, deux finales d’affilée et on a gagné un championnat provincial. Ça m’a mis tout de suite le vent en poupe et les équipes nationales et provinciales ont commencé à me regarder, puis les universités se sont renseignées sur moi, car nos résultats m’ont donné pas mal de crédibilité. Entre temps, j’ai continué à faire des formations et à entraîner des équipes de jeunes l’été. Puis en 2016, j’ai eu l’opportunité d’avoir ma propre équipe universitaire à Laurier.
Comment jugez-vous vos résultats avec Wilfrid-Laurier sur toutes ces années?
Ça se passe vraiment bien. L’équipe grandit et on a des résultats satisfaisants. Nous avons vraiment coché toutes les cases en dehors d’une petite déception qui est d’avoir chuté deux fois à une marche de la qualification pour le tournoi national. C’est un objectif qui nous reste encore à atteindre, mais on a une belle évolution. Le plus important pour nous c’est de sortir des bons joueurs, mais aussi de belles personnes, des gens qui sont actifs et qui réussissent très bien dans leur vie professionnelle, que ce soit dans le basket ou autre.
Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie privée dans un couple où, tous les deux, vous travaillez et voyagez beaucoup?
Il faut avoir une certaine maturité pour pouvoir trouver un équilibre dans tout cela. Il faut savoir dissocier rapidement ce qui est important sur le moment de ce qui n’est pas important. Il faut aussi avoir une bonne hygiène de vie.
Comment faites-vous justement pour maintenir cette bonne hygiène de vie?
Je vais vous faire part de ma philosophie que j’ai matérialisé dans un projet que je viens de lancer et que j’ai envie de faire grandir. Elle est basée sur quatre piliers que j’appelle les 4H en anglais : be happy (sois heureux), be healthy (sois en bonne santé), be hungry (sois ambitieux) et be humble (reste humble).
J’essaie de vivre ma vie sur ces quatre aspects. Chaque jour, j’essaie d’impacter ma joie de vivre à travers des choses qui me rendent heureux, comme passer du temps avec ma famille, ma fille etc… Ensuite, je fais en sorte de rester en bonne santé physique à travers l’entraînement, la nutrition et en nourrissant mon cerveau avec des choses positives, saines pour ma santé mentale.
J’essaie aussi d’avoir des buts à court terme que ce soit dans mon travail au basket ou dans les investissements qu’on fait avec ma femme, ou à plus long terme dans mon plan de carrière. J’essaie d’avoir une vision holistique des mes envies en général. Enfin, être humble. C’est ne jamais oublier d’où on vient, qui on est et pourquoi on est là. Prendre le temps de penser aux gens autour de soi en les respectant et en leur donnant l’importance qu’ils méritent. Ce côté humain est très important pour moi.
Comment cela se matérialise concrètement dans votre vie?
Ça m’aide beaucoup à gérer ma vie, à apprécier les choses, apprécier ma fille, ma femme, mes amis. Oui me femme parfois doit partir, il y a des choses plus graves que ça, j’ai ma fille, j’ai des matchs. On trouve des solutions et on avance. C’est comme ça que je vois les choses, même si évidemment tout n’est pas toujours aussi cool.
Mais, voilà, c’est ça le vrai Justin. C’est un gars posé, réfléchi qui peut parfois monter rapidement en température, mais qui redescend et est capable de se réajuster par rapport à ses 4H. C’est quelque chose que j’ai envie de partager avec les gens à travers des ateliers, du coaching, peut-être un livre, un journal… Je me lance tout doucement, on vient de lancer ça la semaine dernière avec un Instagram, un logo et une marque.
Vous parliez de l’esprit du football qui ne vous avait pas plu, est-ce que ce côté humble et soucieux du monde qui l’entoure vient du monde du basket?
Je ne connais pas les autres sports, donc je ne dirais pas que c’est que dans le basket. Au fond, ce sont juste des valeurs humaines. J’aime bien être parfois seul dans ma bulle, mais je suis aussi un gars du peuple. Si je suis dans un environnement avec du monde autour de moi, je veux que les gens se sentent importants, qu’ils fassent ce qu’ils ont à faire en se sentant bien.
Je veux leur montrer que j’apprécie ce qu’ils font, que ce soit le chauffeur du bus qui nous emmène à la salle ou à l’hôtel ou le chef qui nous fait la cuisine. Je leur montre que je reconnais leur talent, je reconnais leur travail. Après, j’admet aussi que je ne suis pas non plus un ange. Il y a des gens aussi que je ne peux pas voir même en peinture et ça ils vont le ressentir. Mais jusqu’à ce qu’on me prouve le contraire, je vais assumer que tu es une belle personne.
Pour finir, vous êtes vous fixé des objectifs à long terme en tant qu’entraîneur?
Je dirais plutôt des objectifs de vie plutôt que des objectifs dans le coaching, qui n’est qu’une partie de ma vie et n’est pas une fin en soi. Ça fait 14 ans que je suis entraineur, on verra quand ça s’arrêtera car pour moi ça n’a jamais été une vocation. Ce n’est pas une destination finale. Ça fait partie de mon parcours et ça restera super important mais aujourd’hui – peut être que j’ai tort l’avenir nous le dira – je ne me vois pas faire 40 ans de carrière. Si je fais 20 ou 25 ans, ce sera déjà une belle carrière.
Je me vois plus soit dans le scouting, dans la direction d’une équipe ou pourquoi pas même agent. Ce n’est pas encore figé, mais ce sont des carrières que je pourrais embrasser à un moment donné. Après, comme je vous l’ai dit, il y a aussi ma philosophie de vie que je voudrais partager. Si ça fonctionne bien et que les gens accrochent, je pourrais aussi me concentrer dessus pendant un temps et le développer. J’aimerais finir ma carrière là-dessus. »
LES DATES-CLÉS DE JUSTIN SERRESSE :
1986 : Naissance le 3 août à Mont-Saint-Aignan en Normandie à côté de Rouen en France.
1996 : Il tombe amoureux du basket-ball en regardant les Bulls de Michael Jordan et Scottie Pippen.
2006 : Arrivée au Canada chez son oncle à Sudbury, le 23 août.
2006 : Il étudie la gestion et l’administration du sport à l’Université Laurentienne.
2010 : Il entre dans l’encadrement de l’équipe de basket-ball de l’Université d’Ottawa puis devient assistant principal de James Derouin.
2016 : Il est nommé entraîneur en chef de l’équipe de l’Université Wilfrid-Laurier.
2021 : Obtention de la nationalité canadienne.
Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.