Mesures d’urgence : enquête sous l’égide d’un juge franco-ontarien
OTTAWA – À la tête de la Commission sur l’état d’urgence qui démarre son enquête ce jeudi, Paul Rouleau doit décortiquer les raisons qui ont mené le gouvernement fédéral à déclencher les mesures d’urgence face au blocus du « Convoi de la liberté ». Le rapport et les recommandations finals sont attendus d’ici le 6 février 2023. Le compte à rebours est lancé.
« Conscient des délais serrés qu’impose la Loi sur les mesures d’urgence en ce qui a trait à la production de rapports, je suis déterminé à faire en sorte que le processus soit aussi ouvert et transparent que possible », avait donné le ton Paul Rouleau, avant l’été.
La Commission devra examiner et évaluer le fondement de la décision du gouvernement de déclarer l’état d’urgence, les circonstances qui ont donné lieu à cette déclaration, ainsi que la pertinence et l’efficacité des mesures choisies par le gouvernement pour répondre à la situation. À cette fin, le gouvernement est tenu par la loi, de donner accès à la Commission, tout document confidentiel.
Les audiences publiques, qui débutent ce jeudi, verront défiler 65 témoins durant cinq semaines, soit des représentants de la police, des organisateurs du mouvement de contestation, le premier ministre Justin Trudeau et sept de ses ministres.
Cette première journée débutera avec une déclaration du juge Rouleau suivie de présentations et des rapports sommaires offerts par les avocats de la Commission. Une série de tables rondes avec des experts de divers domaines liés au mandat de la Commission auront lieu dès le 28 novembre. Les audiences débuteront à 9h30 chaque jour et seront disponibles en ligne.
« Je suis convaincu qu’avec la collaboration de toutes les parties, les audiences fourniront un processus juste et rigoureux pour la présentation de la preuve nécessaire pour que la Commission puisse donner au public les réponses auxquelles il a droit », a indiqué le juge Rouleau dans une déclaration.
Qui est Paul Rouleau?
Nommé juge à la Cour supérieure de l’Ontario en 2002, puis à la Cour d’appel de l’Ontario en 2005, M. Rouleau est un juge expérimenté. Juge adjoint à la Cour suprême du Yukon à partir de 2014 puis à la Cour de justice du Nunavut et à la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest en 2017, il est aujourd’hui président du Comité consultatif du procureur général de l’Ontario sur l’accès à la justice en français et membre du Conseil des gouverneurs de la Commission du droit de l’Ontario.
La Commission a en outre pour mission de réaliser un examen de politique générale du cadre législatif et réglementaire, afin de déterminer s’il y a lieu de modifier la Loi sur les mesures d’urgence.
Le premier ministre Justin Trudeau avait invoqué cette loi le 14 février dernier dans le but de déloger les manifestants qui occupaient le centre-ville d’Ottawa. Le premier ministre avait défendu le recours à cette loi, affirmant qu’ils étaient nécessaires d’offrir « plus d’outils pour rétablir l’ordre » aux autorités après près de trois semaines d’occupations et « d’activités dangereuses et illégales ».
Atteinte aux libertés individuelles?
Dès janvier dernier, des centaines de camionneurs s’étaient organisés en « convoi de la liberté » dans plusieurs provinces, avec pour objectif de rallier Ottawa et de grandes villes canadiennes.
Ce vaste mouvement opposé aux mesures sanitaires imposées aux routiers transfrontaliers s’était répandu à travers le pays, conduisant au blocus de la Capitale nationale, à des perturbations sur Pont Ambassador entre Windsor et Détroit, et à des manifestations dans plusieurs villes comme Toronto, Vancouver Winnipeg et Québec.
Utilisé pour la première depuis sa création en 1988, ce texte a conféré au gouvernement des pouvoirs extraordinaires aux policiers pour déloger des manifestants ainsi qu’aux banques pour geler les comptes d’individus sous contrôle judiciaire.
Si elle a plus ou moins contribué à la fin du siège de la capitale, après 24 jours de blocage, cette mesure a soulevé l’indignation d’une partie de l’opposition à l’époque, le Parti conservateur et le Bloc québécois la considérant comme une atteinte aux libertés individuelles et un abus de pouvoir. Dix jours plus tard, la Loi était révoquée.