Métro bilingue étudié à Toronto : pour « montrer l’exemple » au Québec
TORONTO – Le conseil d’administration de la Commission des transports de Toronto est unanimement en faveur de l’ajout du français sur les panneaux d’affichages du métro. Une mesure qui incitera le Québec à adopter le bilinguisme dans ses propres réseaux de transport, selon son vice-président.
« Si on veut pouvoir dire au Québec de ne pas avoir des panneaux unilingues, peut-être qu’on devrait se tenir debout en premier et montrer qu’on est assez grand pour le faire », a lâché l’avocat, Alan Heisey, vice-président du conseil d’administration de la Toronto Transit Commission (TTC).
Il a tenu ces propos publiquement lors de la dernière réunion du conseil d’administration, le 27 janvier dernier. « On pourra leur faire la morale », a-t-il ajouté, en faisant référence aux dirigeants québécois.
Celui qui agit à titre de président par intérim du conseil d’administration a dirigé les discussions entourant le bilinguisme espéré du réseau de métro torontois.
Ses collègues n’ont pas bronché après ses propos à l’endroit du Québec et ont voté à l’unanimité en faveur d’une motion pour que soit étudié les coûts et un échéancier pour l’introduction d’un affichage bilingue.
La TTC ne s’affiche pas en français, actuellement. Mais les trains de banlieues, financés par la province, diffusent des messages en français et ont un affichage bilingue. Me Heisey affirme qu’il est incompréhensible d’avoir de telles différences dans le réseau de transports en commun du Grand Toronto.
En entrevue avec ONFR+, Alan Heisey répète d’abord ses propos sur le Québec : « Nous ne pouvons pas faire la morale au Québec, en disant que nous sommes contre les panneaux unilingues, alors que c’est ce que nous avons chez-nous! », lance-t-il.
« Ne pas permettre l’anglais ou de le mettre en plus petit sur les panneaux, ça cache une insécurité des Québécois. On doit faire des affaires de la même façon et se montrer du respect l’un envers l’autre », dit-il.
Après quelques minutes de discussion, il change soudainement de position. « Je ne veux pas faire la morale à personne […] J’ai oublié si j’ai dit ça. Les rencontres sont intenses. Si j’ai dit ça, je m’excuse. Je veux montrer l’exemple, qu’il y a deux langues officielles au pays », lance-t-il.
Le simple fait d’avoir une discussion sur un métro bilingue à Toronto est « historique », dit-il.
Le Canada est un pays officiellement bilingue depuis 1969. Pourquoi soudainement rendre bilingue le métro de sa métropole, 51 ans plus tard?
Ce n’est pas étranger à la conseillère municipale Jennifer McKelvie, qui siège au conseil d’administration de la TTC. « Je suis fière de mes racines francophones. Ma famille est venue au Canada en 1671. J’ai une famille d’origine québécoise et la langue française est importante pour moi », explique-t-elle.
Depuis l’an dernier, elle préside le conseil consultatif francophone de la Ville de Toronto et elle souhaite faire avancer le français « dans tous mes comités ».
« Je crois que la question du bilinguisme dans les transports en commun à Montréal et à Québec est un sujet qui appartient à leurs décideurs », a-t-elle déclaré concernant les propos de son collègue.
« La discussion actuelle concerne notre système de transport, à nous. Je vais continuer à travailler à rendre la vie des francophones plus facile ici », a-t-elle ajouté.
« Pourquoi juste les panneaux du métro? »
La Commission des transports de Toronto a l’intention de faire une analyse du coût de l’implantation d’un affichage bilingue. Un rapport sera proposé d’ici quelques semaines à ce sujet au conseil d’administration de la TTC, qui devrait l’adopter, pour une mise en place graduelle au cours des prochaines années, selon les intervenants consultés.
Le militant torontois en matière de transport en commun, Alan Yule, croit que la société torontoise des transports ne va pas assez loin. Des panneaux bilingues devraient être installés dans le métro, mais aussi ailleurs sur le réseau et les messages vocaux devraient aussi être en français.
Il a fait une présentation intitulée « What the phoque » lors de la réunion de la société des transports et réitère sa position en entrevue avec ONFR+ : « La plupart des gens ne prennent pas seulement le métro! Ils utilisent aussi l’autobus et le tramway, il faut du bilinguisme partout ».
Une implantation progressive du bilinguisme pourrait se faire à bas coût, à son avis, en misant sur l’ajout du français lors du remplacement des panneaux. Et peut-être que d’autres langues devraient aussi être ajoutées dans certains quartier, dit-il.
Le conseiller municipal Denzil Minnan-Wong a avancé la même idée en janvier lors de la réunion de la TTC. Il croit que le français est un point de départ. « Si on est dans le quartier chinois, on peut avoir le français, mais aussi le chinois. Si on est dans le quartier de Yonge et Finch, alors avoir le perse et le coréen », a-t-il lancé.
Des internautes contre le bilinguisme
Des internautes ont réagi négativement à l’idée d’un métro bilingue à Toronto. « Je ne crois pas qu’on doit rendre tous les panneaux bilingues. Je ne pense pas qu’on doive changer Laurence West pour Laurence West/Ouest », a indiqué l’un d’eux.
« Avec tous les problèmes de la TTC, [le bilinguisme] est la dernière des priorités! », a renchérit un autre. À l’exception d’un commentaire sur twitter, tous étaient opposés à l’idée :
« Une perte de temps et d’argent. Je suis francophone et je dis : apprenez l’anglais si vous vivez ici », « Ça devrait être en chinois. Personne ne parle français à Toronto! », « l’argent ne pousse pas dans les arbres! »…
La société des transports de Montréal ne changera rien La société de transport de Montréal (STM) est catégorique : le français et l’anglais n’auront pas une place égale dans son réseau. « Nous n’avons pas l’intention de réviser notre politique linguistique puisque nous nous soumettons aux dispositions de la charte de la langue française », affirme Amélie Régis, porte-parole de la STM.« Nous nous soumettons aux dispositions de la Charte de la langue française qui indiquent que nous avons l’obligation de communiquer en français, sauf quand la santé et la sécurité publiques l’exigent. Pour répondre à cette exigence, nos messages sonores d’urgence et nos consignes de sécurité écrites (comme dans les voitures de métro ou sur les points d’assistance sur les quais des stations) sont dans les deux langues. Toutefois, nos communications courantes (affichage, campagnes à la clientèle, etc.) dans les réseaux bus et métro sont en français seulement », ajoute-t-elle.