Ministère des Affaires francophones : qu’est-ce qui va changer?

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TORONTO – Il faudra attendre quelque temps pour les détails du nouveau ministère des Affaires francophones de l’Ontario. Faute de contenu, quelques évidences s’imposent déjà, croient des universitaires et leaders francophones.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Une possibilité d’augmentation du budget

La ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a été pour le moins claire : il n’y aura pas d’augmentation du budget dans le court terme. La logique voudrait pourtant que des fonds soient ajoutés dans le ministère. « Si l’on prend le cas de l’indépendance du Commissariat aux services en français en 2013, on disait que ça allait être fiscalement neutre », résume le commissaire François Boileau. « Il y a eu pourtant des besoins immédiats. C’est sensiblement la chose qui risque d’arriver aux Affaires francophones. » Quelque 5 millions de dollars sont injectés annuellement dans le « nouveau » ministère. À titre de comparaison, le budget du Ministère des personnes âgées, devenu autonome en janvier dernier, verra son montant passer de 19,6 à 35 millions de dollars.

Des ressources humaines supplémentaires espérées

Si le budget du ministère des Affaires francophone est augmenté, il y aurait alors fort à parier que des employés supplémentaires se joindraient aux bureaux de Mme Lalonde. Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, voit là un signe d’efficacité. « Il pourrait y avoir des employés qui travaillent spécifiquement à quelques dossiers au lieu d’avoir de multiples dossiers. » Un coup de pouce important pour l’organisme porte-parole des francophones, au moment où celui-ci s’apprête à déposer prochainement son Livre blanc sur les médias, le troisième opus du genre cette année. Le ministère des Affaires francophones compte présentement 21 employés.

L’espoir d’une pérennité de la fonction

Créé dans la foulée de la Loi sur les services en français (LSF) en 1986, l’Office des Affaires francophones prend donc un peu plus de poids en devenant un ministère. « C’est une autorité qui va maintenant ajouter un certain dynamisme », croit la titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal. « Il sera maintenant plus difficile pour un gouvernement de revenir sur cet acquis. » Pour la politologue, l’idée que la (ou le) ministre en charge du poste ne puisse s’occuper que de cette fonction (l’OAF demeurait un ministère affilié), ne peut être qu’un « incitatif ». « La personne pourra ainsi se consacrer uniquement à cette fonction », fait part Me Boileau.

L’Ontario à l’avant-garde?

Avec la création d’un ministère autonome des Affaires francophones, l’Ontario semble se situer à l’avant-garde des provinces en milieu minoritaire. À l’exception de la Colombie-Britannique, toutes les autres possèdent au moins un secrétariat aux Affaires francophones. Le directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Michel Doucet, est même formel : l’Ontario a un cran d’avance en la matière sur le Nouveau-Brunswick, pourtant seule province officiellement bilingue. « Le Nouveau-Brunswick possède un ministre responsable à la Francophonie qui s’occupe de ce qui concerne la francophonie internationale. La Loi sur les langues officielles prévoit que le premier ministre est responsable des langues officielles mais il a délégué cette fonction à un ministre (…) Un ministère aux Affaires francophones, avec un mandat semblable à Patrimoine canadien, a été revendiqué notamment dans les années 1990, mais cela n’a jamais abouti, sans doute par peur de la réaction de la majorité. »

Un rapprochement de Wynne et de la communauté francophone?

Difficile de ne pas voir dans l’annonce de Kathleen Wynne un aspect « électoraliste ». C’est en tout cas l’avis de Linda Cardinal. « Il y a un mélange de symbolisme, de volonté électoraliste et aussi politique », résume-t-elle. « C’est un message positif qui prépare la prochaine campagne électorale ». Depuis quelques semaines, les libéraux multiplient les annonces pour les francophones. En témoigne le projet de loi de la députée Des Rosiers pour « reconnaître le caractère bilingue » de la Ville d’Ottawa ou encore la création d’un sous-ministre adjoint en langue française au Ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD), deux revendications de longue date des militants francophones.

Les francophones attendent du concret

« L’AFO souhaite que ce changement produira des résultats concrets pour la communauté franco-ontarienne ». La petite phrase de l’organisme dans son communiqué n’est pas anodine. Si l’heure est aux célébrations, il aurait fallu faire plus, et frapper plus fort, dès cette annonce, estime le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand. « Ça aurait été le moment idéal pour définir un mandat élargi, parler d’une reddition de compte ou de gestion transversale, mais rien de tout ça n’apparaît. » L’universitaire enfonce même le clou : « Il y a une dimension inappropriée à cette annonce, comme un appel du pied pour séduire les francophones à un moment où l’on attend toujours des annonces sur l’immigration francophone et le postsecondaire. »