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Nicolas St-Pierre : « L’occasion d’écrire une page d’histoire est bien réelle pour les Sénateurs »

Nicolas St-Pierre est la voix francophones des Sénateurs d'Ottawa à la description des matchs sur la radio locale Unique FM. Photo : gracieuseté de Nicolas St-Pierre

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI 

Nicolas St-Pierre est le descripteur officiel des matchs des Sénateurs d’Ottawa sur Unique FM. Passionné de hockey et véritable voix de la francophonie sportive en Ontario, il couvre avec rigueur et émotion les performances des Sénateurs. Avec son style vivant, ses analyses précises et sa grande connaissance du jeu, Nicolas St-Pierre est devenu une référence pour les amateurs de hockey francophones de la région.

LE CONTEXTE

De retour en série éliminatoire de la LNH pour la première fois depuis sept ans, les Sénateurs d’Ottawa sont opposés aux Maple Leafs de Toronto dans la Bataille de l’Ontario. Grands favoris, les Torontois ont pris les devants 3-0 dans la série avec deux victoires similaires en prolongation lors des matchs 2 et 3, où ils ont inscrit le but victorieux après un score de deux partout au terme du temps réglementaire. 

L’ENJEU

Dos au mur samedi soir, les Ottaviens ont évité le coup de balai (défaite 4-0) dans un scénario similaire. C’est, cette fois-ci, sur le score de 3-3 que les deux équipes sont allées en prolongation, mais c’est un but de Jake Sanderson pour les Sens qui a permis à Ottawa de rester en vie dans la série et de s’envoler pour Toronto afin de disputer une cinquième manche à l’aréna Scotiabank mardi 29 avril.

« Comment avez-vous vécu ce match 4 en tant que descripteur, notamment avec cette prolongation qui a rappelé les scénarios précédents?

Tout à fait, avec les deux matchs précédents terminés en prolongation du mauvais côté, il y avait une certaine appréhension. En séries, la prolongation est souvent un pile ou face. Avant le match 4, même les Sénateurs reconnaissaient qu’à 3-0, cela aurait aussi bien pu être 2-1 pour eux, tant les écarts étaient minces. J’ai vécu ce match de manière intense. Cela faisait longtemps que je n’avais pas ressenti une telle énergie en séries : le pré-match, l’ambiance, la foule… ça donne des frissons.

Quand la prolongation s’est amorcée, je me suis demandé si Ottawa allait encore subir le même sort, mais non. J’ai aimé la manière dont les Sénateurs ont joué : plus sûrs d’eux, déterminés, même contre une défensive torontoise extrêmement solide. Chapeau aux Leafs, mais Ottawa a mis les bottes de travail, et chaque opportunité a été maximisée. Cette victoire redonne confiance à l’équipe pour la suite de la série.

Comment analysez-vous cette série dans son ensemble, alors que le 3-0 initial ne reflétait pas totalement la réalité sur la glace?

La beauté d’une série 4 de 7, c’est qu’il faut gagner quatre fois, et décrocher la quatrième victoire est souvent le plus difficile. Avant le match d’hier, Toronto voulait clairement conclure rapidement. Maintenant, Ottawa commence à s’installer dans leur esprit. Les Sénateurs ont progressé dans des aspects critiques comme le désavantage numérique et les mises en jeu. Ce sont de petites victoires qui érodent la confiance de l’adversaire. Sans dire que ce sera facile, il y a désormais un doute du côté des Leafs. Si Ottawa parvient à forcer un match 6, toute la pression retombera sur Toronto, qui ressent déjà un énorme poids. À ce stade, l’avantage psychologique penche en faveur des Sénateurs.

La pression historique qui entoure Toronto, avec plusieurs échecs passés en séries, peut-elle jouer dans cette confrontation?

Absolument. Les Matthews, Marner et Nylander, qui portent ce maillot depuis plusieurs années, ressentent ce lourd héritage. Cela fait près d’une décennie que les Leafs sont censés tout gagner, et ils se sont systématiquement heurtés à un mur. Ils sont jugés uniquement sur leur performance en séries, et non sur leur saison régulière. Cela génère une pression colossale. On doit néanmoins souligner le travail du coach Craig Berube, qui semble avoir établi une très bonne relation avec son vestiaire. Mais malgré cela, mardi, l’environnement et les attentes du public torontois vont ajouter une pression supplémentaire énorme.

Selon vous, quelles seront les clés pour Ottawa afin de remporter le match 5?

Il faudra élever encore d’un cran l’intensité physique. Fabian Zetterlund m’avait confié avant le match 4 qu’il faudrait multiplier les efforts encore davantage pour ouvrir des lignes de tir. Cela veut dire accepter les coups devant le filet, aller au contact sans hésiter. Ridly Greig a montré l’exemple, mais il faudra que tout le groupe suive. Le trafic devant Stolarz est essentiel : on a vu hier qu’en le gênant davantage, il pouvait être ébranlé. Ce ne sera pas simple face à une équipe aussi structurée que Toronto, mais en ramenant plus de rondelles au filet et en s’imposant physiquement dans la zone dangereuse, Ottawa se donnera une réelle chance.

Nicolas St-Pierre est au cœur de l’action, il échange régulièrement avec les joueurs et le personnel d’entraîneurs des Sens. Photo : gracieuseté de Nicolas St-Pierre

Comment évaluez-vous la performance du natif de Hearst, Claude Giroux depuis le début de la série?

Claude Giroux fait un excellent travail. Il apporte toute son expérience et son leadership, essentiels dans un jeune groupe comme celui des Sénateurs. Même si les débuts au cercle de mise en jeu ont été difficiles dans cette série, il a rectifié le tir au match 4. Giroux reste l’un des meilleurs dans cet exercice en Ligue nationale. Son implication, son discours dans le vestiaire et sa capacité à guider les jeunes sont précieux. Il reste dangereux offensivement, comme en témoigne son but lors du match 3. Clairement, il est au sommet de la pyramide du leadership dans cette équipe et, suivant Claude depuis 2007, je sais à quel point il a encore cette flamme pour continuer.

Comment décririez-vous l’ambiance au Canadian Tire Centre pendant les séries, notamment face à la présence des partisans adverses?

Il y avait beaucoup d’appréhensions, car historiquement, les partisans des Canadiens ou des Maple Leafs étaient souvent majoritaires. Mais cette année, pour la première fois depuis longtemps, les fans des Sénateurs se sont vraiment approprié leur amphithéâtre. Lors du match 3, l’ambiance était électrique, intimidante pour Toronto. Certes, après la défaite, quelques billets ont changé de main et on a vu plus de chandails bleus au match 4. Mais globalement, les Sénateurs se sentent chez eux : l’énergie est au rendez-vous et cela donne énormément de force aux joueurs.

Jusqu’où pensez-vous que les Sénateurs peuvent pousser les Maple Leafs?

L’état d’esprit est de ne pas regarder toute la montagne, mais de franchir un palier à la fois. Mardi, l’objectif sera de gagner les petites batailles, tranche de cinq minutes par tranche de cinq minutes. Les Sénateurs ont les outils pour rivaliser. En saison régulière, ils ont démontré qu’ils pouvaient battre Toronto. Il faut revenir à cette recette et s’accrocher. Ils ont une vraie opportunité de sortir vainqueurs de Toronto et de provoquer un match 6. Ce ne sera pas facile, mais c’est tout à fait possible.

En NHL, est-il courant de réussir une remontée après avoir été mené 0-3 dans une série?

Non, c’est extrêmement rare. Cela s’est produit seulement quatre fois dans l’histoire. Claude Giroux faisait justement partie d’une de ces équipes, les Flyers de Philadelphie en 2010 contre Boston. C’est une expérience précieuse pour Ottawa aujourd’hui, car Giroux peut partager son vécu avec ses coéquipiers. Les chances sont minces, mais elles existent. L’occasion d’écrire une page d’histoire est bien réelle pour les Sénateurs. »