Culture

Nouvelle programmation pour le CNA, la dernière pour Alexander Shelley

Alexander Shelley signera sa 11e et dernière saison comme directeur musical de l'Orchestre du Centre national des arts (OCNA). Photo: Curtis Perry

OTTAWA – Le Centre national des arts (CNA) a dévoilé sa programmation 2025-2026 tôt jeudi matin. Mercredi soir, l’institution de la rue Elgin a également annoncé le départ du directeur musical de l’Orchestre du CNA (OCNA), Alexander Shelley. Sa 11e saison sera donc sa dernière.

Le CNA encense son chef d’orchestre dans le communiqué annonçant son départ. « Sous sa direction, l’Orchestre a assis sa réputation comme l’un des meilleurs ensembles de musique classique au pays, tissé des liens avec des publics divers et acquis une reconnaissance internationale à titre de partenaire innovateur pour les compositeurs et compositrices, les artistes, ainsi que les créateurs et créatrices du Canada. »

On rappelle notamment que l’OCNA a commandé plus d’une cinquantaine d’œuvres originales à des compositeurs canadiens et collaboré avec des artistes de différents domaines, dont le slameur franco-ontarien Yao.

Alexander Shelley a pris la barre de l’OCNA en 2015. Il avait alors 35 ans, ce qui en fait le plus jeune directeur musical de l’histoire de l’ensemble musical.

« Alexander Shelley est un chef d’orchestre exceptionnel et un collaborateur généreux qui a propulsé l’Orchestre du CNA vers de nouveaux sommets tout en plaçant les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada au centre de sa vision », affirme Cristopher Deacon, président et chef de la direction du CNA.

« Ce fut le privilège d’une vie de servir le Centre national des Arts et la musique canadienne (….) une partie de nous restera ici à jamais » affirme le britannique Alexander Shelley. Photo : Curtis Perry

L’OCNA a aussi réalisé plusieurs tournées internationales sous la baguette d’Alexander Shelley. Il s’envolera d’ailleurs pour la Corée et le Japon dans les prochaines semaines.

Né à Londres, en Angleterre, le chef d’orchestre a affirmé que son mandat « fut le privilège d’une vie » et qu’il est reconnaissant envers le Canada, où ses deux enfants sont nés.

« Et pour ce qui est des membres de notre remarquable orchestre : j’étais leur plus grand admirateur au début de mon mandat, et le temps n’a fait qu’approfondir mon amour et mon admiration. »

Une programmation ambitieuse pour tous les volets

En plus de l’OCNA, les cinq autres branches artistiques ont dévoilé leur programmation 2025-2026 : Danse CNA, Musique populaire et variété, le Théâtre français, le Théâtre anglais et le Théâtre autochtone. La saison marquera aussi le retour des Zones théâtrales, qui se déroulent tous les deux ans, et du Festival Big Bang, qui permet aux enfants de s’approprier le CNA le temps d’une fin de semaine.

Le volet Musique populaire et variétés du CNA prévoit notamment la venue d’Ariane Moffat et de Martha Wainwright.

L’autrice-compositrice-interprète québécoise Ariane Moffat sera au CNA le 16 octobre. Photo : Adem Boutlidja

Le volet Enfance/jeunesse du Théâtre français du CNA est dirigé pour la première fois par Amélie Bergeron. On y retrouvera le conte musical Baobab (3 à 8 ans). Les tout-petits profiteront de Sous la feuille (18 mois à 5 ans) et les enfants plus grands pourront assister à Va falloir toujours toujours (6 à 12 ans), « un spectacle philosophico-pop flirtant avec la danse ».

En entrevue avec ONFR, le directeur artistique du Théâtre français du CNA, Mani Soleymanlou, explique vouloir miser sur la grandiosité des possibles. Du Shakespeare en joual au match de lutte en alexandrins, il souhaite miser sur les expériences et la démesure.

« Notre slogan de saison, c’est Du beau gros théâtre, point. J’ai l’impression que c’est de ça dont on a besoin. » Il regrette que les costumes, maquillages et décors soient souvent les premiers à être mis de côté, faute de budget, et veut les remettre au-devant de la scène.

La saison du Théâtre français s’ouvrira avec le projet Nuits claires. Pendant un an, une douzaine de dramaturges francophones de partout au pays ont écrit leurs réflexions sur la nuit, dans le plus grand des secrets et en suivant des instructions mystérieuses. On pourra voir le fruit de leur travail sur scène pendant les Zones théâtrales.

Mani Soleymanlou est le directeur artistique du Théâtre français du CNA depuis septembre 2021. Crédit image : Rachel Crustin

Le CNA ayant un mandat pancanadien, plusieurs productions sont des collaborations avec d’autres compagnies et lieux de création. « Je suis directeur d’un endroit qui a beaucoup de privilèges, qui a les moyens pour tendre la main », explique M. Soleymanlou. On retrouvera de nouveaux visages, mais aussi des habitués du CNA, comme les metteurs en scène et ex-directeurs artistiques Brigitte Haentjens (Passion simple d’Annie Ernaux, interprétée par Julie LeBreton) et Robert Lepage.

Ce dernier présentera Macbeth, transposé dans un univers de motards criminalisés s’exprimant en joual. « Ça va être ludique. Ça va être fort. Toute cette charge de Shakespeare : le sang, la vengeance, les passions… tout ça va bien se marier avec cet univers des motards et cette langue très crue », croit Mani Soleymanlou.

Une autre proposition complètement éclatée est Agamemnon in the ring, qui mélange théâtre, lutte et comédie musicale, le tout en alexandrins, tout en gardant la langue québécoise. « On se fait avoir. Dès qu’on arrive dans la salle, on nous dit de huer les méchants et d’applaudir les gentils, comme dans un gala de lutte. Après 20 minutes, on est en train de hurler pour vrai », promet Mani Soleymanlou.  

Agamemnon in the ring est une création des Créations Unuknu en collaboration avec le Théâtre de Quat’Sous. Photo : Najim Chaoui

La création in situ Camions (fantômes de la liberté), de Mélanie Binette, entrainera le public dans les couloirs du CNA et rappellera le convoi de la liberté qui s’est déroulé à quelques pas de là, en 2022. « C’est une recherche très philosophique et sociale sur la notion de liberté, plus qu’un spectacle sur le convoi des camionneurs », tempère le directeur artistique.

Autre moment fort de la programmation, la création de Visages, d’Alexia Bürger, qui sera présenté pendant deux semaines, incluant la première mondiale. Le spectacle met en vedette Sophie Cadieux, Anne Marie Olivier, Madeleine Sarr et la Franco-Ontarienne Marie-Thé Morin.

Une résidence artistique de trois ans a été confiée à la compagnie Création dans la chambre, afin de produire une œuvre théâtrale d’envergure.

Les univers multiples de la danse

La directrice artistique de Danse CNA, Caroline Ohrt, veut montrer à quel point la danse peut aller dans tous les sens. S’il faut trouver un fil conducteur à la saison, on pourrait parler d’énergie et d’éclatement. Certains spectacles se donneront d’ailleurs dans des lieux extérieurs. Le domaine Mackenzie-King, dans le parc de la Gatineau, offrira le décor des Scénographies-Paysages : Ciel et Terre de Danièle Desnoyers. L’église du Centre Dominion-Chalmers accueillera le spectacle Tout ce qu’il reste, que Danse CNA a commandé au duo  montréalais Vías en collaboration avec la salle Bourgie / Danse danse et le Domaine Forget, « une rencontre danse et musique (qui) devrait être vraiment extraordinaire ».

De plus, Danse CNA présentera aussi une production shakespearienne de Robert Lepage, alors qu’on y verra Hamlet, mettant en vedette le danseur franco-ontarien Guillaume Côté.

Hamlet est une cocréation des compagnies Ex Machina (Robert Lepage) et Côté Danse (Guillaume Côté). Les paroles ont été retirés et c’est le danseur torontois qui porte l’histoire sur ses épaules. Photo : Sasha Onyshchenko

Plusieurs productions francophones font partie de la programmation, sans que ce soit un critère de sélection. Celle qui est elle-même francophone explique avoir surtout « un grand souci d’être pancanadienne » et inclusive.

De l’international, on retrouve entre autres le chorégraphe belge d’origine marocaine Sidi Larbi Cherkaoui. « C’est de toute beauté. Il arrive à faire quelque chose de personnel et à le rendre universel. Il parle de ses racines, il commente le vivre-ensemble, il fait un tour aussi dans des événements plutôt tragiques qui se passent dans le monde, notamment autour d’exclusions, mais il y a beaucoup de lumière. »

Dans Ihsane, Sidi Larbi Cherkaoui explore ses origines marocaines et ses identités multiples. Photo : Gregory Batardon

À ceux qui pourraient être intimidés par l’idée d’aller voir un spectacle de danse, Caroline Ohrt répond : « allez-y et n’essayez pas de tout comprendre. Laissez-vous porter. La danse, c’est l’émotion qui passe par le corps. » Elle invite les gens à regarder les vidéos promotionnelles sur le site web du CNA et à choisir « ce qui nous accroche, sans l’intellectualiser. »

Parmi les propositions les plus originales, le studio Babs Asper deviendra un Skatepark pour une chorégraphie sur planches à roulettes, une ode à la jeunesse de la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen.

La valorisation des langues au cœur du Théâtre autochtone

« Il est très important pour nous de représenter les expériences et les actualités autochtones, en anglais et en français, mais aussi dans les langues autochtones, affirme Lori Marchand, directrice administrative du Théâtre autochtone du CNA. Les efforts que nous faisons pour protéger les langues autochtones sont vraiment compris par nos collègues francophones. »

La saison du Théâtre autochtone du CNA s’ouvrira aussi pendant les Zones théâtrales avec Nigamon/Tunai, un « manifeste poétique » d’Onishka, la compagnie d’Émilie Monnet, rejointe sur scène par Wiara Nina. « Le public sera situé sur la scène et entouré par les éléments de la forêt », explique Lori Marchand.

Nigamon et Tunai signifient « le chant » en langues anishinaabemowin et inga. La pièce dresse un parallèle entre une forêt québécoise et colombienne. Photo : Antoine Raymond

Parmi les autres propositions francophones, on retrouve le « thriller politique et poétique » Tupqan | Nos territoires intérieurs, qui souligne les 40 ans d’Ondinnok, la plus vieille compagnie de théâtre autochtone au Québec, en collaboration avec Duceppe. Le spectacle est financé par le Fonds national de création du CNA. La pièce est présentement en développement avec des artistes comme Dave Jenniss, Soleil Launière et Charles Benders, « des artistes que nous aimons beaucoup ».

Un grand moment de la saison sera la présentation de Rose, dernier volet de la trilogie du « cycle de la réserve » de Thompson Highway. « Il a écrit la pièce en 1992. Ça a pris longtemps pour arriver à ce moment, cette première mondiale professionnelle. Ce sera un moment très important pour nous. »

La programmation complète 2025-2026 peut être consultée sur le site web du CNA. Il est possible de faire une recherche pour trouver spécifiquement le contenu francophone.