Les Franco-Nunavois s’inquiètent pour la survie de leurs organismes

Nunavut
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IQALUIT – Alors qu’Ottawa est en plein processus de consultations pour son Plan d’action pour les langues officielles, les francophones du Nunavut demandent au fédéral de modifier et rehausser son financement accordé aux organismes, arguant notamment des différences territoriales.

Au Nunavut, près de 1 600 personnes disent parler français, soit 4,4 % selon les données du recensement de 2016, ce qui représente une légère hausse par rapport à 2001. Mais c’est surtout le haut coût de la vie qui nuit à la rétention de locuteurs francophones.

« Pour pourvoir les postes, on a besoin d’un financement équitable pour pouvoir retenir nos employés ici. On se retrouve souvent à ne pas être compétitif en termes d’offres salariales pour les employés face au secteur privé ou le gouvernement. On est vraiment trop sous-financé pour pouvoir être compétitif », affirme le président de l’Association des francophones du Nunavut, Goump Djalogue.

Le président de l’Association des francophones du Nunavut, Goump Djalogue.
Le président de l’Association des francophones du Nunavut, Goump Djalogue. Gracieuseté

Pour pallier cela, Ottawa devrait augmenter le financement de base, estime de son côté le directeur général du Réseau de santé en français au Nunavut qui croit que ça améliorerait le niveau d’attraction.

« Les gens sont recrutés, mais ça ne dure pas longtemps. Ils travaillent un peu de temps et ensuite il retourne vers le Sud. Les gens ici sont découragés par le fait qu’on déborde d’idées ici et de choses à faire, mais on ne peut pas les faire », soupire Samir Gharbi.

Il donne l’exemple d’un médecin, qui pratiquait à l’hôpital local de Qikiqtani en plus d’effectuer les examens médicaux désignés par Immigration Canada auprès des nouveaux arrivants qui est parti ce mois-ci.

« Cela pose problème. Qui va être mis à sa place ou qui va encadrer les gens qui vont travailler là-bas à l’hôpital? Qui va faire les examens pour les nouveaux venus? Ça va aussi être un problème pour l’immigration. Tout ça, ce sont des problèmes que l’on ressent, mais malheureusement, les gens en bureaux ne le ressentent pas. »

Il souhaiterait pour la communauté de soins de santé francophone un financement plus stable, élevé et durable pour pouvoir notamment retenir plus d’étudiants en médecine. Le prochain Plan d’action doit aussi prendre note de réalités uniques au Nunavut, ajoute M. Gharbi.

« C’est un lieu isolé au niveau territorial. On est pratiquement accessible que par la voie aérienne et quand il fait mauvais temps, on est isolé. Tous ces facteurs font en sorte que le coût de la vie grimpe de jour en jour, mais malheureusement le financement n’est pas en train de suivre, donc on est en train d’étouffer », indique le dirigeant du Réseau de la santé.

Goump Djalogue dit s’inquiéter de l’impact sur la communauté francophone si Ottawa n’écoute pas leurs doléances.

« Sinon, c’est la réduction de l’offre de services à la communauté. L’un de nos mandats est d’offrir des activités culturelles qui permettent aux francophones ici de vivre le fait français. C’est vrai qu’on est francophone et qu’on peut étudier en français, mais si l’on n’a pas l’occasion de vivre la culture francophone, la fierté et le plaisir d’être francophone ne sont pas développés… Ça permet d’avoir un milieu de vie agréable qui permet aux gens de rester dans la communauté. »

Nunavut
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Plus d’accent sur les multiples langues

La communauté francophone du territoire doit aussi vivre avec trois autres communautés de langues officielles, l’anglais, l’inuinnaqtun et l’inuktitut. Près de 76 % de la population nunavummiute dit pouvoir converser en inuktitut et 94 % en anglais.

« Le prochain plan d’action ne sera pas une réussite si toutes ces langues-là ne sont pas valorisées… On doit travailler à changer le discours ou le narratif sur la diversité linguistique canadienne. Le bilinguisme canadien et la diversité linguistique doivent être célébrés comme un seul. Pas en position de compétition », souligne M. Djalogue.

Les consultations dans le cadre du Plan d’action sur les langues officielles se poursuivent cet été jusqu’au 25 aout. Lundi, Marc Serré, l’adjoint parlementaire de la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor, est de passage à Iqaluit en compagnies de fonctionnaires de Patrimoine Canada où sont réunis les organismes francophones du Nunavut pour la seule consultation en territoire nunavummiut. Le gouvernement fédéral doit présenter son Plan d’action d’ici le 1er avril 2023