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Fusion et restructuration : les organismes francophones sont-ils prêts pour le changement?

Photo : Sandra Padovani/ONFR

RICHMOND HILL – À la lumière des constats de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) sur une francophonie ontarienne en péril et de son appel à repenser la structure d’organisations parfois démultipliées induisant une dilution de financements et de services, les acteurs du milieu ont pris la parole lors des ateliers du congrès annuel de l’AFO. Entre la crainte du changement et le risque d’extinction par inertie, la communauté semble reconnaître que l’heure est à la transformation.

Les résultats des États généraux menés l’AFO sur la nécessité de réviser les modèles et la gouvernance des organismes francophones a provoqué la consternation générale selon son président Fabien Hébert.

« On a vraiment dressé un enjeu global. Quand on est acculé au pied du mur, ça nous oblige à changer notre perspective et c’est ce que ça va prendre : de réaliser que de partager les territoires, de travailler plus étroitement avec d’autres agences, va permettre l’agrandissement de la communauté. »

« Ça pourrait vouloir dire des fusions de conseils d’administration, confirme-t-il. Peut-être que dans certaines régions ça va vouloir dire créer de nouveaux organismes, dans d’autres, ça va vouloir dire en fusionner. On a besoin de mettre les bons établissements aux bonnes places. »

Laura Hughes, consultante de la firme PGF consultants, qui appuiera l’AFO dans ses démarches en vue des plans d’action de la région, a animé l’atelier Francophonie unie et organisée : des structures et des stratégies renouvelées.

Abordant la contradiction suivante : d’un côté une démultiplication de certains organismes francophones et d’un autre une pénurie de certains services en français, celle-ci a appelé les représentants présents à exprimer les peurs sous-jacentes face à l’idée de restructurations.

Sujet visiblement sensible dans les esprits, plusieurs des membres dans la salle vendredi n’ont pas voulu s’exprimer de façon nominative pour notre article, malgré une participation active et empreinte de conviction à l’atelier.

De nombreuses craintes

À la suite des discussions de groupes, plusieurs constats émergent, dont la peur d’une perte de contrôle par les organisations, du champ d’action, une perte des emplois, mais aussi des acquis.

« La peur du changement, c’est aussi de réfléchir en se disant ‘on a toujours fait comme ça’ », souligne un responsable dans le domaine des aînés, comme exemple de pensée limitante.

« Le protectionnisme aussi est un élément de résistance à la collaboration et au changement, c’est aussi la perception du manque de contrôle des différentes entités. On a parlé aussi de la résistance à l’adaptation au contexte externe : en tant qu’organisme on peut être tourné vers soi, mais il faut en fait aussi regarder vers l’externe », résume une personne issue du milieu de la santé à Ottawa.  

« En milieu minoritaire, on a tendance à s’approprier les missions et à être territorial », soulève-t-on également dans l’audience.

Laura Hughes, de la firme PGF consultants, animant l’atelier Francophonie unie et organisée : des structures et des stratégies renouvelées. Photo : Sandra Padovani/ONFR

Plusieurs intervenants font part de leur manque de confiance dans les autres organismes quant à leur incompétence ou leur manque d’engagement qui pourrait altérer le suivi et la qualité des services.

D’autres expriment des peurs face à une perte d’identité locale et de particularités locales.

« On est tous en compétition pour le même argent. Il y a un dédoublement des ressources et dilution des financements, alors pourquoi ne pas partager ? », exprime, elle, Ginette Fournier, représentante du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) et membre du Comité consultatif des services en français.

Le terme de « structures désuètes » est également prononcé dans la salle Aurora de l’Hôtel Sheraton de Richmond Hill.

« On doit augmenter la communication et les partenariats entre les différents organismes sans compétition, mais en partageant nos projets à venir, question de ne pas doubler les efforts. On peut tous en bénéficier », témoigne un autre participant.

« Ce qui est important, ce n’est pas de ne pas avoir peur, mais de ne pas se laisser arrêter par la peur. Ces peurs-là, on va les transformer en garde-fous », assure Mme Hughes.

« Êtes-vous prêts à restructurer la francophonie pour le bien de la communauté ? », demande l’animatrice en conclusion.

Quelques « oui » timides, mais fermes se font entendre.

« La lumière au bout du tunnel ».

« Il y a une envie de changer, mais le changement, c’est difficile. C’est sûr que ça serait plus confortable si seuls les autres avaient à changer. Certains sont déjà noyés dans le quotidien et se plaignent d’un manque de moyens, alors leur ajouter une réflexion stratégique et des démarches de fusion et de mutualisation, ça suscite des réticences », explique Laura Hughes à ONFR.

« On veut présenter des axes de solutions qu’on va présenter à l’AFO. Ce qu’on veut dans la prochaine année, c’est que chaque région construise un plan concret pour le partage des ressources. »

La veille, Donald Obonsawin, chancelier de l’Université de Sudbury, avait d’ailleurs déclaré durant son discours : « Je crois au dialogue, on doit se parler plus régulièrement et arrêter de travailler en silos. »

« Comment est-ce qu’on peut se rassembler dans une vision commune et dans un objectif commun, tout en respectant tout de même le bon travail que ces organismes font, mais en le faisant encore mieux (…) Il y a des besoins à cibler, les besoins de la clientèle ont changé aussi. Oui il y a des compressions budgétaires, mais il y a un besoin d’un bon service. »

« Il y a de la lumière au bout du tunnel, mais c’est le moment d’emboiter le pas et de dresser un plan d’action, et c’est ce qu’on veut accomplir avec les états généraux », résume Fabien Hébert.