Ottawa « étire » les services ambulanciers, causant des délais dans l’Est ontarien 

Les ambulances des Comtés unis de Prescott et Russell sont souvent appelées en renfort pour soutenir le service paramédical d'Ottawa. Gracieuseté

Chaque année, les différents services ambulanciers en Ontario doivent répondre à des critères de performance. Dans l’Est de la province, le service d’ambulance terrestre n’a malheureusement pas atteint les cibles de 2022. Alors que les résultats de l’année 2023 s’annoncent similaires, la Ville d’Ottawa traverse une nouvelle crise : il y a très souvent zéro ambulance de disponible. Le service paramédical de la région de Prescott et Russell est alors régulièrement appelé en renfort. 

« Cela a fait plusieurs années que nous ne rencontrons pas nos cibles », reconnaît Marc-André Périard, chef du service paramédical des Comtés unis de Prescott et Russell. « Ce n’est pas parce que nous n’avons pas assez de ressources, c’est parce que nos ressources sont étirées, soit dans d’autres municipalités, soit par d’autres régions. » 

Pour le directeur, même si les cibles pourraient être modifiées, « ça ne changera pas le fait que les ambulances ne sont pas toujours dans Prescott et Russell ».

Marc-André Périard, directeur des services paramédicaux des Comtés unis de Prescott et Russell. Gracieuseté

Ces dernières années, un « bon » délai de réponses des paramédicaux en Ontario semble être difficile à atteindre pour de nombreuses municipalités de la province. 

Des performances similaires entre Ottawa et l’Est

Ottawa et la région de l’Est ont manqué leurs cibles dans plusieurs catégories de l’Échelle de triage et de gravité (ÉTG), une mesure permettant de classer le niveau de sévérité des cas rencontrés. Les niveaux 1 et 2, ainsi que la catégorie d’arrêt cardiaque soudain, nécessitent une prise en charge rapide des ambulanciers dans la région mais, pour plusieurs raisons, cette prise en charge n’a pas dépassé les attentes. 

Échelle de triage et de gravité (ÉTG) :
–  Arrêt cardiaque soudain
–  Niveau 1 : Question de vie ou de mort 
–  Niveau 2 : Potentiellement une question de vie ou de mort, besoin d’intervention rapide
–  Niveau 3 : Urgent 
–  Niveau 4 : Moins urgent 
– Niveau 5 : Non urgent

Selon ces catégories, les paramédicaux d’Ottawa et ceux des Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR) ont partagé leurs délais d’interventions au ministère de la Santé pour l’année 2022. 

Pour l’ÉTG 1, le ministère de la Santé a fixé un délai de réponse ne devant pas excéder huit minutes. Dans cette catégorie, le service paramédical d’Ottawa et celui des CUPR n’ont pas respecté le délai prescrit. 

À Ottawa, si 75 % des interventions devaient atteindre cet objectif, ce sont seulement 61,8 % des cas qui ont été pris en charge dans un laps de temps en deçà de huit minutes. Pour les CUPR, ce sont 48 % des interventions qui auraient dû respecter cette limite, alors que seulement 38 % y sont parvenus. 

Les Comtés unis de Prescott et Russell possèdent sept ambulances, 24h sur 24, et deux ambulances de jours, 7 jours sur 7. Gracieuseté

Même constat pour la catégorie ÉTG 2 et pour les arrêts cardiaques soudains. Le délai d’intervention (six minutes) pour les arrêts cardiaques est aussi fixé par la province, alors que les autres niveaux sont déterminés par les municipalités. 

Selon un récent rapport divulgué par la Ville d’Ottawa : « le délai d’intervention (six minutes) correspond au temps écoulé entre le moment où la première unité de paramédicaux reçoit l’appel et le moment où arrive sur les lieux toute personne ayant la formation et le matériel voulus pour procéder à la défibrillation. »

Les performances 2022 dans la catégorie des arrêts cardiaques soudains se trouvent de plus en plus éloignées de la cible des 65 % approuvée par le conseil municipal d’Ottawa. Source : Ville d’Ottawa/ Capture d’écran

D’après ce même rapport, soumis le 6 juin dernier par Pierre Poirier, chef du service paramédical d’Ottawa, une des raisons qui expliquent que les cibles ne sont toujours pas atteintes seraient « le temps excessif perdu par le service paramédical d’Ottawa à cause du délai de déchargement dans les hôpitaux d’Ottawa ».

Un problème de déchargement 

« Parfois, nos ambulances sont bloquées pour une, deux ou trois heures avant de décharger un patient », explique le directeur des services d’urgence des CUPR, M. Marc-André Périard. 

Les paliers des gouvernements supérieurs, comme les Comtés unis de Prescott et Russell, fournissent les services d’urgence. L’an passé, pour pallier le problème de déchargement des patients, l’Hôpital général d’Hawkesbury (HGH) et le service paramédical ont mis en place un protocole. 

Neuf paramédicaux communautaires offrent un service 24h sur24h pour des soins à la maison dans les Comtés unis de Prescott et Russell. La région offre aussi une unité de premier répondant. Gracieuseté

« Lorsque le service des urgences de l’HGH est à pleine capacité et qu’il y a au moins deux ambulances en attente de déchargement qui devrait durer 120 minutes ou plus, le personnel de l’HGH contactera le chef adjoint des opérations pour demander à un Paramédical de soins primaires (PSP) d’observer jusqu’à quatre patients dans une zone d’attente désignée pour le déchargement », a expliqué Édith Léveillé, directrice des communications de l’hôpital. 

Pour le moment, cette initiative aide à libérer les paramédicaux plus rapidement et à retourner sur la route pour répondre aux appels, a confirmé M. Périard. 

Les retards de déchargement et le manque de disponibilité des ambulances ont explosé entre 2021 et 2022Évidemment, la pénurie de personnels soignants à un impact, le nombre de patients, la disponibilité des lits et les différents niveaux de soins donnés aux patients renforcent inévitablement les délais, bloquant les paramédicaux durant des heures devant les portes des urgences. 

Si les hôpitaux de Prescott et Russell, de la région de Sturmont – Dundas et Glengarry prennent du temps pour prendre en charge des patients, c’est la même histoire du côté d’Ottawa.


« Historiquement, on s’est toujours fait tirer nos ressources par la municipalité d’Ottawa. Il y a beaucoup d’appels donc on quitte notre région, les délais de transfert de patients peuvent être très longs et au final nos ambulances ne sont pas disponibles pour répondre chez nous », résume le directeur. 

Le maire d’Ottawa a exprimé son désarroi face aux problèmes rencontrés par les paramédicaux de la capitale. Capture d’écran/ONFR+

En effet, le volume d’appel au 911 pour la Ville d’Ottawa n’a pas cessé d’augmenter depuis la pandémie. En 2022, le service a reçu 348 567 appels sur la plateforme (+ 10 % par rapport à 2021). C’est sans compter les appels aux services d’incendies ou autres centres secondaires. 

En attente d’un nouveau système de répartition 

Pour M. Périard, la promesse d’un nouveau système de répartition prévu en 2024 devrait considérablement améliorer les délais d’intervention. « Il y aura une meilleure évaluation de la sévérité des appels au 911. Notre système aujourd’hui est vieux de 25 ou 30 ans. » 

Le directeur pense aussi que ce nouveau système de priorité médicale permettra de diminuer le nombre d’appels depuis les municipalités voisines.

Ce nouvel outil redirigera les cas moins graves vers des établissements autres que les services des urgences, « lorsque c’est sans danger et approprié ».

Performances 2021 et 2022 pour les ambulances des Comtés unis de Prescott et Russell. Capture d’écran

Ottawa, qui s’est retrouvé trop souvent sans ambulance, avec parfois plus d’une trentaine d’appels en attente, a pour objectif d’embaucher 40 nouveaux paramédicaux en 2024, 40 nouveaux membres du personnel en 2025 et 40 paramédicaux en 2026 afin de faire face aux défis du service. Trois employés paramédicaux supplémentaires seraient recrutés en 2024 pour fournir un soutien psychologique pour le bien-être des employés et réduire le stress professionnel, indique le rapport de Pierre Poirier.

Pour l’instant, la province a débloqué un financement de 2,6 millions de dollars afin de permettre aux assistants médicaux, aux thérapeutes respiratoires et d’autres corps de métiers d’avoir les compétences au déchargement des patients. 

Pour autant, le niveau zéro (aucune ambulance disponible pour répondre aux appels) et les problèmes de déchargements, sont signalés de toutes parts en Ontario.

ONFR+ a tenté de joindre le ministère de la Santé qui a répondu que « les municipalités étaient responsables de leurs stratégies », ajoutant que le gouvernement ne possédait pas de données complètes.