Pas facile pour les nouveaux arrivants de naviguer en Ontario français
OTTAWA – La réflexion existe depuis un certain moment, et a priori, rien de nouveau sous le soleil. Pourtant, il existe des pistes de solutions qui permettraient aux organismes francophones d’être visible, de se faire connaître. Les nouveaux arrivants, les francophones fraîchement immigrés, s’ils le demandent, trouveront une aide pour le logement, pour trouver un emploi, pour choisir la bonne école et même pour apprendre l’anglais, encore faut-il savoir que ça existe.
Connexions francophones est un service de pré-départ financé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), qui offre des sessions d’informations, une foire à l’emploi, etc. Mais qui en a entendu parler?
Pour Luisa Veronis, géographe et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa, le service pré-départ « est une super idée, mais bon, souvent, c’est à la fin d’une lettre et on en parle plus ».
Dans ses recherches, Mme Veronis avait questionné plusieurs travailleurs qualifiés francophones. « Je leur demandais s’ils avaient contacté des services pré-départ et eux même n’en avaient pas entendu parler. Il y a un problème de communication. »
L’experte pense tout de même que le discours d’IRCC a changé, mais n’empêche que l’image qui domine reste celle du Québec comme espace pour les francophones. « C’est super, IRCC le dit, en Ontario, on parle français, mais ne précise pas que c’est en contexte minoritaire. »
« Il faut expliquer que c’est minoritaire », précise-t-elle, « c’est minoritaire, donc il y a moins de travail et moins de services ».
C’est pourquoi la chercheure est d’avis que pour améliorer la visibilité des organismes d’aides à l’installation et à l’intégration des communautés francophones, ces derniers doivent prendre racine bien avant le départ des futurs nouveaux arrivants.
Des pistes intéressantes pour les organismes francophones
Luisa Veronis estime qu’en plus des organismes, qu’on ne voit pas nécessairement, il y a aussi la question des symboles.
« Par exemple, le drapeau franco-ontarien, pour nous, il est reconnaissable. Mais quand tu viens d’arriver, le drapeau, tu le vois, mais tu ne sais pas ce que c’est. On te dit que tu peux parler français partout, mais tu ne sais pas que c’est une situation minoritaire. »
« En fait, l’immigrant doit découvrir les symboles, la francophonie n’est pas stable dans l’espace. Ici, à Ottawa, c’est un bilinguisme asymétrique. »
Mme Veronis suggère que les organismes pourraient se trouver une place auprès des aéroports, pour accueillir les nouveaux arrivants francophones. En effet, la chercheuse se souvient que le Centre francophone du Grand Toronto avait mis en place un kiosque à l’aéroport Pearson.
« Aussi, et c’est très intéressant, au Nouveau-Brunswick, une université fait son recrutement à l’international. Ils vont chercher l’intérêt des gens sur place, comme au Burkina Faso. »
Pour Janaína Nazzari Gomes, chercheure postdoctorale en immigration francophone de l’Université d’Ottawa : « Les intituler, ça ne parle pas forcément. »
En effet, comment deviner que le Centre communautaire Vanier offre tous les services pour nouveaux arrivants?
Là encore, l’étudiante rappelle qu’il est impossible pour un immigrant tout juste arrivé de faire une recherche efficace, s’il ne sait pas quoi chercher.Bien évidemment, pour que les organismes travaillent leur visibilité, il leur faudra des fonds supplémentaires et éventuellement des contrats de service avec IRCC. Cependant, Mme Nazarri Gomes est un peu plus hésitante.
« Cet organisme, IRCC, est très quantitatif et moins sur le qualitatif. Il ne peut pas nécessairement investir dans des associations ou des organismes communautaires sans savoir ce qui se passe. Donc les organismes d’aides sont souvent voués à eux-mêmes. »
Prévenir au lieu de guérir
« Des gens ont pu se sentir dupés », explique Mme Veronis. « On leur a dit qu’on pouvait vivre en français sans leur dire qu’il fallait avoir quand même l’anglais. »
Pour Janaína Nazzari Gomes : « En plus de dire qu’il y a des francophones en situation minoritaire en Ontario, il faut aussi dire ce que cela entraîne au quotidien. »
Elle qui travaille sur le paysage linguistique pense que cet élément n’est pas simplement une information vide de sens. Elle explique que cette donnée, si elle est manquante, peut avoir plus d’impact qu’il n’y paraît.
« Quand un nouvel arrivant s’est fait dire qu’en Ontario, on parle français, qu’on peut vivre en français et travailler en français, sans préciser les défis qui vont avec, on se retrouve avec des personnes qui doivent repenser leur processus migratoire. »
« Ça va plus loin que ça », pense-t-elle.
Elle explique que le moment de réalisation est un choc pour le nouvel arrivant. Par exemple, quand un immigrant comprend que ce n’est pas si facile de trouver du travail en français en Ontario, il refait tout son plan d’immigration, raconte-t-elle.
« Je ne vais plus aller chercher un emploi, mais faire des cours de langue en anglais. Il va falloir chercher un appartement moins cher parce que je ne pourrais pas travailler comme je le pensais. »
« Donc ce n’est pas une simple information », conclut-elle, « c’est peut-être la première information à donner à nos futurs immigrants ».