Société

« Pendant le temps des Fêtes, la solitude des aînés est souvent amplifiée », rappelle Kim Morris

Kim Morris, directrice générale de la FARFO fait le point sur la problématique des aînés en situation d'isolement pendant le temps des Fêtes. Photo : Canva

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Kim Morris est la directrice générale de la Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO). Elle travaille auprès des communautés aînées francophones à l’échelle provinciale, notamment sur les enjeux liés à l’isolement, au vieillissement et à l’accès aux services en français.

LE CONTEXTE :

À l’approche du temps des Fêtes, la solitude des aînés refait surface comme un enjeu majeur en Ontario. Plusieurs organismes communautaires tentent de rejoindre des personnes âgées vivant seules à domicile, parfois avec des problèmes de santé, de mobilité ou de contraintes financières. Dans ce contexte, les clubs de l’âge d’or, les centres de vie active et le bénévolat des aînés eux-mêmes jouent un rôle central pour maintenir le lien social.

L’ENJEU :

Les aînés francophones vivent une double réalité : le vieillissement et l’isolement, combinés à une situation linguistique minoritaire. Durant le temps des Fêtes, ce sentiment de solitude peut s’intensifier, alors que les traditions, la langue et les repères culturels sont moins accessibles, notamment en résidence ou en foyer de soins.

« De manière générale, comment se manifeste aujourd’hui la solitude chez les aînés en Ontario?

La solitude demeure très présente, même après la pandémie. Beaucoup de personnes aînées ont perdu des amis, des proches ou des membres de leur famille. Avec l’âge, des problèmes de santé apparaissent, la mobilité diminue et les occasions de sortir se font plus rares. Plusieurs aînés se retrouvent donc seuls, parfois sans contact régulier avec autrui, ce qui affecte directement leur bien-être.

Pourquoi le temps des Fêtes est-il une période particulièrement difficile pour plusieurs aînés?

Parce que cette période est associée à des images de bonheur, de rassemblement et de célébration. Pour une personne aînée qui vit seule, ces images peuvent raviver des souvenirs douloureux liés à la perte et à l’isolement. Les souvenirs de grandes familles, de repas partagés et de traditions deviennent parfois une source de tristesse plutôt que de réconfort.

Quels facteurs concrets accentuent ce sentiment d’isolement?

Il y a plusieurs facteurs. Les problèmes de santé et la mobilité réduite limitent les déplacements. Certaines personnes ne peuvent plus conduire, surtout le soir. Il y a aussi le stress financier : plusieurs aînés vivent avec des revenus modestes, ce qui rend les repas de Fêtes ou les cadeaux difficiles à assumer. Tout cela pousse parfois les gens à s’isoler davantage.

La réalité des aînés francophones est-elle différente de celle des aînés anglophones?

Oui, parce que les aînés francophones vivent en situation minoritaire. En résidence ou en foyer de soins, la langue, la musique et les traditions sont majoritairement anglophones. Les chansons, les coutumes et même certains repères religieux francophones disparaissent. Cela peut créer un sentiment de déracinement et accentuer l’isolement.

Entre les aînés vivant à domicile et ceux en centre ou en foyer, qui sont les plus vulnérables?

Les personnes aînées vivant à domicile sont souvent les plus isolées. Même si elles souhaitent sortir ou participer à des activités, elles n’en ont pas toujours la capacité physique ou logistique. On estime qu’il y a probablement deux ou trois fois plus de personnes seules à domicile que de personnes vivant en centre ou en foyer.

Quel rôle jouent les clubs de l’âge d’or dans ce contexte?

Les clubs de l’âge d’or sont essentiels. Ils offrent un espace sécurisant où les aînés peuvent socialiser en français, partager un repas et maintenir un sentiment d’appartenance. Ils permettent aussi de repérer des personnes plus vulnérables et de créer un réseau de soutien informel. Pour plusieurs, ces clubs sont un véritable point d’ancrage dans la communauté.

Comment la FARFO tente-t-elle de rejoindre les aînés les plus isolés?

Nous travaillons beaucoup en partenariat avec les clubs, les centres de santé, les organismes communautaires et même les institutions religieuses. Le bouche-à-oreille est très important. Nous avons aussi mis en place des appels amicaux, des livraisons de paniers de Noël, des repas à domicile et des ateliers virtuels qui rejoignent des centaines de personnes partout en province.

Est-il difficile d’identifier les aînés qui sont complètement isolés?

Oui, parce que ce sont souvent des personnes qui ne sont membres d’aucun organisme et qui ne demandent pas d’aide. C’est pourquoi les partenariats sont essentiels. Plus les organismes travaillent ensemble, plus il devient possible de repérer ces personnes et de leur offrir du soutien.

Quel message souhaitez-vous adresser aux aînés francophones qui se sentent seuls?

Ils ne sont pas seuls, même s’ils en ont parfois l’impression. Il existe des ressources en français, des organismes et des personnes qui veulent les accompagner. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide ou à accepter une invitation. Briser l’isolement commence souvent par un premier contact. »