Plus de 50 candidatures au comité des affaires francophones de Toronto
TORONTO – La période de candidature au Comité consultatif des affaires francophones de la Ville est désormais fermée. La Ville ne retiendra, d’ici juin prochain, que huit membres parmi plus d’une cinquantaine de postulants.
Les dossiers reçus vont maintenant être examinés par la division Développement économique et culture de la Ville qui présélectionnera et auditionnera les profils les plus significatifs début mai. Un rapport contenant les candidats recommandés sera ensuite transmis au Comité des nominations civiques du conseil municipal pour examen. La décision finale devrait donc intervenir en juin.
Huit membres – quatre issus d’organismes et quatre autres issus du public -, dont un coprésident, siégeront alors au côté de la conseillère municipale Dianne Saxe, également coprésidente. La nouvelle équipe ainsi constituée aura pour mandat d’émettre des recommandations auprès du conseil afin d’améliorer le sort de la communauté et susciter son engagement.
La Ville renouvelle de multiples comités de ce genre pour prendre le pouls des communautés, mais leur dimension facultative et la faible fréquence de leurs réunions les rend d’ordinaire peu opérants.
Le comité des affaires francophones lui-même n’a pas convaincu jusqu’à présent. Le conseil municipal ne débat d’ailleurs généralement pas d’enjeux francophones, considérant que le français n’est pas une langue parlée dans une forte proportion, comparé aux autres langues comme le chinois, l’espagnol ou l’italien.
Emploi, logement, arts et communication en français
Pourtant, plusieurs candidats entendent changer la donne. C’est le cas de Zahra Diallo. La présidente de l’ACFO-Toronto se présente avec la ferme intention de peser sur le cours des décisions municipales.
« Siéger au comité nous permettrait d’avoir les oreilles de la Ville sur les enjeux importants pour les francophones et d’influencer les projets sur lesquels elle travaille », dit-elle, estimant que l’emphase devrait être mise sur l’accès en français au logement, à l’emploi et sur les communications de la ville dans les deux langues officielles.
Autre candidate, Stéphanie Chouinard espère, si elle est retenue, mieux faire connaître les activités de ce comité peu connu des Franco-Torontois. « Il faut s’assurer que les gens soient au courant du fait qu’ils ont une voix dans l’administration municipale et que leurs représentants l’utilisent à bon escient en allant chercher les différents points de vue pour les amener à la table. »
Pour sa part, Amikley Fontaine se porte candidat afin de se battre pour la diversité. « Il faut des programmes qui favorisent l’inclusion et l’intégration économique des Franco-Torontois », milite-t-il.
Il plaide aussi pour que la ville ait 15 % d’employés francophones pour favoriser l’accès réel aux services en français et que des documents comme le budget municipal soient présentés dans les deux langues officielles. « Un programme d’appui à francophonie torontoise pourrait aussi beaucoup aider », imagine-t-il.
« On a besoin d’un espace culturel de taille moyenne dédié aux arts de la scène » – Manuel Verreydt
Manuel Verreydt, quant à lui, se donne pour objectif de sensibiliser la Ville à la sauvegarde des lieux d’expression artistique.
Celui qui est directeur de la communication et du marketing au Théâtre français de Toronto qualifie son combat d’existentiel, tant les petites salles de théâtres ont disparu les unes après les autres au profit de grandes structures culturelles.
« La francophonie ne serait pas quoi faire de telles salles qui coûtent des millions. Par contre, on a besoin d’un espace culturel de taille moyenne dédié aux arts de la scène. On devient de plus en plus un théâtre nomade, dépendant de grandes structures, et ça c’est un vrai problème pour attirer et fidéliser notre public. »
Changer un « protocole paralysant »
Mais comment une instance consultative se réunissant trois fois par an pourrait-elle pousser la Ville à adopter ses recommandations? « Il faut améliorer le système », convient Mme Diallo. « On pourrait aborder la fréquence des réunions dès qu’on sera élu et qu’on siégera. »
Face à la relative atonie des comités précédents, la politologue au Collège royal militaire, Stéphanie Chouinard, aimerait changer la dynamique : « La communauté doit être entendue et portée dans le reste de l’administration municipale. C’est à ce que ce comité doit servir et ce n’est pas l’impression que j’ai en ce moment. »
« Je ne vois pas vraiment ce que l’on peut faire en trois réunions par an, mais mieux vaut être assis à la table qu’en dehors », garde espoir M. Verreydt, ajoutant que la cohésion des membres sera un atout important pour faire passer le message.
Ceci dit, tout n’a pas été noir dans le précédent comité, contextualise Lise Béland, vice-présidente au Collège Boréal et membre sortante du comité. Cette instance a été « très utile », selon elle.
« On a abordé plein de dossiers brûlants pour les francophones. On a été capable de parler de nos défis, de soulever le problème des bibliothèques, du transport, du logement, de parler au responsable du secrétariat pour obtenir des sondages pertinents comme savoir où habitent nos gens. »
« On avait un maire francophile jusqu’ici mais ce n’est pas du tout dit que ce sera le cas après » – Stéphanie Chouinard
Marcelle Lean, membre sortante et directrice de Cinéfranco, fait une lecture plus nuancée. « On a appris beaucoup de choses sur le fonctionnement de la ville mais on a été un peu coincé par un protocole paralysant ». Sans compter « le malaise de la pandémie ».
Elle croit que si les membres n’étaient pas des leaders d’organisme, peut-être auraient-ils une vision plus terre-à-terre de la vie quotidienne et des services municipaux et seraient-ils « plus vocaux » sur des revendications concrètes, tandis que nous « on planait sur de grands thèmes ». « Il faut changer cette approche protocolaire », tranche-t-elle.
À l’aube du changement de maire, ce nouveau comité aura un impératif de résultats, prévient Mme Chouinard. « On avait un maire francophile jusqu’ici mais ce n’est pas du tout dit que ce sera le cas après l’élection de son successeur. »
Si la date de la première réunion n’est pas encore fixée, elle a de fortes chances d’intervenir à la rentrée prochaine.