L’Américain francophone et francophile John Cooper, qui parle le français depuis plus de 40 ans, se consacre à la promotion du patrimoine francophone de Détroit. Photo : Gracieuseté de John Cooper

John Cooper, le plus « francophonophile » des Américains, est passionné par la langue française et par l’héritage francophone de Détroit. Membre de la Société historique canadienne-française du Michigan, de la chambre de commerce franco-américaine de Michigan et du CA de l’Alliance française de Détroit pendant 10 ans, il est le créateur des Rendez-vous Détroit et de la visite guidée bilingue The Detroit French History Cruise.

Cette croisière autour de l’histoire de France de Détroit, en anglais et en français, créée en 2014 par John Cooper, revient le 21 juillet prochain. Récits historiques et visite guidée des lieux clés entre Windsor et Détroit qui ont mené à la création de la ville américaine sont au programme de ce tour sur la rivière Détroit, à bord du Diamant Belle.

Sous l’égide du French Heritage Society, qui se consacre à la protection du patrimoine architectural et culturel français, Rendez-vous Détroit a pour vocation de valoriser le patrimoine francophone « du détroit » des deux bords de la rivière canadienne et américaine.

« Vous êtes Américain et vous parlez français parfaitement, ce qui est atypique. De quelle façon vous êtes-vous épris de la langue française?

Je n’ai pas le moindre sang français ou canadien dans les veines. Quand je faisais mes études d’ingénieur aux États-Unis, il y a plus de quarante ans, je suis tombé dans un programme d’échange à Lausanne en Suisse de façon complètement immersive, ce qui a bouleversé ma vie pour toujours.

De retour chez moi, j’ai accepté une offre d’emploi dans une firme pétrolière à Montréal, plus qu’intrigué par ce peuple parlant français, sur le même continent que moi. J’ai plus tard fait carrière dans l’automobile à Détroit.

Mais j’ai tout de même travaillé pendant 22 ans avec des sociétés françaises, mes deux enfants parlent français, de même que ma femme, avec qui j’ai exploré tous les départements français, etc. J’ai beaucoup d’amis québécois et franco-ontariens. Alors, plutôt que francophile, je préfère qu’on m’appelle « francophonophile ».

Comment cette promotion du patrimoine francophone de la région Windsor/Détroit a-t-elle commencé pour vous?

En 2006, j’ai découvert les Franco-Ontariens de Windsor au Canada, à quelques minutes de Détroit, ce qui était extraordinaire. Je me suis passionné pour la culture franco-canadienne. Mordu d’histoire, j’ai découvert le passé français de Windsor et de Détroit, son fondateur Antoine de Lamothe-Cadillac, ce patrimoine riche de la France dans la région des Grands Lacs. Au fur et à mesure du temps, je suis donc devenu Monsieur Detroit’s French history.

Photo : Gracieuseté de John Cooper

Photo : Gracieuseté de John Cooper

Photo : Gracieuseté de John Cooper

Photo : Gracieuseté de John Cooper

Le patrimoine français de Détroit et la francophonie n’avaient-ils pas été laissés à l’abandon par la Ville?

Ce qui me motive le plus, c’est que la ville de Détroit ne fasse pas plus pour ce patrimoine français. Depuis 15 ans je suis actif sur le côté canadien et depuis dix ans j’essaye de tisser des liens via la rivière qui définit la limite entre Détroit et Windsor.

Il faut savoir que le français était la langue majoritaire de Détroit jusqu’en 1840. De fait, y a plus d’un million d’habitants dans l’État du Michigan venant de Détroit, qui ont des origines francophones et franco-canadiennes qui ont perdu la langue il y a 3-4 générations.

Nous organisons quelques évènements dans l’année comme des visites scolaires et j’essaye de lier ces communautés avec les francophones de Windsor à travers diverses rencontres, comme par exemple le Festival du Nain Rouge depuis 2015.

Carte de la Rivière du détroit de 1752. Photo : Gracieuseté de Rendez-vous Détroit

Fort Pontchartrain en 1701. Photo : Gracieuseté de Rendez-vous Détroit

Vue de Windsor et de Détroit et du site originel du Fort Pontchartrain fondé par Antoine de Lamothe-Cadillac. Photo : Gracieuseté de Rendez-vous Détroit

Quels sont les sites français historiques que l’on peut apercevoir durant la croisière?
Seuls sont visibles les derniers trois bâtiments majeurs construits par les communautés françaises des deux bords de la rivière, soit les trois églises, Sainte-Anne de Detroit de 1887, Notre-Dame de l’Assomption à Windsor, de 1842, et Notre-Dame-du-Lac à Windsor également, datant de 1884. J’explique aussi l’histoire et l’emplacement des sites comme le Fort Pontchartrain, aujourd’hui au beau milieu des gratte-ciel, Belle Isle, La Cote de Misère, etc.

J’explique les liens francophones entre Windsor et Détroit. Je raconte par exemple que les Français qui faisaient du commerce sur les rives habitant les Ribbon Farms (les fermes en ruban) ont donné leurs noms aux rues perpendiculaires à la rivière, des noms comme « Saint-Aubin ».

C’est donc l’occasion pour vous de distiller quelques faits et anecdotes historiques, notamment généalogiques?

Beaucoup d’Américains du Michigan sont très étonnés d’apprendre qu’il y a une grande communauté franco-ontarienne de l’autre côté de la rivière à Windsor.

Nous expliquons notamment que seuls 10 000 Français étaient venus de France dans la région de 1609 à 1760. Les francophones étaient 20 fois moins nombreux que les anglophones des colonies anglaises.

Ce qui est intéressant, c’est de voir que dès le 19e siècle, entre 1840 et 1940, plus de la moitié de la population canadienne a émigré aux États-Unis, dont 900 000 Franco-Canadiens. Nous avons donc beaucoup de sang francophone aussi en général aux États-Unis.

Que reste-t-il de la population francophone de Détroit ?

On compte actuellement plus de 4000 francophones transplantés de France, notamment de par le marché de l’automobile. Concernant le million de personnes dans l’État du Michigan de souche franco-canadienne, souvent les grands-parents ou arrières grands-parents ont perdu la langue au début du 20e siècle ou même avant. Pour ceux qui s’intéressent à leurs racines francophones, je leur dis : vous n’avez pas besoin d’aller à Montréal ou à Paris pour aller trouver vos racines, vous n’avez qu’à traverser la rivière! »