La légende francophone du Nain rouge s’empare de Windsor et de Détroit
WINDSOR – Le Nain rouge, la légende française racontant la naissance de la Ville de Détroit, qui y est célébrée chaque année, le Mardi gras local, rayonne désormais de l’autre côté de la rivière Détroit. Pour sa seconde édition, Windsor lui emprunte son folklore français. Francophones et francophiles se rassembleront lors du Festival Nain Rouge entre le 23 et 24 mars, côté américain et côté canadien, la foule déguisée et vêtue du rouge symbolique, pour conjurer les sorts de la créature mystique.
Le Nain rouge, créature légendaire dont la venue est suivie de catastrophes, hanterait Détroit : l’incendie de 1805 ravageant la ville, les émeutes sanglantes de 1967 ou encore la faillite financière de la Ville en 2013. Depuis presque dix ans, chaque mois de mars, la Marche du Nain rouge rassemble les habitants qui se déguisent pour ne pas être reconnus de l’être maléfique lors de son passage et éviter ses sorts – une version locale unique en son genre de carnaval.
« Tout commence 15 ans en arrière, après l’Ouragan Katrina dévastant La Nouvelle-Orléans. Le premier Mardi gras de nouveau célébré après cette catastrophe naturelle était très important pour ses habitants. Les deux créateurs, Francis Grunow et Vince Keenan, inspirés par cette frénésie, ont alors l’idée de lancer une célébration similaire à Détroit, mais inspirée de son propre ADN, en allant chercher dans l’héritage français de la Ville », raconte John Cooper, un Américain francophone et francophile, acteur clé de l’histoire française de Détroit et des relations francophones avec Windsor.
« Ils découvrent un livre de 1872, Les légendes de Détroit, compilation de contes et mythes de la région et choisissent celle du Nain rouge – dont la tradition viendrait de Normandie – esprit malin dont les habitants doivent craindre le retour », narre-t-il.
Lors d’un banquet organisé au Château Saint-Louis de Québec en mars 1701, une sorcière prédit son avenir à l’explorateur Antoine de la Mothe-Cadillac, le français fondateur de Détroit.
« Un voyage dangereux, vous allez bientôt entreprendre. Vous trouverez une grande ville laquelle aura plus d’habitants que la Nouvelle-France n’en possède (…) Méfiez-vous d’ambitions excessives qui gâcheraient vos plans. Apaisez le Nain rouge, attention à ne pas l’offenser. Devriez-vous l’offenser malheureux, et pas un vestige de votre héritage ne serait remis à vos héritiers. Votre nom serait à peine connu dans la ville que vous allez fonder », peut-on lire dans la version originale du conte.
La première édition en 2005 avait rassemblé une centaine de personnes, et c’est maintenant plus de 10 000 personnes qui viennent désormais défier le diablotin rouge dans les rues de Détroit. « Une marque de renouveau de la Ville » pour ceux-ci, selon John Cooper, ajoutant que de plus en plus, l’évènement embrasse ses origines, et véhicule le message aux habitants de Détroit qu’ils ont des racines françaises.
De la tradition à la célébration : de Détroit à Windsor
« L’année dernière, en 2023, nous avons fait venir le chanteur Cadill’Rock de Saint-Nicolas-de-la-Grave du Tarn-et-Garonne en France, d’où est issu Antoine de Lamothe-Cadillac. J’ai proposé au Centre francophone et communautaire de Windsor-Essex-Kent (CCFWEK) de profiter de sa venue pour la Marche du Nain rouge afin d’organiser quelque chose et, de là, est née l’idée d’une version à Windsor », explique M. Cooper.
Si la célébration à Détroit attire une foule très éclectique, le festival côté canadien, réunit un public très francophone et francophile sous forme de festival célébrant la culture locale, durant lequel « on purge les mauvais esprits avec le printemps ».
Cette seconde édition, qui se déroulera ce samedi 23 mars de 19 h à 2 h au Phog Lounge et au Meteor, est coordonnée par l’organisme communautaire Milieu artistique des connexions culturelles Sud-Ouest (MACCSO), soutenu par le CCFWEK.
La programmation comprendra des performances live d’artistes francophones de la scène musicale, dont SMPTY, Yao, Véloce André, et des activités ludiques telles que des jeux-quizz, de la lecture de tarots et des ateliers de création de masques.
Côté Détroit, la fameuse marche annuelle aura lieu en début d’après-midi, le dimanche 24 mars, dans le quartier Cass Corridor, à l’extrémité ouest du centre-ville. La parade géante verra défiler des chars à propulsion humaine et des « krewes », différents groupes qui arboreront des costumes thématiques pour représenter les quartiers de Détroit, joueront de la musique et danseront sur des rythmes endiablés.