TORONTO – Les ministres Stephen Lecce, Jill Dunlop et Caroline Mulroney ont annoncé conjointement, ce jeudi à Toronto, le financement de 110 places supplémentaires afin de former des enseignants de langue française et répondre en partie à la pénurie de travailleurs qualifiés dans l’éducation.

Deux universités vont ainsi accroître leur capacité dans cette filière : l’Université d’Ottawa qui obtient 70 places de plus et l’Université de l’Ontario français (UOF) qui ajoute dès cette rentrée 40 places aux 40 déjà sanctuarisées depuis le consentement ministériel en janvier dernier, alors qu’elle inaugure tout juste sa première cohorte.

« En augmentant le nombre de places dans les programmes de formation du personnel enseignant de langue française, nous offrons aux étudiants un plus grand choix et un meilleur accès à une éducation postsecondaire d’excellente qualité en français, ce qui les aide à se préparer à réussir dans des carrières intéressantes et gratifiantes », a déclaré Jill Dunlop, la ministre des Collèges et Universités.

L’accès à une éducation postsecondaire était un de ses engagements formulés à la suite du refus de financer l’Université de Sudbury. La ministre affiche de surcroît la volonté de résoudre une part de la pénurie d’enseignants qui sévit à travers la province, autant dans les conseils scolaires francophones qu’anglophones qui eux aussi connaissent des défis de recrutement dans leurs établissements d’immersion.

Les ministres Dunlop, Lecce et Mulroney au diapason à l’UOF ce jeudi. Crédit image : Rudy Chabannes

Sa collègue Caroline Mulroney y voit en outre un moyen de consolider la francophonie à terme, tandis que Stephen Lecce se satisfait de se rapprocher un peu plus d’un enseignement de qualité. Il faut dire que, faute de diplômés disponibles sur le marché de l’emploi, le nombre de lettres de permission, attribuées par les conseils scolaires à des travailleurs non qualifiés, a considérablement augmenté ces deux dernières années.

Délais de certification divisés par deux pour les éducateurs formés à l’interne

« En ajoutant 110 places supplémentaires de formation du personnel enseignant dans nos établissements postsecondaires et en réduisant les délais de certification de 50% pour les éducateurs formés à l’interne, nous aidons à recruter de nouveaux personnels et à créer de nouveaux parcours permettant à un plus grand nombre d’enseignants qualifiés de soutenir l’éducation en langue française dans l’ensemble de l’Ontario », a soutenu le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce.

Le recteur de l’UOF a révélé que si 80 places en baccalauréat constituaient une excellente nouvelle, la demande pour y accéder a été près du double avec 145 demandes d’admission, signe d’un intérêt marqué pour la filière. « On verra l’année prochaine si on en demande plus. Il y a déjà une demande qui se manifeste pour 2024. En tout cas, on a une oreille attentive du côté du ministère sur ce point. »

Pour le recteur de l’UOF, Pierre Ouellette, le baccalauréat en éducation ne pouvait pas mieux commencer. Crédit image : Rudy Chabannes

Parmi la toute première cohorte figurent des étudiants déjà inscrits à l’UOF qui ont acquis des microcrédits en éducation. « On a sept ou huit personnes dans ce cas qui ont basculé dans le baccalauréat. Ce sont donc des personnes qui sont plus avancées et qui en plus ont pu commencer leur bac dès janvier 2023. »

L’enveloppe annoncée ce jeudi émane également du fédéral puisque l’UOF fonctionne toujours dans le cadre du financement de démarrage partagé entre le ministère ontarien et Patrimoine canadien.

« Pas assez et bien trop tard », dit l’opposition

Au niveau politique, l’opposition salue « un pas dans la bonne direction » mais bien trop timoré pour faire face à la pénurie. « C’est pas assez et bien trop tard », lâche Chandra Pasma, la porte-parole de l’opposition en matière d’éducation.

Depuis 2021, l’Ontario a ajouté 780 places supplémentaires en formation à l’enseignement en français et en anglais. Or, un rapport émanant du milieu de l’éducation franco-ontarienne rendu public en 2021 montrait déjà qu’il manquait 500 enseignants de langue française par an. « Il faut former plus de 1000 enseignants par et on en forme que 500 en ce moment. 100 places de plus, c’est bien mais pas assez », insiste Mme Pasma.

Chandra Pasma, députée d’Ottawa-Ouest-Nepean et porte-parole de l’opposition en matière d’éducation. Source : Assemblée législative de l’Ontario

En mai dernier, les présidents de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) et des deux organismes porte-parole des conseils scolaires, l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO) et l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), avaient écrit au ministère pour le rappeler à ses engagements envers les 37 recommandations du rapport.

« Le ministre a mis quatre mois pour leur répondre », en déduit l’élue néo-démocrate, et « il n’est pas du tout à la hauteur, alors que la solution est rédigée sous nos yeux dans ce rapport ». Et de fustiger le refus de financement de l’Université de Sudbury qui aurait pu contribuer, selon elle, à la formation d’enseignants dans une région à forte présence francophone et complémentaire aux universités d’Ottawa et Toronto.

« Il faudra bien plus pour contrer la pénurie criante de personnel en éducation », réagit pour sa part Anne Vinet Roy, présidente de l’AEFO, ajoutant qu’il faut aussi « travailler à assurer leur rétention et à valoriser la profession. Autrement, la situation risque de continuer de s’aggraver à un point tel que le système d’éducation en langue française en Ontario pourrait ne plus être en mesure d’offrir une éducation équivalente à celle qui est offerte aux élèves de la majorité ».