Projet de loi sur les soins de longue durée, une coquille vide pour les francophones

Ce projet de loi aspire à offrir davantage de soins, à protéger les personnes âgées et à augmenter le nombre de lits. Crédit image : RUNSTUDIO / Moment via Getty Images

Annoncé à plusieurs reprises depuis les vives critiques qu’a reçu le gouvernement de l’Ontario en lien avec sa gestion de la pandémie dans les foyers de soins de longue durée, le projet de loi censé apporté de grands changements en la matière, a été déposé à la chambre législative le 28 octobre. Qu’en est-il des besoins des résidents francophones? Y trouvent-ils leur place, d’autant plus qu’ils sont déjà connus par le gouvernement?

S’appuyant sur les résultats et les recommandations de la Commission d’enquête sur la Covid-19 dans les foyers de soins de longue durée (SDL) qui n’a pas manqué d’épingler, dans son dernier rapport, les manquements à protéger les résidents et le personnel dans certains établissements de l’Ontario, le gouvernement de la province a fini par lever le voile sur son projet de loi, laquelle, une fois adoptée, régirait ce secteur lourdement endeuillé.

L’initiative résonne comme un soulagement dans la bouche des gestionnaires de ces établissements, à l’image de Sean Keays, directeur général du foyer francophone Richelieu à Welland.

« La législation déposée la semaine dernière représente une nouvelle étape importante dans la reconstruction du secteur des foyers de soins de longue durée après des années de négligence et les tragédies provoquées par la pandémie », réagit-il.

Michel Tremblay, directeur général de la FARFO. Gracieuseté

Un avis que partage Michel Tremblay, directeur général de la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO) : « C’est une réforme importante parce qu’elle remplacera la loi de 2007. Il y a beaucoup d’éléments dans cette loi qui vont apporter beaucoup plus de protection aux résidents. »

La grande nouveauté

Ce projet de loi aspire à « offrir davantage de soins, à protéger les personnes âgées et à ouvrir plus de lits ». Plus que cela, il se veut être une réforme de par les nouvelles mesures qui y figurent, à l’instar de l’octroi au ministre de tutelle le pouvoir de suspendre un permis ou de prendre en charge un foyer si cela est jugé nécessaire, ou encore de revoir à la hausse le nombre d’inspecteurs en charge de constater les infractions.

L’autre nouvel apport de taille qui met les gestionnaires d’accord dans ce relifting législatif réside dans l’augmentation du nombre moyen d’heures quotidiennes de soins par pensionnaire, comme le précise Sean Keays : « La chose qu’on félicite le plus dans ce projet de loi c’est l’obligation d’avoir quatre heures de soins par résident et par jour à l’horizon 2025. Ça fait très longtemps qu’on le réclame, car les besoins en soins des résidents ont doublé durant les dix dernières années. »

Sean Keays, directeur général du Foyer Richelieu Welland. Archives ONFR+

Les francophones cités en préambule  

Du côté des besoins de la communauté francophone de la province, le projet de loi, dont ONFR+ détient copie complète, est on ne peut plus clair. Dès la deuxième phrase du préambule, on peut y lire que le gouvernement s’engage à « respecter les exigences de la Loi sur les services en français dans la planification, la conception, la prestation et l’évaluation des services de soins de longue durée pour les communautés francophones de l’Ontario. »  

Pour Sean Keays, directeur du seul foyer désigné sous la Loi sur les services en français dans le sud de l’Ontario, « c’est une très bonne chose qu’ils aient mis cela en haut du préambule. Mais, ils doivent en tenir compte et concrétiser ces promesses afin que ces principes fondamentaux ne soient pas que des mots. »

La douche froide  

Or, si les premières lignes sont de bon augure pour les résidents ou futurs pensionnaires francophones, il n’en est rien pour les 168 pages restantes où les exigences de cette communauté semblent être restées coincées dans le préambule, tant elles n’y sont plus mentionnées.  

« C’est un constat que tout le monde a fait. Pourtant la commission ontarienne sur la COVID-19 dans les foyers de SLD était claire et précise concernant les droits des francophones », fait remarquer Constant Ouapo, directeur général d’Entité 3, l’agence torontoise de planification des services de santé en français. « Vu que ce projet de loi s’appuie sur les recommandations de cette commission, on s’attendait à plus d’éléments concernant le droit de la communauté francophone. On est donc un peu déçu, surtout que le gouvernement avait déjà montré une réelle volonté dans ce sens. »

La recommandation à laquelle fait allusion M. Ouapo porte le numéro 39 et stipule, entre autres, que le ministère devrait « concevoir et mettre en œuvre une stratégie provinciale visant à accroître les services de SLD en français et à augmenter le nombre de lits dont l’occupant ou l’occupante peut être servi en français en accordant la priorité aux désignations en vertu de la Loi sur les services en français ».  

Constant Ouapo, directeur général d’Entité 3. Gracieuseté

Sollicité à ce sujet, le ministère des Soins de longue durée nous renvoie tout simplement à cette fameuse phrase inscrite au préambule sans d’amples explications.

De son côté, Michel Tremblay fait plus dans la nuance : « Je n’ai rien vu dans ce projet de loi concernant les francophones, mais c’est une loi générique pour l’ensemble de la province », déclare-t-il.

En revanche, la « solution » pourrait bien venir d’entre les lignes de ce projet de loi, précisément au paragraphe qui oblige le titulaire d’un permis de soins de longue durée d’évaluer les besoins des résidents et en tenir compte. « Cela veut dire qu’à ce niveau-là, il nous appartient, à nous francophones, de demander à ce que nos besoins dans le système de santé soient satisfaits en travaillant avec les résidents qui ont le pouvoir conféré par ce projet de loi de demander et d’exprimer leurs besoins à être servi en français », comme le rappelle à juste titre M. Ouapo.

Près de 10 000 personnes en Ontario ont rendu l’âme à cause du coronavirus, dont 41% étaient des résidents de foyers de soins de longue durée, une proportion qui équivaut la moyenne internationale.