Quand l’unilingue Michael Ferguson commençait à apprendre le français
OTTAWA – Les réactions affluent depuis l’annonce du décès de Michael Ferguson, ce samedi. Pour les francophones au Canada, le vérificateur général restera aussi un haut fonctionnaire fédéral ayant appris avec succès le français.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
La controverse était pourtant brûlante à l’automne 2011. Les conservateurs de nouveau majoritaires à la Chambre des communes nomment pour un mandat de dix ans Michael Ferguson, incapable de s’exprimer en français, au poste de vérificateur général. Les libéraux parlent alors de recourir aux tribunaux, les néo-démocrates enjoignent le nouveau chien de garde des contribuables canadiens de se retirer…
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) peste alors contre cette décision. La présidente de l’époque, Marie-France Kenny, se souvient : « Nous étions contre l’embauche de M. Ferguson. Il venait de plus du Nouveau-Brunswick, donc on s’est dit que s’il avait voulu être bilingue, il aurait pu. Ce n’était pas acceptable que le vérificateur général nommé ne puisse pas communiquer en français. »
Pour la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, cette nomination venait briser une tradition politique. « C’était jusqu’alors une coutume non-écrite que les officiers du Parlement soient bilingues. Tout le monde pensait que les déclarations de M. Ferguson d’apprendre le français étaient alors des vœux pieux. »
Mais en quelques mois, M. Ferguson va surprendre. Ses progrès en français sont évidents. Rapidement, l’agent parlementaire est capable de donner des entrevues fluides dans la langue de Molière.
« C’est rare qu’on l’apprenne aussi bien et aussi vite, c’est une preuve d’intégrité », croit Mme Kenny qui, avant la présidence de la FCFA, a officié comme coordonnatrice de la formation linguistique au fédéral à Regina. « Souvent, les fonctionnaires commencent à prendre des cours, sont motivés, puis avec les réunions ou les déplacements de travail, rapidement ils n’y vont plus. M. Ferguson a su mettre bouchées doubles, bien qu’il soit occupé! »
Une loi « nébuleuse » sur le bilinguisme des agents
En 2013, une loi votée à la Chambre des communes obligeait certains hauts fonctionnaires du Parlement, comme le vérificateur général, à être absolument bilingues. Un projet de loi privée alors mené par la députée néo-démocrate Alexandrine Latendresse.
« Cette loi était certes un pas en avant par rapport à la vacuité législative d’avant 2013, mais elle ne résout pas tout », avance Mme Chouinard.
« Dans cette loi, on parle de la capacité de parler et comprendre les langues officielles, c’était assez nébuleux de savoir ce que cela représente dans les tests linguistiques de la fonction publique canadienne. La loi reste peu claire sur comment évaluer et comprendre les langues officielles, car les élus ne sont pas assujettis à des tests linguistiques. Un agent parlementaire se voit demander de s’auto-déclarer compétent dans une langue. Il pourrait donc très bien surestimer sa capacité dans sa seconde langue officielle. »
Réactions nombreuses
Depuis hier, les hommages se sont multipliés pour saluer la mémoire de M. Ferguson, décédé d’un cancer à l’âge de 60 ans.
« Les services exemplaires que Mike Ferguson a rendus aux Canadiens tout au long de sa carrière, notamment à titre de vérificateur général, auront un effet durable sur notre pays », a gazouillé le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, sur Twitter.
Pour le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, Michael Ferguson était « une force incontournable ». « Il contribuait à garantir que le gouvernement travaille dans le meilleur intérêt de la population canadienne. Il nous manquera énormément. »
Un hommage aussi partagé par son homologue conservateur, Andrew Scheer. « Il a servi les Canadiens avec honneur et dévouement durant sa remarquable carrière et il nous manquera. »
Du côté des francophones, la principale réaction est venue de la FCFA. « La FCFA est attristée d’apprendre le décès de Michael Ferguson, le vérificateur général du Canada. Toutes nos condoléances à sa famille et à ses proches », a gazouillé l’organisme porte-parole des francophones en contexte minoritaire.