L'AEF existe depuis le 24 octobre 1974 à l'Université Laurentienne. Crédit photo : Inès Rebei/ONFR

SUDBURY – Le 23 octobre 1974 naissait l’Association des étudiants et étudiantes francophones de l’Université Laurentienne (AEF) à Sudbury. 50 ans plus tard, l’organisme est encore bien vivant, même s’il se remet encore de la crise qui a secoué l’établissement en 2021.

Aujourd’hui marque le cinquantième de l’AEF sur le campus avec, en après-midi, une activité conçue en partenariat avec le Centre franco-ontarien de folklore, visant à célébrer l’héritage francophone de l’organisme.

Ce sera aussi l’occasion de dévoiler des certificats de reconnaissance émis le 1er janvier 2024 par plusieurs hauts dignitaires, tels que le premier ministre Doug Ford, le député Jamie West et la députée France Gélinas.

« On ne peut pas croire qu’on a réussi à faire ça, parce que d’habitude, Doug Ford et les conservateurs ne reconnaissent pas souvent les francophones », confie Emily Benedicic, coordinatrice aux événements pour l’AEF.

Celle-ci souligne également le rôle particulier de l’AEF sur la scène franco-canadienne : « Ce que ces certificats reconnaissent, c’est que nous sommes la seule et unique association étudiante 100% francophone à l’extérieur du Québec qui a atteint ses 50 ans. Même à l’Université d’Ottawa, ce sont des associations bilingues ».

Emily Benedicic, coordinatrice aux événements pour l’AEF, est une passionnée de l’histoire franco-ontarienne. Source : Capture d’écran Youtube/Laurentienne

L’AEF a fait du chemin depuis ses débuts, dans un contexte marqué par une certaine méfiance envers les mouvements de revendication des francophones dans les années 60-70.

« Le fait qu’une telle association ait vu le jour sur le campus de la Laurentienne, c’était un signe fort du militantisme franco-ontarien à Sudbury », estime Nawfal Sbaa, président sortant et délégué à l’AEF.

Création du drapeau franco-ontarien

Parmi les moments marquants de son histoire, il y a le rôle important qu’a joué l’AEF dans le processus de création du drapeau franco-ontarien.

Ce fut Michel Dupuis, un étudiant de l’Université Laurentienne et membre de l’AEF, qui avait appuyé Gaëtan Gervais pour la conception du drapeau vert et blanc en 1975.

Jacqueline England, également membre de l’AEF, avait pour sa part cousu ce dernier, qui a été hissé pour la première fois le 25 septembre 1975 devant l’Université de Sudbury, alors fédérée à celle de la Laurentienne.

Des décennies plus tard, en 1992, c’est le début d’une vraie reconnaissance sur la scène provinciale : l’AEF obtient un statut officiel. « C’est là où il y a eu un vrai revirement, c’est devenu un engagement plus formel, plus officiel », continue M. Sbaa.

Le drapeau franco-ontarien célébré à l’Université Laurentienne par des membres de l’AEF. Crédit image : Inès Rebei/ONFR

Le difficile après crise

Le principal défi aujourd’hui reste de susciter de l’engagement auprès des jeunes étudiants francophones. Leur nombre a drastiquement diminué après la crise de 2021, qui a vu la suppression de 76 programmes, dont 28 programmes en français.

« On a un grand manque d’engagement et de participation. »
— Emily Benedicic

L’AEF reçoit une bonne part de son financement des frais d’inscriptions des étudiants francophones, si bien qu’elle avait perdu le tiers de son financement après que l’Université Laurentienne se soit placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

Néanmoins, l’organisme dit avoir eu, cette année, une augmentation de 12% de sa membriété par rapport à 2022 et vu une stagnation au niveau des inscriptions. Répondant à la question de la relation liant, aujourd’hui, l’organisme avec l’établissement, Emily Benedicic répond : « En gros ça va bien, mais il y a encore des défis à relever avec les francophones ».

« On a un grand manque d’engagement et de participation et je ne sais pas si ce n’est pas aussi dû à la manière dont on fait la promotion de nos événements », se questionne encore celle qui travaille à l’AEF depuis le mois d’août.

Nawfal Sbaa est le président sortant de l’Association des étudiants et étudiantes francophones de la Laurentienne. Crédit photo : Inès Rebei/ONFR

Réconciliation et tournant multiculturel

C’est aussi sous l’initiative de l’AEF qu’un lever de drapeau franco-ontarien a lieu, depuis 2022, tous les 25 septembre sur les terrains de l’Université Laurentienne, en parallèle avec celui de l’Université de Sudbury.

Marque d’une réconciliation bien entamée avec les organismes francophones, l’AEF participe depuis 2022 aux événements organisés par le Réseau de soutien à l’immigration francophone du nord de l’Ontario et vient d’en devenir un membre à part entière.

Pour souligner son adhésion, celle-ci tiendra une foire le 6 novembre prochain dans le cadre de la Semaine nationale de l’immigration francophone, en collaboration avec le Réseau du nord, afin de mettre en avant les ressources disponibles pour les francophones.

L’année 2022 marque aussi un véritable tournant pour l’organisme, qui revisite son orientation afin de refléter les changements au sein de la francophonie sudburoise, qui se diversifie avec l’arrivée de nouveaux immigrants francophones.

L’AEF a fait appel, en décembre dernier, à l’artiste Mique Michelle pour la création d’une nouvelle murale pour célébrer le 50e de l’AEF à l’EntreDeux, lieu de rassemblement sur le campus pour les étudiants francophones. Source : Facebook/AEF

Semaine de l’Histoire noire en février, semaine francophone internationale en mars, semaine de l’éducation francophone, Franco-Halloween, Franco-Valentin, Franco-femme de l’année : autant de nouveaux événements qui démontrent une volonté pour l’association de se mettre à la page.

Pas juste une association locale

L’AEF d’aujourd’hui dit voir les choses en grand. Quelques mois plus tôt cette année, en mars, l’association avait organisé un Gala pour souligner son 50e en avance et avait réuni près de 300 personnes, y compris des députés provinciaux et fédéraux.

« L’AEF ne se définit plus uniquement comme une association étudiante locale. »
— Nawfal Sbaa

« Il y a des gens qui se sont demandé : ‘c’est juste une association étudiante, comment peuvent-ils faire un Gala?’ Mais on était agréablement surpris par la réussite de la soirée », se souvient Mme Benedicic.

Lors du Congrès annuel de l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO), qui s’est tenue la fin de semaine passée, une motion avancée par la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) demandait que l’AFO vienne en aide à l’AEF.

Cette motion, qui a été adoptée lors de l’assemblée générale, stipulait que l’organisme porte-parole des francophones devait mettre en œuvre des initiatives afin de veiller à ce que l’AEF ne soit pas amalgamée.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est un syndicat national bilingue composé de plus de 530 000 membres, représentés par plus de 65 syndicats étudiants de collèges et d’universités du Canada. Crédit photo : Inès Rebei/ONFR

En outre, l’AEF est membre de la Fédération des étudiants canadiens et canadiennes et a obtenu le mandat de Commissaire aux Affaires francophones pour les deux prochaines années, après avoir remporté des élections en 2023.

L’organisme participe aux semaines de lobbying à la fois à Queen’s Park et sur la colline d’Ottawa, afin de défendre les intérêts des étudiants francophones.

« L’AEF est ouverte aux collaborations avec d’autres organismes et ne se définit plus uniquement comme une association étudiante locale, mais veut jouer un rôle important en Ontario francophone », finit Nawfal Sbaa.