Remaniement ministériel : ​un exercice d’équilibre

La première ministre Kathleen Wynne et la lieutenante-gouverneure Elizabeth Dowdeswell lors de l’assermentation de Marie-France Lalonde (au centre) en tant que ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, lundi 13 juin. François Pierre Dufault

[ANALYSE]

Un remaniement ministériel est un exercice d’équilibre. Un équilibre dans la diversité et l’expérience des élus. Un équilibre dans la représentation des régions. Et de plus en plus, un équilibre dans la représentation des hommes et des femmes.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Voilà tout ce dont Kathleen Wynne a dû tenir compte lorsqu’elle a brassé les cartes de son conseil des ministres, lundi 13 juin.

La première ministre de l’Ontario aurait bien aimé atteindre l’équilibre des genres, comme l’a fait son homologue fédéral Justin Trudeau avec son conseil des ministres, l’automne dernier. Mais un cabinet avec autant d’hommes que de femmes n’aurait pas nécessairement été équilibré au niveau de l’expérience ou de la représentation régionale, et vice versa.

Mme Wynne a donc dû faire des choix.

Résultat : elle a dû se contenter d’un conseil des ministres composé à 40% et non 50% de femmes. Et pour atteindre un bon équilibre d’expérience et de sang neuf, elle a dû laisser partir « volontairement » quatre vieux routiers de la politique – dont Madeleine Meilleur, titulaire des Affaires francophones pendant 13 ans – et faire entrer sept nouvelles recrues.

La chef libérale à Queen’s Park n’a visiblement pas pu changer le visage de sa garde rapprochée autant qu’elle l’aurait souhaité.

Dans le Nord ontarien, où le gouvernement ne compte que quatre députés, il aurait été difficile pour Kathleen Wynne de ne pas reconduire Michael Gravelle et Bill Mauro au conseil des ministres, même si ces derniers ne correspondent pas tout à fait à la nouvelle image jeune et diversifiée qu’elle veut projeter.

Et dans la région d’Ottawa, qui a toujours compté trois ministres depuis l’élection du premier gouvernement de Dalton McGuinty en 2003, il aurait été tout aussi difficile de larguer le vétéran Bob Chiarelli même s’il a connu des temps difficiles à l’Énergie.

L’équilibre est souvent fragile.

Pour faire de la place à des nouveaux venus, Mme Wynne a choisi de scinder en deux quelques portefeuilles, comme le ministère des Affaires civiques et de l’Immigration qu’elle a détaché du Commerce international, ou encore le ministère du Logement, qu’elle a détaché des Affaires municipales. Elle a ainsi accouché d’un des plus gros cabinets de l’histoire de la province, avec 30 ministres.

Ce qui fait qu’il y a aujourd’hui plus de ministres que de députés d’arrière-ban libéraux à Queen’s Park.

Prochaines élections

Pour ajouter à la complexité de l’exercice, la première ministre a dû penser aussi aux prochaines élections. Son parti a fait des gains importants dans des circonscriptions-baromètres lors du dernier scrutin, et même dans des comtés qui n’avaient pas l’habitude de voter « rouge » comme Burlington, Cambridge et Newmarket-Aurora.

Une voix au cabinet est un bon moyen de fidéliser les électeurs.

Ce n’est donc pas un hasard si cinq des sept recrues au nouveau conseil des ministres de l’Ontario représentent des circonscriptions que les libéraux ont arrachées aux mains de leurs rivaux par moins de 10% des suffrages lors des dernières élections générales, ou lors d’une élection partielle dans le cas de Glenn Thibeault à Sudbury.

Les progressistes-conservateurs à Queen’s Park n’ont d’ailleurs pas perdu de temps à qualifier ce remaniement ministériel de « programme pour sauver des sièges ».

Finalement, à la mi-mandat, Kathleen Wynne devait envoyer un signal de continuité. C’est ce qu’elle a fait en gardant Charles Sousa aux Finances, le Dr Eric Hoskins à la Santé et aux Soins de longue durée, et Brad Duguid au Développement économique. C’est ce qu’elle a fait aussi en plaçant Marie-France Lalonde à la succession de Madeleine Meilleur aux Affaires francophones.

L’arrivée d’une force tranquille comme Mitzie Hunter à l’Éducation s’inscrit également dans cet esprit de continuité.

Étonnamment, peut-être, la première ministre a choisi de ne pas sévir contre Glen Murray, son ministre de l’Environnement dont le plan d’action contre le changement climatique a fait polémique avant même son récent dévoilement, ou encore Helena Jaczek, sa ministre des Services sociaux qui a réagi de manière très désinvolte aux problèmes d’un nouveau système informatisé d’envoi des chèques d’aide sociale.

Encore là. Il fallait faire des choix.

Tout n’​était​ qu’une question d’équilibre.

Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 15 juin.