Rentrée : « bulle sociale » à l’élémentaire et masques au secondaire?
Les discussions vont bon train en coulisses sur la façon dont la rentrée scolaire devrait se faire en Ontario. Alors que la situation pandémique semble se stabiliser, des experts font de nouvelles propositions pour permettre un retour en classe, qui épargnera une partie des maux de têtes aux parents. Mais des conseils scolaires craignent quand même d’être la cible de poursuites judiciaires.
« Je crois d’abord qu’il faut adopter une approche différente selon qu’on parle de l’élémentaire ou du secondaire. À l’élémentaire, il est possible de croire qu’on peut transformer une classe pleine avec sa vingtaine d’élèves en… bulle sociale », affirme le médecin Paul Roumeliotis, président de l’Association des médecins hygiénistes de l’Ontario.
En entrevue à ONFR+, il a accepté de partager ses réflexions du moment sur les mesures qui pourraient être mises de l’avant par les dirigeants politiques en vue de la rentrée scolaire.
« Ce serait une bulle avec une vingtaine d’enfants qui ne se mêleraient pas aux autres classes et qui feraient tout ensemble. Je ne vois pas un autre moyen si on veut tous les enfants à l’école et les avoir à l’école cinq jours par semaine », affirme celui qui est aussi directeur de la santé publique du Bureau de la santé de l’est de l’Ontario. « Et si on a un enfant malade, on aura ces 20-25 jeunes qu’on pourra suivre facilement », ajoute-t-il.
Au début du mois de juillet, le gouvernement Ford a exigé trois scénarios aux conseils scolaires pour un retour en classe en septembre. Tous doivent fournir une proposition classique où les élèves seraient sur les bancs d’école cinq jours par semaine, une autre où ils feraient l’école à distance, puis une dernière, misant à la fois sur une offre virtuelle et une offre en classe.
Mais le modèle « hybride » fait de moins en moins de sens, selon le Dr Roumeliotis. Et les parents ont bien fait entendre leur insatisfaction depuis un mois à ce sujet, ce qui a ébranlé le monde politique.
« Si on fait ça, on va frapper un mur, car les parents doivent travailler. Le ministère de l’Éducation répète maintenant que les élèves doivent être en classe, car il faut une solution pour permettre aux parents de retourner au travail », affirme-t-il.
Le Dr Hugues Loemba, médecin clinicien-chercheur et virologue, est aussi d’avis qu’une bulle sociale est une solution acceptable à l’élémentaire.
« Pour les enfants de moins de 10 ans, il y a moins de risque. Des classes plus grandes avec 25 élèves, c’est possible. Mais si on fait une bulle sociale, il faut quand même faire du lavage de mains fréquent et tester régulièrement. Et la classe qui est en bulle sociale ne doit pas aller jouer avec le reste de l’école », insiste-t-il.
Le Dr Loemba est cependant aussi en faveur du port de visière pour les plus petits, puis du masque pour les enfants qui peuvent le porter de manière sécuritaire.
Pour celui qui collabore avec les cliniques de l’Université d’Ottawa et de l’Hôpital Montfort, le retour à l’école revêt une importance pour s’assurer de l’équilibre mental des jeunes.
« Mais attention, n’oublions pas les jeunes avec des problèmes de santé qui pourraient les mettre à risque face au virus. Il faut leur permettre, à eux, de rester à la maison et ne pas appliquer une règle unique pour tous », insiste-t-il.
Et pour la rentrée au secondaire?
Au secondaire, le Dr Roumeliotis est d’avis que l’approche peut être différente.
« On peut demander le masque aux élèves du secondaire. Une fois au pupitre, les jeunes pourraient les enlever si les pupitres sont bien distancés. Puis, on les remet dans les corridors », affirme-t-il.
Mais cette distance des pupitres pourrait forcer les écoles secondaires à limiter le nombre d’élèves. Dans cette optique, le Dr Roumeliotis est favorable au modèle hybride où les jeunes du secondaire pourraient assister à des cours deux jours par semaine, puis suivre le reste de leur formation depuis la maison.
Le Dr Loemba est du même avis.
« Au secondaire, il faut avoir plus de flexibilité au niveau de l’organisation des cours. Eux, c’est comme les adultes, ils peuvent tomber malades et en mourir », alerte-t-il.
Le Dr Loemba croit en la nécessité pour les conseils scolaires d’être réactifs, cet automne.
« Si le virus reprend dans votre région, on retourne avec les cours à distance pendant quelques temps. S’il y a moins de cas, on revient en classe. Il faut une surveillance constante », dit-il. « On doit vivre autour de ce virus, mais on ne peut pas l’ignorer. Et les employeurs des parents doivent aménager le temps pour permettre encore du travail à distance. »
Des conseils scolaires craignent les poursuites
En entrevue avec ONFR+, un conseiller scolaire francophone qui préfère garder l’anonymat évoque des discussions tendues concernant l’aspect juridique d’un retour en classe.
« Il y a des parents qui semblent se préparer à lancer des attaques en justice. Si un enfant tombait malade, nous avons peur des poursuites en justice. Le gouvernement nous avait dit qu’il trouverait un moyen d’empêcher cela dans sa législation, mais il ne l’a pas fait », dit-il.
Denis Chartrand, président de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques francophones (ACÉPO), est aussi inquiet à ce sujet.
« Je pense qu’on est dans une situation extrême. Je ne suis pas avocat, mais même si tout le monde peut poursuivre tout le monde, je ne vois pas comment on pourrait blâmer un conseil scolaire considérant tout le travail qui est fait en matière de sécurité et de prévention. Mais peut-être que la loi pourrait être plus claire à ce sujet », dit-il.
Le Dr Roumeliotis croit qu’une poursuite a peu de chance d’aboutir.
« Un parent peut poursuivre, mais il sera difficile d’établir que c’est la faute de l’école s’il y a eu contamination. Mais soyons clairs : s’il y a un risque, nous n’ouvrirons pas les écoles », dit-il. « Si les chiffres augmentent, on va relancer l’école à distance. Mais actuellement, il est difficile de prévoir la situation dans un mois. »
Interrogé à ce sujet, le ministère de l’Éducation n’a pas fourni de réponse précise, préférant rappeler son désir de protéger les élèves à la rentrée.