
Samuel Zakutney : « Je peux encore rivaliser avec les meilleurs » aux Championnats du monde de gymnastique

[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Samuel Zakutney est un gymnaste artistique franco-ontarien originaire d’Ottawa, membre de l’équipe canadienne masculine depuis près d’une décennie. Il a pris part aux Jeux olympiques de Paris 2024, marquant un retour remarqué après plusieurs blessures.
LE CONTEXTE :
Après avoir disputé la coupe Paris World Challenge (une étape du circuit de Coupe du monde de gymnastique artistique), où il a atteint la finale aux barres parallèles en septembre, Samuel Zakutney a été retenu pour représenter le Canada aux Mondiaux. Le gymnaste de 27 ans espère conclure sa saison sur une performance de référence lors de cette 53ᵉ édition des Championnats du monde de gymnastique artistique, qui auront lieu du 19 au 25 octobre 2025 à l’Indonesia Arena de Jakarta (Indonésie). Zakutney s’alignera sur les deux agrès dont il est le spécialiste : les barres parallèles et la barre fixe.
L’ENJEU :
Quelques jours avant le début de la compétition, le Franco-Ontarien évoque sa préparation, les défis physiques et mentaux d’une fin de carrière bien gérée, et son regard sur l’avenir de la gymnastique masculine au Canada.
« Comment se sont passées vos qualifications pour ces Mondiaux?
En général, j’étais assez satisfait de ma performance, même si j’aurais voulu me qualifier automatiquement. Il fallait réussir les routines les deux jours, avec une bonne note de départ et d’exécution. J’ai réussi une fois sur deux pour chaque agrès, donc la décision finale revenait au comité de sélection. Heureusement, ça s’est bien terminé, et la préparation depuis va dans la bonne direction.
Depuis quand vous préparez-vous pour Jakarta?
Je dirais depuis la fin mai. Même avant de savoir si je serais sélectionné, je m’entraînais comme si j’y allais. La préparation s’est bien passée, j’ai gagné en stabilité et en confiance. J’ai aussi participé à la Coupe du monde de Paris, où j’ai atteint la finale aux barres parallèles, c’était un bon signe avant ces Mondiaux.
Comment s’est déroulé le voyage vers l’Indonésie?
Assez long! On a fait Montréal–Tokyo en 14 heures, puis Tokyo–Jakarta en 8 heures. Au total, presque 24 heures de déplacement. Mais le décalage horaire est plus facile à gérer qu’en Europe. L’équipe s’est bien adaptée, les routines sont stables, même si le corps commence à être un peu fatigué et que j’ai quelques petites blessures.
Vous mentionnez ces petites douleurs physiques. Est-ce plus facile à gérer avec l’expérience?
Oui, un peu. Je suis quelqu’un d’assez têtu à l’entraînement : j’aime répéter jusqu’à ce que ça passe. Mais avec le temps, j’ai appris à accepter qu’une mauvaise journée ne veut pas dire que tout l’entraînement est raté. Je suis plus à l’écoute de mon corps, surtout que j’approche de la fin de ma carrière. L’objectif, c’est d’éviter les blessures inutiles et de rester en santé. Ces petits bobos, c’est normal à ce stade de la préparation : on apprend à composer avec.
Et comment trouvez-vous l’ambiance à Jakarta?
C’est la première fois que je viens en Indonésie, et je trouve que c’est un excellent choix de pays hôte. L’ambiance est chaleureuse, les gens sont accueillants et les installations sont superbes. Il fait très chaud, un peu comme lors des Jeux mondiaux universitaires de 2017 à Taipei, donc ça me rappelle de bons souvenirs. C’est toujours stimulant de découvrir un nouvel environnement, surtout en Asie. J’essaie d’en profiter pleinement, même si la priorité reste la compétition.

Quels sont vos objectifs pour ces Mondiaux?
Mon but serait d’atteindre le top 15 ou 16 aux barres parallèles et à la barre fixe. Si je pouvais être réserviste pour une finale (autour du top 12), ce serait déjà énorme. Je veux surtout montrer que je peux encore rivaliser avec les meilleurs.
Qu’est-ce que cela représente pour vous de porter le maillot du Canada? Y a-t-il quelque chose de particulier à le faire en tant qu’athlète francophone?
C’est toujours un privilège. Peu importe la langue qu’on parle, représenter le Canada, c’est spécial. La gym est un sport exigeant mentalement, donc monter sur la scène internationale avec la feuille d’érable sur le cœur, c’est une belle récompense après tout le travail. Porter le rouge et blanc, ça me rappelle pourquoi je fais ça.
Comment évaluez-vous l’évolution de la gymnastique au Canada?
Honnêtement, je pense que la transition va être difficile après notre génération. On a beaucoup misé sur les seniors pour Paris 2024, au détriment des juniors. Après les retraites de gars comme René Cournoyer ou William Emard, il faudra du temps pour que la relève mûrisse. Ce sera notre responsabilité de garder le niveau qu’on a établi à Paris.
Et pour la suite? Pensez-vous déjà aux Jeux de Los Angeles 2028?
C’est sûr que j’y pense, mais je prends les choses une année à la fois. Je veux rester en forme physiquement et mentalement, tout en équilibrant ma vie personnelle. Je suis marié, et je suis aussi dans le processus de trouver un emploi. C’est une nouvelle phase de ma vie où je dois concilier mes ambitions sportives avec d’autres responsabilités.
Je sais que la charge d’entraînement diminuera peut-être un peu, mais ça me fera du bien mentalement d’avoir d’autres horizons. Je veux continuer à performer, mais sans me mettre une pression inutile. Si j’arrive jusqu’à Los Angeles, ce sera formidable. Sinon, je saurai que j’ai tout donné pour me donner une vraie chance d’y être. »