Une année difficile pour le système de santé en Ontario
La pandémie de COVID-19 a éreinté le système de santé en Ontario et le bilan de la province est loin d’être réjouissant. La santé, ce bien si précieux et pourtant si difficile à maintenir, fait désormais face à une multitude de problèmes. Pénurie, rétention, plafonnement des salaires, centres de soins longue durée, urgences fermées, arriérés chirurgicaux… une liste non exhaustive qui fait froid dans le dos.
Cela fait plus de deux ans que le système de santé dans la province peine à se relever des conséquences de la pandémie. Le gouvernement Ford a mis en place plusieurs mesures avec son « plan pour rester ouvert », mais l’ampleur du phénomène, bien que mondial, fait craindre le pire.
D’abord, la pénurie des professionnels de santé tels que les infirmières et infirmiers atteint un point de non-retour, selon de nombreux experts. Les heures supplémentaires et la charge de travail, déjà élevées avant la pandémie, révèlent le besoin urgent d’embauches dans le secteur.
« Cette situation s’est vraiment détériorée et on observe des augmentations drastiques des heures supplémentaires et des charges de travail », indique un récent rapport de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario qui représente 68 000 membres de la profession.
En novembre 2022, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) annonçait que l’Ontario devrait embaucher plus de 24 000 infirmières immédiatement pour atteindre la moyenne nationale. Sans compter l’exode des soignants et le nombre grandissant de départs à la retraite des médecins de famille.
Fermeture d’urgences
Une dizaine de services d’urgences ont été contraints de fermer en 2022. Parfois, pour une nuit, un week-end, mais aussi plus longtemps. La raison : une grave pression liée au manque de soignants.
À Ottawa, à Alexandria, près de Toronto, dans le Sud-Ouest, à Perth et partout en Ontario, les ambulanciers ont été redirigés vers des hôpitaux communautaires qui subissaient eux aussi la congestion.
Les urgences ont enregistré des taux d’occupation de plus de 200 %. À cela s’ajoutent des délais d’attente de plus en plus longs, pouvant aller jusqu’à 20 heures selon les hôpitaux et les départements.
Le décrié projet de loi 124
Entrée en vigueur en 2019, la Loi visant à mettre en œuvre des mesures de modération concernant la rémunération dans le secteur public de l’Ontario plafonne les hausses salariales dans le secteur public.
Très controversée, cette Loi touche près d’un million de personnes en Ontario. Fonctionnaires provinciaux, employés de l’éducation, des hôpitaux et des centres de soins de longue durée peuvent seulement percevoir une augmentation de salaire annuelle de 1 % ce qui est largement inférieur au taux d’inflation.
En 2022, après l’épuisement du personnel, plusieurs organismes ont sonné l’alarme. Ce projet de loi serait « cruel » considérant l’investissement des soignants durant la pandémie et il serait pointé du doigt comme étant une des raisons de la pénurie de personnel. Au début du mois de décembre, les tribunaux ont jugé la loi inconstitutionnelle. Le gouvernement a tout de même fait part de son intention de contester cette décision en appel.
Plusieurs opérations au point mort
Le nombre d’arriérés chirurgicaux serait critique, selon l’organisme Qualité des services de santé Ontario, responsable provincial de la qualité des soins : « L’attente s’explique par le fait que le nombre de personnes qui ont besoin du traitement est supérieur au nombre de rendez-vous, de médecins ou de dispositifs disponibles pour ce traitement dans leur région. »
Une personne dont la vie en danger sera traitée avant celles qui ont une maladie moins grave. En Ontario, la liste ne semble pas réduire pour les opérations chirurgicales cardiaques, les arthroplasties de la hanche ou du genou, les chirurgies de la cataracte ou encore les examens spécialisés comme les IRM.
À ce jour, on dénombre plus d’un million de procédures en attente.
Désengorger l’hôpital à tout prix
En septembre, le gouvernement Ford a adopté le projet de loi 7 dans une certaine hâte.
Cette nouvelle Loi oblige les patients des hôpitaux en Ontario, qui occupe un lit, mais non plus besoin de soins aigus, d’être déplacés dans un centre de soins de longue durée.
La controverse est multiple. En effet, les patients pourraient être envoyés dans un foyer à plusieurs kilomètres de leurs familles. Autre inquiétude : le cas des francophones qui pourraient être transférés là où les services en français seraient inexistants. Le tout sans le consentement des patients et, s’ils refusent, des frais quotidiens de 400 dollars prescrits.
La crise en santé affecte durement les enfants
Depuis le début de l’été, les étagères de médicaments en pharmacie ont perdu de leur superbe. L’Advil et le Thylenol se font rares, une pénurie de produits pour nourrissons et pour enfants à base d’ibuprofène et d’acétaminophène qui touche l’ensemble du Canada.
À l’heure actuelle, plus de 50 % des enfants inscrits sur les listes d’attente pour une chirurgie en Ontario patientent plus longtemps que ce qui est considéré comme cliniquement sûr par les experts médicaux.
C’est sans compter, le temps d’attente pour allouer des tests d’imagerie médicale. Pour voir un pédiatre, le temps d’attente est estimé à près de 12 mois dans certaines régions de l’Ontario.
Avec les virus respiratoires tels que la grippe, en hausse en cette fin d’année, les urgences pédiatriques sont déjà à bout de souffle. D’ailleurs, au milieu du mois du novembre, un enfant est décédé de la grippe dans une clinique de Brockville au nord de Kingston.
Selon nos confrères de CTV News, le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) aurait dans les deux premières semaines de novembre réanimé 44 enfants. Selon un récent communiqué de l’hôpital, cette saison de grippe atteindrait « un record historique ».
Pour 2023, reste à voir comment la ministre de la Santé Sylvia Jones mettra en place ses projets de loi censés embaucher plus de personnels, reconnaître les diplômes étrangers, créer plus de lits et pallier toutes sortes de pénuries.