« Si peu de gens connaissent notre histoire », lance le Métis Mitch Case pour la Journée Louis Riel
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Mitch Case* est le conseiller régional de la communauté métisse de Huron-Supérieur à la Nation métisse de l’Ontario.
LE CONTEXTE :
Le 16 novembre est l’anniversaire de la pendaison de Louis Riel par le gouvernement canadien, survenu en 1885. La Journée Louis Riel souligne l’héritage et les contributions de Louis Riel, et est aujourd’hui reconnue par le gouvernement canadien.
L’ENJEU :
La Nation métisse de l’Ontario a été créée en 1993 pour former un gouvernement moderne qui représente l’ensemble des communautés métisses de la province. Ces dernières et leurs enjeux propres sont encore méconnus des Ontariens et des Canadiens.
« Que devrions-nous savoir sur la Nation métisse de l’Ontario?
La communauté métisse de l’Ontario est forte et vibrante. Elle est composée des sept communautés métisses historiques de l’Ontario, et d’environ 6 000 citoyens métis qui viennent du Manitoba ou de la Saskatchewan et qui sont maintenant chez eux en Ontario.
En 2003, la Cour suprême du Canada a reconnu les Métis comme peuple distinct, après une saga judiciaire de 10 ans qu’on appelle aujourd’hui l’affaire Powley. Qu’est-ce que cette reconnaissance a changé pour les Métis de l’Ontario?
Depuis cette décision, les gouvernements ne peuvent plus ignorer les communautés et les droits des Métis, ce qui était la façon de faire depuis plus d’un siècle. Avec les Premières Nations, le gouvernement canadien a pris l’approche de créer la Loi sur les Indiens et d’essayer de contrôler chaque aspect de la vie de ces personnes. Mais pour les Métis, l’approche du gouvernement était de nous ignorer complètement. Nous n’allons ni vous parler, ni vous écouter, ni reconnaître votre existence.
La décision Powley a permis de faire tomber ce mur qui avait été érigé pour empêcher les Métis de s’épanouir et de faire reconnaître les enjeux qui les concernent. Cette affaire a ouvert la porte pour des arrangements communs ou pour du soutien à des initiatives culturelles, ou à des enjeux comme le logement et la santé, par exemple.
Comment va la relation entre la Nation métisse de l’Ontario et les gouvernements provincial et fédéral aujourd’hui?
Vous savez, le Canada est bon pour parler des enjeux autochtones et pour parler de réconciliation. Il n’est pas toujours aussi bon pour atteindre ses objectifs que pour en parler. Mais il y a une volonté. Il y a des bosses sur toutes les routes et des tensions dans toutes les relations. C’est compliqué et ça prend des adultes à la table pour en parler.
Comme citoyens, que devrions-nous faire pour travailler à la vérité et à la réconciliation avec les Métis?
Il faut s’éduquer sur les communautés métisses, surtout celles de l’Ontario, où il y a souvent une incompréhension à propos de qui nous sommes. Je recommande le site web ontariometisfacts.com, une superbe ressource éducative que notre gouvernement métis a mise en place pour raconter les histoires de nos communautés.
L’un des plus gros défis est que même aujourd’hui, les Canadiens et les Autochtones ne se connaissent pas assez, mutuellement.
Est-ce qu’il y a des francophones parmi les Métis de l’Ontario?
Oui. Il y a une bonne proportion de francophones, particulièrement dans les régions de Timmins et de la Baie Géorgienne.
Quels parallèles peut-on dresser entre les enjeux des francophones et des Métis?
Je ne suis pas certain. L’un de nos défis est qu’il y a souvent une appropriation, surtout au Québec, où les gens veulent réclamer Louis Riel comme un héros des droits des francophones, ce qu’il était assurément. Mais nous, les Métis, ce n’est pas de cette façon que nous le voyons, alors que nous sommes toujours à la recherche de notre place dans la Confédération…
Dans les années 1990, le gouvernement québécois ne s’est même pas présenté aux tables de discussions sur les droits des Autochtones au Canada. Mais après, il veut s’approprier le leader métis comme s’il parlait pour les droits (des Québécois). Ça crée des tensions dans la relation, mais c’est plutôt un problème politique. Au final, nous sommes tous des humains qui voulons voir nos enfants grandir et s’épanouir.
En tant que personnes de cultures différentes qui vivent dans ce qu’on appelle maintenant le Canada, si nous pouvions simplement apprendre à nous parler, nous réaliserions que nous voulons tous la même chose. Si chacun réalise que ses enfants réussiront si les autres enfants ont aussi les conditions pour réussir, nous pourrons bâtir une grande société. C’est en grande partie ce pour quoi Louis Riel s’est battu.
Nous voulons simplement être libres de faire nos affaires. Nous n’avons absolument aucun problème à ce que vous fassiez les vôtres.
Le Centre du patrimoine métis de Sault Ste. Marie a ouvert ses portes en octobre. De quoi s’agit-il?
C’est notre nouveau lieu de rassemblement communautaire. Il y a un espace-musée qui raconte l’histoire de nos communautés et de nos luttes. C’est une réussite extraordinaire du Conseil historique des Métis de Sault Ste. Marie.
Il y a quelques jours, vous avez participé à un panel organisé par le Barreau de l’Ontario. De quoi était-il question?
Nous avons parlé de l’histoire et de l’évolution de la reconnaissance des droits des Métis et des enjeux qui doivent encore être résolus entre le Canada et nous. Nous parlions encore une fois du fait que si peu de gens connaissent notre histoire. Et si vous ne comprenez pas l’histoire, il est très difficile de comprendre où nous en sommes aujourd’hui et pourquoi certaines choses ont encore autant d’importance pour nous.
Quel message supplémentaire aimeriez-vous lancer en cette Journée Louis Riel?
Je voudrais dire que nous vivons dans des temps incertains. Le monde est beaucoup plus petit qu’avant, mais ses problèmes semblent prendre de l’ampleur.
De la perspective de nos communautés, nous avons déjà vécu des temps incertains par le passé. Nous restons dévoués à l’idée de la réconciliation, de construire un meilleur futur pour tous, ensemble.
Si des gens qui lisent cette entrevue y voient une importance de bâtir une relation avec la Nation métisse de l’Ontario et ont envie de trouver des façons dont nous pouvons nous soutenir les uns les autres, ça signifie beaucoup pour nous. »
*Cette entrevue a été réalisée en anglais.