Signalisation routière : en quête d’un « geste de leadership »
TORONTO – La signalisation routière en Ontario s’avère un véritable labyrinthe pour les francophones, tant les panneaux bilingues apparaissent et disparaissent d’une région à l’autre de la province.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufaultSÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz
Dans les faits, la province respecte sa Loi sur les services en français lorsqu’il est question de signalisation routière. Elle y applique le même traitement qu’à l’ensemble des services dans la langue de la minorité : les panneaux ne sont donc bilingues que « là où le nombre (de francophones) le justifie ».
Mais, comme l’observent un nombre grandissant d’experts, le réseau routier de l’Ontario n’est pas un service public comme les autres, dans ce sens qu’il ne dessert pas les francophones seulement que dans les 25 régions de la province où ils sont suffisamment nombreux aux yeux de la loi.
Pour que Queen’s Park désigne une région en vertu de la Loi 8 de 1986, il faut que les francophones représentent au moins 10% de la population locale, ou qu’ils soient 5000 ou plus dans un centre urbain.
Ainsi, un automobiliste francophone qui fait la route de Toronto à North Bay peut apercevoir des panneaux bilingues à son départ de la métropole, près de Barrie et à son arrivée à destination. Seulement trois points sur un trajet d’environ 350 kilomètres.
Handicapant
« Ça n’a pas beaucoup de sens », lance le professeur Pierre Filion, un expert dans le domaine des transports de l’Université de Waterloo. « Si vous dépendez des affiches en français, et que les affiches en français apparaissent et disparaissent, c’est un peu comme si vous êtes handicapé en fauteuil roulant, et que vous pouvez circuler à certains endroits mais pas d’autres car il n’y a pas les accès nécessaires ».
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) abonde dans le même sens.
« Les francophones de l’Ontario et d’ailleurs au Canada ne voyagent pas seulement que dans les régions désignées », laisse tomber Denis Vaillancourt, président de l’AFO à #ONfr. « L’autoroute 401 de même que les routes 11 et 17 font partie du réseau de la route transcanadienne. Et le bilinguisme fait partie de l’identité ontarienne et canadienne. Qu’est ce qui empêche le gouvernement d’aller de l’avant? Ce serait un beau geste de leadership ».
M. Vaillancourt ne voit « pas d’obstacle majeur » à ce que la province traduise ses panneaux routiers « progressivement », à mesure qu’ils ont besoin d’être remplacés. « Je ne crois pas que ça soulèverait pas une controverse », avance-t-il.
L’AFO demande à la province d’étendre l’affichage bilingue à l’ensemble de son réseau routier depuis plusieurs années déjà.
« Pas plus cher »
« Écoutez, je crois que ça ne coûte pas plus cher d’avoir des panneaux bilingues dans des lieux de juridiction provinciale, et pas seulement dans les zones protégées par la Loi 8 », affirme Madeleine Meilleur, ministre responsable des Affaires francophones de l’Ontario, à #ONfr. « C’est quelque chose que j’ai déjà soumis au ministère des Transports et que je vais de nouveau réitérer. On sait que les ministres au ministère des Transports changent régulièrement ».
Le ministère des Transports a pourtant connu quelques titulaires francophiles dans un passé récent, à commencer par Glen Murray, qui s’est déjà prononcé en faveur d’une université franco-ontarienne, et Bob Chiarelli, un ancien maire d’Ottawa qui a tenté à son époque de rendre la ville officiellement bilingue.
« On n’a pas besoin d’attendre que la province soit officiellement bilingue pour que l’affichage routier soit entièrement bilingue », presse M. Vaillancourt. « L’année du 400e anniversaire de la présence française dans la province serait d’ailleurs une bonne occasion de le faire. Ce serait une belle reconnaissance ».