Simard quitte le gouvernement progressiste-conservateur

Une affiche électorale de la députée de Glengarry-Prescott-Russell, Amanda Simard. Crédit image: Archives #ONfr

TORONTO – La députée progressiste-conservatrice Amanda Simard a décidé de quitter le caucus progressiste-conservateur. Elle annonce, ce jeudi, qu’elle siégera désormais comme indépendante.

Les reculs très « cosmétiques » du gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford quant aux compressions qui touchent les Franco-Ontariens, vendredi, n’auront donc pas suffi à Amanda Simard. Alors que la pression se faisait de plus en plus forte sur la députée franco-ontarienne, celle-ci a décidé, ce jeudi, de quitter le caucus progressiste-conservateur de l’Ontario et de siéger comme indépendante.

« Je vous avise qu’à compter de maintenant, je ne suis plus membre du caucus progressiste-conservateur. Je continuerai de siéger à l’Assemblée législative de l’Ontario, mais en tant qu’indépendante », écrit-elle dans une lettre adressée au président de l’Assemblée législative de l’Ontario, le progressiste-conservateur Ted Arnott, ce matin, et dont #ONfr a obtenu copie.

Mme Simard avait réussi, le 7 juin dernier, à ravir la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell qui était entre les mains du Parti libéral de l’Ontario depuis 37 ans.

« Résistons »

L’annonce de Mme Simard fait suite à ses prises de position remarquées contre les décisions de son gouvernement.

L’ancienne conseillère municipale du Canton de Russell, qui était l’adjointe parlementaire de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, avait vivement dénoncé l’abolition du Commissariat aux services en français et l’abandon du projet d’université franco-ontarienne.

Et même après le repositionnement du Parti progressiste-conservateur (Parti PC), vendredi, elle avait exprimé de nouveau son insatisfaction en publiant un laconique « Résistons » sur les médias sociaux, suivi d’une lettre signée par 111 avocats et juristes francophones et francophiles qui appuyaient sa démarche.

Hier, en Chambre, Mme Simard s’était fait refuser le droit de prendre la parole lors des débats sur une motion néo-démocrate dénonçant les coupes francophones. Elle avait tout de même réussi à s’exprimer devant les députés, dans un discours très émotif où elle maintenait sa désapprobation.


« C’est sans doute parce qu’elle a constaté que, après avoir utilisé tous les moyens de pression possibles au sein de son parti, cela ne changeait pas grand-chose » – Stéphanie Chouinard, politologue


« Je suis un peu surprise que ce soit elle qui quitte et non le parti qui l’exclut », réagit pourtant la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.

Un avis que partage Peter Graefe, de l’Université McMaster.

« Elle aurait très bien pu rester dans le caucus après avoir vu le léger recul du gouvernement de Doug Ford, même s’il n’était pas suffisant pour la communauté franco-ontarienne. On a vu que ses critiques avaient quand même un léger impact. »

Quelques heures après l’annonce de Mme Simard, le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario a toutefois affirmé que son expulsion était à l’ordre du jour de la rencontre du caucus qui se tenait à 7h30, ce jeudi.

Quel rôle comme indépendante?

La décision de Mme Simard de siéger comme indépendante risque de nuire à son travail de députée.

« Siéger comme indépendante veut dire moins de ressources pour de la recherche et des communications. Ce sera également très difficile pour elle de prendre la parole en Chambre, d’autant que le président est progressiste-conservateur », rappelle Mme Chouinard.

Le politologue Peter Graefe renchérit : « Au sein d’un parti, on a accès à beaucoup plus de ressources pour faire des recherches, préparer ses dossiers… Désormais, elle pourra peut-être poser trois ou quatre questions en quatre ans en Chambre et ne pourra plus faire partie des comités parlementaires. Devenir indépendant, c’est un peu s’effacer. »

Même son avenir politique s’obscurcit avec cette décision.

« On a vu très peu de députés capables de se faire réélire comme indépendants. Dans trois ans et demi, elle n’aura pas le soutien financier d’un parti pour faire campagne, ce sera très difficile », évalue Mme Chouinard.

La politologue du Collège militaire royal du Canada n’exclut toutefois pas un retour au bercail pour Mme Simard.

« Il est certain que son avenir au Parti PC est bouché tant que M. Ford sera là. Mais ça pourrait changer avec un nouveau leadership. Je serais très surprise de la voir changer de parti, car elle a souvent exprimé des convictions claires. Son choix de siéger comme indépendante le démontre. »

Mais le Parti libéral de l’Ontario pourrait lui faire les yeux doux. Avant les modifications législatives voulues par le gouvernement, son ralliement permettrait aux libéraux d’atteindre le chiffre fatidique de huit députés, nécessaire pour être un parti officiellement reconnu à Queen’s Park. Dans un projet de loi, le gouvernement propose toutefois de faire passer de 8 à 12 députés, soit 10 % du nombre total de sièges à l’Assemblée, le minimum requis pour qu’un parti obtienne cette reconnaissance qui donne plus de poids et de ressources.

À long terme, son geste pourrait lui valoir un avenir politique, pense M. Graefe.

« Sa décision lui donne un capital sympathie comme femme de cœur et de principes, ce qui tranche avec la vision que bien des électeurs ont des politiciens. Si ce n’est pas au niveau provincial, son avenir pourrait s’inscrire au municipal ou au fédéral. »

Une voix de moins pour les Franco-Ontariens

Pour la communauté franco-ontarienne, la décision de Mme Simard signifie une perte de voix au sein du gouvernement. Dimanche dernier, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, lui avait demandé de rester au sein du caucus progressiste-conservateur pour sensibiliser le gouvernement.

« C’est une perte pour la communauté franco-ontarienne, c’est sûr, mais aussi pour le gouvernement, car elle était leur caution franco-ontarienne. Le premier ministre Ford a annoncé le rétablissement d’un poste de conseiller principal en politiques responsable des Affaires francophones. C’est sûr que cette personne agira pour faire passer le message du gouvernement et éviter les tollés, mais elle peut aussi être utile pour maintenir les canaux de communication. Car sinon, ça risque d’être encore trois longues années pour les Franco-Ontariens. »

Cet article a été mis à jour le jeudi 29 novembre 2018, à 14h38.