République démocratique du Congo et Côte d'Ivoire lutteront ce mercredi pour arracher un ticket de finaliste en Coupe d'Afrique des nations. Montage ONFR

La pression monte dans les communautés ivoirienne et congolaise du Grand Toronto à l’approche de la demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui se déroulera ce mercredi dans l’après-midi. Pour les partisans des deux camps, ce match et cette compétition sportive représentent beaucoup. Température à moins de 24 heures du coup d’envoi.

« Le parcours des Éléphants a suscité une ferveur, pas seulement au pays mais jusqu’ici », affirme José Kouadio. Ce partisan ivoirien qui vit à Whitby trépigne d’impatience avant le match qui pourrait expédier son équipe en finale. « Tous les Ivoiriens que je connais ont leur maillot de l’équipe. Pour regarder les matchs, certains prennent même congé, c’est dire à quel point leur parcours nous impressionne. »

Il décrit un engouement certain autour de lui. « Après la victoire en quart de finale, j’ai mis le drapeau sur la voiture pour rouler dans la ville. Je ne connais pas une personne de la diaspora qui n’aurait pas voulu être à Abidjan en ce moment pour vivre ça sur place. Mais ici aussi, on le vit vraiment passionnément. » 

Tom Galaty, un partisan membre de l’Association de la communauté ivoirienne de la région de Toronto (ACIRT), a également été témoin de cette ferveur. 

« Tout le monde est motivé et engagé naturellement à supporter les Éléphants. On la vit avec plein d’émotions, plein de stress et surtout on veut la gagner », raconte-t-il, fier que la Côte d’Ivoire, en quête d’un troisième trophée, soit le pays hôte de cette édition 2024.

Côté Congolais, cette compétition touche toutes les générations, mais plus particulièrement celle qui a vécu les victoires du Zaïre (ancien nom de la République démocratique du Congo, RDC) titré en 1968 et 1974. Patrick Mpiana est non seulement le président de l’Association des Congolais de l’Ontario, mais avant tout un très grand fan de soccer qui connaît sur le bout des doigts l’histoire de la sélection nationale.

« Ceux de ma génération ont les souvenirs de la dernière victoire en 74 et même les plus jeunes en ont entendu parler et veulent suivre. Ils sont aussi très intéressés. Ça fait 50 ans qu’on court après cette coupe, et là, les gens sont excités qu’on ait cette possibilité de la ramener pour la population. Tout le monde en parle de partout, même à l’église! »

Le parcours des deux équipes 

Il fallait avoir du nez avant la compétition ou même au terme de la phase de poule pour imaginer une demi-finale entre la Côte d’Ivoire, tout proche de l’élimination au premier tour, et la RDC qualifiée en huitièmes de finale avec trois matchs nuls.

« On a tous vécu ça avec beaucoup de stress jusqu’à rentrer dans les calculs. C’était stressant, mais on y croyait à tel point que les gens au pays restaient tout de même positifs scandant le slogan « La CAN c’est chez nous, on vaut rien mais on est qualifié’. Cela démontre cette joie de vivre des Ivoiriens qu’on retrouve beaucoup ici dans la communauté ivoirienne, à Toronto et au Canada en général », confie M. Galaty

José Kouadio, lui, est « sur un nuage » avec une équipe qu’il considère comme miraculée. 

« Le 4-0 (défaite) contre la Guinée équatoriale a sonné comme un coup de marteau pour tout le monde. Après ça, on devait chercher l’information sur les différents scénarios pour se qualifier. Il fallait finir dans les meilleurs troisièmes. On n’y croyait plus trop pour être honnête. »

« Finalement, ils ont fait l’exploit mais ensuite on rencontrait le Sénégal. On se disait : « Au moins le rêve aura tenu jusque-là ». Au final, se retrouver en demi-finale, c’est un miracle! Et une leçon de vie en même temps car on a une équipe qui ne lâche rien. »

Tom Galaty à gauche et Patrick Mpiala à droite arborent fièrement les couleurs de leurs équipes respectives. Gracieuseté

Côté RDC, après trois matchs nuls dans la phase de poule, qui ont suffi à obtenir la deuxième place, le niveau affiché par la sélection ne laissait pas entrevoir à Patrick Mpiana un tel parcours par la suite. 

« Je ne m’attendais pas à ce qu’on arrive à ce niveau-là de la compétition », avoue-t-il, nostalgique de la grande sélection nationale qui a soulevé le trophée en 1968 et 1974. « C’est une équipe pas très offensive, qui a marqué qu’un seul but en trois matchs. C’est ce manque d’attaque qui fait que je suis étonné mais je suis content quand même. »

Les événements organisés 

Avec des horaires souvent en journée la semaine, il n’est pas facile de permettre aux communautés de se regrouper. Ça n’a d’ailleurs pas été faisable pour les Congolais comme l’explique M. Mpiana. 

« Les matchs se déroulent le plus souvent à des heures où les gens travaillent. Certains suivent les matchs sur leur téléphone mais on n’a pas d’endroit spécifique où se réunir pour les suivre. »

L’ACIRT a en revanche profité d’un partenariat avec deux restaurants pour organiser de petits regroupements lors du match d’ouverture et des phases finales, pas loin de Mid-town (L’instant du palais) et un plus proche du centre-ville de Toronto sur Danforth (Le Plato). En cas de finale, il est prévu en partenariat avec le consulat d’obtenir une salle.

José Kouadio, de son côté, a la chance de pouvoir aménager ses heures de travail et profiter des matchs à la maison avec ses enfants qui le rejoignent après l’école quand les rencontres ont lieu en semaine. « Quand ils arrivent, on est tous à fond ensemble devant la deuxième mi-temps. Ce sont des moments extraordinaires, la maison est en feu! »

La demi-finale 

Cette demi-finale 100 % francophone est le match à ne pas rater pour les membres de ces deux communautés, comme en témoigne Patrick Mpiala.

« Je suis en train de compter les jours. Parfois le matin, je me réveille et je me dis : ‘on est quel jour, c’est dans combien de temps le match?’ J’ai vraiment envie qu’ils gagnent car cela va être vraiment très significatif pour les Congolais. »

Pour Tom Galaty, c’est presque une délivrance qui est attendue, après une compétition qui aura vraiment joué avec les nerfs des partisans ivoiriens depuis le début. « On ne dit jamais deux sans trois! Je suis impatient d’y être, mais en même temps je suis impatient d’en finir avec ça, c’est beaucoup d’émotion. »

En déplacement professionnel, José Kouadio ne pourra pas regarder la demi-finale avec ses enfants. Gracieuseté

En déplacement pour le travail ce jour-là, José Kouadio vivra la rencontre d’une manière un peu particulière : « Je vais l’écouter dans la voiture en roulant. Je pars en plus avec une Congolaise et un Ivoirien, donc ça sera la CAN dans la voiture! »

Le pronostic pour le match 

Chacun est confiant dans les chances de son équipe d’accéder à la finale. Tom Galaty ne veut pas parier sur le score. « Je ne fais pas de pronostic. Je veux qu’on se qualifie seulement, point barre. Peu importe le score, il n’y a plus de calcul, je veux juste la qualification. »

M. Kouadio est plus direct : « Si le cœur doit parler, je dirais 3-0 pour la Côte d’Ivoire. »

Côté Congolais, on mise sur le destin. M. Mpiala rappelle que son pays a gagné la CAN par deux fois après avoir éliminé le pays organisateur en demi-finale en le battant sur le score de 3-2 (l’Éthiopie en 1968 et l’Égypte en 1975), il croise les doigts pour que le scénario des victoires de 1968 et 1975 se répète. Il partage une anecdote croustillante qui lui fait dire que, non seulement les Léopards vont battre les Éléphants, mais qu’ils devraient aller au bout 50 ans après.

« 50 ans plus tard, nous nous retrouvons en demi-finale contre la Côte d’Ivoire, le pays organisateur. J’espère que le scénario va se répéter et que nous allons gagner par 3 buts à 2 et aller en finale face au Nigéria ou à l’Afrique du Sud pour gagner cette coupe. »

Des enjeux au-delà du sport pour la République démocratique du Congo 

Très souvent, les grands événements sportifs servent à mettre en avant des causes qui dépassent le cadre du sport. C’est encore le cas avec cette Coupe d’Afrique des nations dont les Congolais entendent bien se servir pour faire passer un message et mettre en lumière la situation politique compliquée actuellement à l’est du pays.

« C’est vraiment important pour les Congolais parce que c’est un pays de sport et c’est un pays meurtri, explique Patrick Mpiala. L’entraîneur français de l’équipe (Sébastien Desabre) a livré un message touchant après le dernier match, dédiant la victoire à la population de l’Est qui souffre. Même les gens qui sont dans cette détresse étaient sortis dans les rues, après la victoire en quart. Ça peut les soulager un peu, donc on attend une victoire pour leur donner de la joie et de l’espoir. »

Même chez les adversaires, on est conscient de ce supplément d’âme que possèdent les joueurs congolais dans cette compétition. José Kouadio le résume très bien. 

« C’est vraiment une équipe qui a la rage et qui a envie de faire plaisir à son peuple. On sait ce qui se passe au Congo, ce qui se passe à Goma notamment. Aucun joueur congolais ne joue que pour lui. Ils ont ce désir de mettre en lumière ces drames qui se passent au Congo sous le silence de la communauté internationale. Ça va être un match au sommet. Celui qui aura le plus de hargne l’emportera. Pour moi, ce match, c’est la finale. »